Publié le 20 Sep 2013 - 18:25
YOUSSOUF NDIAYE, DIRECTEUR DU CENTRE HOSPITALIER ABASS NDAO

 ''Il n'y a pas un hôpital plus sûr''

 

 

A la suite de la parution dans EnQuête (voir n°681 du mercredi 18 septembre 2013) du reportage montrant que des patients fuient l’hôpital Abass Ndao confronté à des problèmes d'équipements, de médicaments et de conflits sociaux récurrents, son directeur Youssouf Ndiaye apporte ses réponses. Dans cet entretien, il s'explique sur la question du licenciement des 7 employés et le problème des salaires.

 

 

Des patients ont soutenu que l’hôpital ne leur inspire plus confiance à cause du manque de matériels et de médicaments, ce qui a été confirmé par des médecins du centre parlant même de faible fréquentation. Que répondez-vous ?

Je suis vraiment très surpris que des médecins et certains patients puissent dire qu'ils ont peur de venir se faire soigner à l’hôpital. En tout cas, ce n'est pas ce que nous, nous constatons. L’hôpital est aujourd'hui beaucoup plus fréquenté qu'auparavant. La preuve, lundi passé, on a fait un niveau de recettes traduisant de la fréquentation de l’hôpital jamais égalée ; on a fait presque 8 millions dans la journée. Donc s'ils disent que l’hôpital fait fuir les patients, ça me crée des problèmes. Et mieux, c'est parce que l’hôpital est sûr qu'il y a souvent des patients qui ont été traités en dehors de l’hôpital et qui, après complications, reviennent à l’hôpital. Donc, c'est pour dire que c'est la sécurité ici. Si les médecins disent que notre plateau médical est vétuste, que nos infrastructures sont vétustes, je suis tout à fait d'accord. Je l'ai moi-même dit par ailleurs, parce que le bâtiment de la maternité va bientôt être centenaire s'il ne l'est déjà. Il a été inauguré en 1936. L’hôpital Abass Ndao est la plus grande maternité du Sénégal. En plus, nous sommes un pool de diabètes, parce que ce que les gens oublient, c'est que la prise en charge du diabète ne se limite pas au centre Marc Sankalé. Il y a la médecine interne qui représente la clinique médicale 2 de la Faculté de médecine. Donc si les gens ont peur de l’hôpital, cela veut dire qu'ils ont peur de la Faculté de médecine qui forme les médecins. Il n'y a pas un hôpital plus sûr que Abass Ndao. Non seulement il est au cœur de Dakar, mais aussi il est au cœur des Dakarois. Ce n'est pas parce qu'on a eu un désagrément par rapport à la qualité de l'accueil ou de la prise en charge qu'on remette en cause l'image de l’hôpital.

 

Quid du manque de matériels et de médicaments déploré ?

Le manque de médicaments n'est plus d'actualité. L’hôpital a traversé une crise profonde. On est arrivé même à ne pas payer les salaires. C'est dans cette période qu'on a eu aussi bien des problèmes pour payer les salaires que pour avoir des médicaments. Et l’État central, en rapport avec la direction de la pharmacie nationale d’approvisionnement, est venu à la rescousse. C'est du passé parce que c'était à un moment bien précis. Et je pense que tous les hôpitaux à un moment ou un autre se sont retrouvés dans une même situation. Cela fait partie de la vie normale de nos établissements publics aujourd'hui au Sénégal. Donc l’hôpital n'a pas de problème de médicaments.

 

S'agissant des salaires ?

Les salaires sont payés à tant. C'est des problèmes de procédures bancaires qui sont la cause des retards, cela ne vient pas de l’hôpital qui transmet les salaires à temps. D'ailleurs, ceux qui sont payés à la billetterie perçoivent leur salaire à temps. C'est une partie du personnel qui a eu à constater un retard.

 

En assemblé générale le 19 août dernier, le syndicat maison a dénoncé ce qu'il qualifie de ''licenciement abusif'' de quelques-uns de leurs collègues. Qu'en est-il exactement ?

C'est une section locale d'un syndicat qui a dénoncé ce licenciement prétendu abusif. Ce qui ne l'est pas. Et je défie quiconque de me prouver dans le cadre même du code du travail que le licenciement était abusif. Le licenciement était tout à fait légal et justifié. Si je n'avais pas licencié, je n'aurais pas fait mon travail. Parce qu'ils ont commis des fautes lourdes.

 

Des fautes de quelle nature ?

Il y a le droit de réserve et l'intimité de ces personnes que je ne veux pas violer. Une faute ne peut pas être plus lourde que de ne pas respecter l'autorité de l’État que j'incarne. Une faute ne peut pas être plus lourde que de ne pas tenir compte de la quiétude des malades. Une faute ne peut pas être plus lourde que de poser des actes de vandalisme. La liberté syndicale ne permet pas de faire des actes de vandalisme. Rien que cela était suffisant pour licencier ces personnes. C'est pour dire que le licenciement se justifiait à tout point de vue. Mais on est dans une situation d’accalmie. Je les ai reprises, c'est pourquoi je vous demande de ne pas insister sur ce point qui est déjà derrière nous.

 

Avez-vous recruté des stagiaires ?

Non. J'ai trouvé que dans cet hôpital, il y avait du bénévolat, ce qui est interdit. Quand j'ai pris service, je me suis rendu compte qu'ils ont besoin de ces personnes (stagiaires) qui sont des diplômés - diplômes d’État - et que l’hôpital ne peut pas recruter. J'ai joué sur les départs à la retraite, comme je ne peux pas recruter parce que le personnel de santé coûte cher et je n'ai pas les moyens. Et ces personnes acceptent de venir travailler sans rémunération, histoire d'avoir une expertise. On a fait un partenariat gagnant-gagnant. Ils viennent travailler pour nous, et de notre côté, nous nous efforçons de leur donner le transport. En étant sûr que lorsqu'on aura la possibilité de recruter, ils seront prioritaires, parce que nous avons besoin d'un personnel qualifié. C'est ça notre manque ; nous avons une pléthore de personnes non qualifiées. L’hôpital compte à peine 8 infirmiers d’État, alors que c'est un hôpital de niveau 3. Mais je n'ai pas recruté parce que je n'ai pas les moyens de le faire.

 

Pourtant on vous reproche de faire un recrutement abusif...

Ceux qui me reprochent un recrutement abusif, c'est parce qu'ils n'ont pas compris que j'ai procédé à un acte historique : c'est l'intégration du centre Marc Sankalé. J'ai réussi cette intégration et le centre est devenu maintenant un service de l’hôpital. Aujourd'hui, le centre est comme la médecine interne et comme la gynécologie. C'est moi qui ai nommé le chef de service de gynécologie qui est un professeur titulaire de gynécologie. C'est moi qui ai nommé le chef de service du laboratoire, et de la même façon je peux nommer le directeur du centre Marc Sankalé. Mais aujourd'hui, le professeur Seydou Nourou qui est une icône de l’hôpital est le président de la commission médicale d'établissement. Il est chef de service, je suis le directeur. Et quand on a décidé de l'intégration, les partenaires du centre, notamment l'Assad (Association sénégalaise de soutien aux diabétiques) ont dit d'accord : on intègre l’hôpital avec nos recettes, nos bagages et nos personnels. Le centre Marc Sankalé était la troisième source de revenus de l’hôpital à part le service de gynécologie et celui du laboratoire. L’intégration du centre est un avantage incommensurable pour l’hôpital. Et mieux, cette intégration a permis d'unifier la direction de l’hôpital. L'autorité de l’hôpital est reconnue en la personne du directeur de l’hôpital. Le personnel du centre s'est retrouvé dans les mêmes conditions de sécurité d'emploi que le personnel de l’hôpital. C'est quelque chose d'extraordinaire. C'est pour dire que c'est le seul recrutement que j'ai eu à faire. Et ceci obéit aux respects d'une convention qui a été acceptée et souhaitée ardemment par le conseil d'administration qui m'en a donné déjà mandat. Je n'ai recruté ni parents, ni enfants, ni copains à l'hôpital.

 

Et le favoritisme dont on parle dans le cadre de votre entourage ?

Ça n'existe pas. Moi je suis manager, j'ai été choisi sur appel à candidature. Je suis directeur d’hôpital depuis 1995. Si j'avais un choix à faire, je n'allais pas quitter là où j'étais pour venir ici. Parce que là où j'étais, à part le ministre, j'étais la personne la plus importante du ministère ; j'étais le directeur de l'administration générale et de l'équipement. Ces personnes dont on parle, je les ai trouvées à l'hôpital. J'ai appris aussi les principes du management, je peux aussi distinguer les gens qui sont prêts à mouiller le maillot avec moi, ce sont ces gens avec qui je travaille. Et tous les actes que j'ai eu à poser sont cohérents par rapport à la loi portant réforme hospitalière. Parce que dans cet hôpital, ceux qui parlent en général confondent et ne comprennent pas les dispositions et les tenants sur la loi portant réformes hospitalières. Le chef de service des soins infirmiers dont on parle est nommé par le directeur de l’hôpital parmi les cadres infirmiers ou les techniciens supérieurs de santé. Ceux qui menaient le mouvement d'humeur ne sont pas des hospitaliers. On sait comment ils ont été recrutés. Et pour la nomination, je ne vais pas prendre n'importe qui, il faut toujours prendre une personne en qui on a confiance.

 

 

 

 

 

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