Dans une jovialité instable et explosive
Il a vraiment fallu l’attendre, l’ouverture des hostilités, sur l’avenue Georges Pompidou, ce mardi. Les choses n’ont vraiment commencé à chauffer que quand le soleil déclinait à l’horizon. Si un accord tacite entre Y en a maristes et M23 voulait que les premiers manifestants se montrent en début d’après-midi, ce n’est que plusieurs heures après qu’on a vu un peu d’action avec l’arrivée en fanfare d’Idrissa Seck.
Accueilli par de nombreux ''Idy Président!'' scandés en son honneur, le front man du Rewmi est venu, avec le goût pour la provocation qu’on lui connaît, se planter pile en face des policiers. Son cortège, tout en grosses cylindrées noires, vitres teintées, ''ninjas'' cagoulés et sono montée à fond, a assuré le show en chauffant la foule juste ce qu’il fallait. ''Wax waxeet'', ''Na dem'' et autres titres populaires du moment retentissaient à des centaines de mètres à la ronde, le tout lacé d’interludes ''discothèque internationale'', dont le très apprécié ''Get up, Stand up'' de Bob Marley.
L’autre star du jour a sans conteste été le candidat Cheikh Bamba Dièye. Alors que la rumeur le voulait embarqué par des GMI dans un pick-up argenté en direction du commissariat du port, il s’est comme matérialisé à la place de l’indépendance pour donner une interview aux journalistes. Là encore, on a eu droit à du spectacle avec une dispersion, à grands renforts de grenades lacrymogènes, de la foule par la police qui ne s’est pas fait attendre. Bien qu’une journaliste européenne se soit (très) légèrement égratignée dans sa fuite (fait monté en épingle par des reporters télés et radios présents sur place), il n’y avait, néanmoins, rien de méchant jusque-là.
''L’affaire s’est gâtée'', comme disent les Ivoiriens, précisément au moment où (survoltés par l’arrivée en première ligne de Youssou Ndour, qui sait ?) les jeunes ont arrosé les forces de l’ordre (et les journalistes présents derrière eux) d’une pluie de pierres. Gros comme des pommes, ces obus n’ont pas tardé à provoquer une riposte sous forme de lacrymogènes et autres balles à blanc.
La suite, c'est comme d'habitude : deux blessés, des urgentistes évitant de peu de se faire canarder par les hommes en bleu en faisant leur travail, mais surtout la surprise immense qui envahit sans faute les Sénégalais (élite et populace confondues) quand ils constatent à quel point les choses peuvent vite déraper...
SOPHIANE BENGELOUN