Les étudiants invités à s'inspirer de ''La révolution rectifiée''
Fan de Sankara, le très engagé rappeur sénégalais Didier Awadi a invité les étudiants à s'inspirer du documentaire ''Thomas Sankara : la révolution rectifiée'', projeté lundi, à la cité Claudel de l'Ucad.
Son charisme, son attachement à la cause paysanne, son patriotisme, sa lutte contre l'impérialisme notamment français et la néo-colonisation, ses discours révolutionnaires, les causes et circonstances de son assassinat. Tout ce qui caractérisait l'ancien président du Burkina Faso a été passé en revue dans un documentaire intitulé ''Thomas Sankara : la révolution rectifiée'', projeté lundi à l'Université Cheikh Anta Diop de Dakar (Ucad). C'est à l'initiative de la Fondation Rosa Luxemburg, en collaboration avec le Groupe de recherche et d'initiative pour la libération de l'Afrique (Grila), dans le cadre de la visite de Fidèle Toé, ami d'enfance du capitaine Sankara.
D'une durée de 52mn, cette production a été l’œuvre de Thuy Tiên Ho, Directrice et membre fondateur d’Orchidées dont les objectifs sont la production, la réalisation et la diffusion d’outil multimédia (documentaires, journaux, livres) pour une ''meilleure information sur les enjeux politiques et économiques Nord/Sud, éducation à la citoyenneté, éducation contre les racismes''. Elle a déjà réalisé de nombreux films, dont déjà deux autres en tant que productrice ou réalisatrice, consacrés à la révolution burkinabè : ''Capitaine Thomas Sankara, requiem pour un Président assassiné'' de Didier Mauro, et ''Fratricide au Burkina, Thomas Sankara et la Françafrique'' co-réalisé avec Disier Mauro.
Dans ''La révolution rectifiée'', l'auteure-réalisatrice revient sur le mois d'août 1983 au cours duquel le Capitaine Thomas Sankara prend le pouvoir dans l’ancienne colonie française de la Haute-Volta, aidé par un commando dirigé par son ami et frère adoptif Blaise Compaoré. C'était le 4e coup d’État qui secoue la jeune nation depuis son indépendance en 1960. Pour comprendre cette instabilité, la productrice est remontée dans le temps, à l’Afrique des Royaumes et des Empires, à celle de la colonisation puis à la conférence de Berlin, en 1885. Contrairement aux précédents, il relève que le putsch de Sankara et Compaoré a des ambitions révolutionnaires d’inspiration marxiste.
Le but étant de mettre fin à la mainmise néo-coloniale de la France sur les affaires du pays, favoriser l’égalité des chances et l’éducation des masses, et lancer une réforme économique qui tient compte de la ruralité du pays. Des ambitions qui se traduiront un an plus tard par le changement de dénomination du pays qui devient le Burkina Faso (Le pays des hommes intègres).
En outre, le film documentaire retrace la mise en œuvre concrète de la politique de Sankara parfois jugée trop extrême, notamment à cause de la suspension des privilèges à l'endroit des ministres et autres cadres de la République, des dissidences nées au sein de la junte et de son assassinat dont le conspirateur n'est autre que son son frère d’arme Blaise Compaoré, 4 ans plus tard. Cela est survenu alors que Sankara s’apprêterait à rectifier certaines de ses erreurs.
La réalisatrice s'est appuyée sur les témoignages de personnes ressources telles que Denise Badiny historienne, Augustin Loada, politologue, Roland Biache, délégué général de Solidarité Laïque, de Gaby Cohn Bendit, militant pédagogique, assez proche des thèses du pouvoir burkinabé actuel, d’Aziz Fall, politologue sénégalais installé au Canada, et coordinateur du Collectif juridique Justice pour Sankara, de l'économiste Samir Amin, de la journaliste Augusta Conchiglia. Mais également d'une demi-douzaine de Ghanéens d’origines diverses, comme Kwesi Pratt, ancien représentant du Ghana aux Nation-Unies, Sam Garba, qui apportent un éclairage de cette révolution à partir d’un autre pays dont l'ancien président Jerry Rawlings était le véritable allié de Sankara dans la sous-région. Par des interviews de témoins et d’acteurs de l’époque ainsi que la présence d’archives souvent inédites, le film a fait découvrir l’histoire d’un pays africain cité souvent en exemple pour sa stabilité parmi les anciennes colonies françaises dans l’Afrique de Ouest. Le documentaire montre aussi des images émouvantes de la famille, dans la maison paternelle, au milieu des quelques objets rescapés de Sankara.
Awadi : un ''film très juste''
Présent à cette projection, Fidèle Toé, ami d'enfance de Thomas Sankara, a incité les étudiants à poursuivre la lutte du ''révolutionnaire'', en ne considérant pas la mort du prédécesseur de Compaoré comme un échec. ''La lutte contre le néo-colonialisme et l'impérialisme a conduit à la mort de beaucoup'', dira M. Toé, avant de préciser que Compaoré n'a jamais été l'ami d'enfance du capitaine comme il le prétendrait. Fidèle Toé est à Dakar dans le cadre de la semaine de promotion du livre “Redécouvrir Sankara, Martyr de la liberté”, coordonné par Ndongo Samba Sylla, qui se déroulera du lundi 14 janvier au samedi 19 janvier. Fan de Sankara, le très engagé rappeur sénégalais Didier Awadi a invité les étudiants à s'inspirer de ce ''film très juste'' afin de comprendre les vrais enjeux actuels et futurs.
ANTOINE DE PADOU