Hypocrisie
Les Sénégalais ont encore démontré, dimanche, qu'ils savent ce que vaut un vote. A l'exception de quelques inconscients qui monnaient leur carte d'électeur contre quelques francs Cfa qu'aucune vulnérabilité sociale ne saurait absoudre. Le peuple sénégalais a encore montré sa maturité en allant accomplir son devoir citoyen dans le calme et la sérénité.
Seuls les politiciens le redécouvrent avec cette dose d'hypocrisie dont ils détiennent seuls le secret. Le président sortant Abdoulaye Wade et son camp le chantonnent à souhait depuis qu'ils ont été mis dans l'impossibilité de violer à satiété la volonté générale. Ils fredonnent la souveraineté des Sénégalais après avoir tripatouillé à s'en repaître leur constitution en les contournant sec via des automates libéraux à l'Assemblée nationale. Il est, après coups fourrés, de bon ton de roucouler avec les colombes et jeter l'anathème sur des ''oiseaux de mauvais augure'' d'ici et d'ailleurs, après avoir provoqué, par son entêtement dictatorial, la mort d'au moins une dizaine de personnes en quelques jours de manifestations réprimées par une police lâchée sur ceux dont on loue, maintenant, la ''maturité''.
Non, les Sénégalais ne l'étaient sans doute pas au moment où ils voulaient crier ''Wade dégage'' à la place de l'Indépendance, comme le leur permet leur Constitution. Non, ils sont si peu sûrs, qu'il a fallu leur mettre aux trousses des nervis des Forces alliées (FAL 2012) à Fatick, à Touba, dans la banlieue de Dakar et à Kaolack pour, dit-on, ''sécuriser le vote''. Comme si les forces de l'ordre sénégalaises, dont les tenants du pouvoir louent tant le professionnalisme, pouvaient faillir, après avoir ''assuré'' en 2000 et 2007. Pince sans rire, Doudou Wade, le député et neveu du président, a avancé sur la RFM, hier, que les policiers n'ont même pas constaté un ''accident de vélo'', feignant d'oublier qu'à Touba, dimanche, un pick-up de nervis libéraux s'est renversé en faisant la chasse à Moustapha Cissé Lô : bilan 9 blessés.
En réalité, c'est plutôt le pyromane qui a dû remettre en boîte ses allumettes prêt-à-l'emploi, face à la pression nationale et internationale, l'affluence massive des médias et des observateurs, la détermination des Sénégalais à ne plus laisser insulter leur histoire par celui et ceux qui leur doivent tout. Les plus belles pages de celle-ci ont été écrites en 2000 un certain...19 mars, lors d'un second tour mémorable qui mena Wade au pouvoir. Et puisque l'histoire se répète de façon tragique la première fois…
Mamadou Lamine BADJI