Bienvenue au Gamou des incrédules
A Tivaouane, près du chemin de fer, ils ont élu domicile. Ils pratiquent le fétichisme et s’adonnent aux jeux de hasard. C’est leur manière de célébrer le Gamou et ils semblent bien s’y plaire.
Si tout ce qu’il raconte est vrai, le malien Diarra dispose certainement d’un remède contre le feu qui couve dans son pays. Ses gris-gris rouges, blancs, beiges et ses bouteilles habillées en tissu de diable, ont le don hilarant de tout soigner. Au milieu d’une foule curieuse, il s’active et étale ses pouvoirs ‘’surnaturels’’. L’éventail est large : ‘’cette bouteille c’est pour amener la paix chez-soi’’ ! ‘’Celle-là pour soigner l’impuissance’’ ! ‘’Si tu aimes une fille, mets là dans ce cadenas et tu en fais une esclave’’ ! Diarra soigne tout et peut tout faire.
Il est ‘’fort’’ cet homme habillé en boubou blanc planté de petites cornes arrachées dont on ne sait de quel animal. Tantôt il écarquille les yeux, fixe une bouteille jusqu’à soulèvement, tantôt il fait le tour de son étale ‘’satanique’’. L’homme respire la forme et se prélasse. Il frime, c’est un loseur. Diarra séduit des fans qui n’hésitent pas à l’extraire de la foule pour lui confier des secrets. ‘’Il est fort ce gars, il peut tout faire, il a des gris-gris qui augmentent la taille du sexe, d’autres agrémentent les rapports charnels (…) gare à vous s’il s’aperçoit que vous êtes en train de le photographier, il a le pouvoir de détruire votre appareil sans bouger de là où il est’’, souffle ce gamin à la frontière de l’ensorcellement.
Diarra semble ignorer que sur cette terre où il a planté son armada de fétiches, des milliers de pèlerins convergent pour célébrer la naissance du prophète de l’islam. Mais à tout point de vue, il n’en a cure. Tout comme ces jeunes le visage bouffi gérant une foultitude de tables de jeu. Les pièces sonnent et trébuchent dans de petits sacs ceinturant leurs corps. Faites vos jeux messieurs c’est 200 francs la passe. De jeunes gens prennent d’assaut les lieux et forment très vite de petits rassemblements touffus autour des tables.
‘’Le but du jeu est simple et on peut ramasser beaucoup de frics avec ça’’, appâte cet indolent membre du deal. Qui l’eut cru, cet endroit git au cœur de Tivaouane la sainte. Il rivalise avec les autres lieux d’affluence spirituels. Sauf qu’ici, ce sont des poudres qui peuvent tout faire, des bouteilles aux pouvoirs magiques, des serpents enfermés dans des caisses, des voyants qui semblent jeter leur dévolu sur les maigres économies de pèlerins naïfs.
Bien souvent, le vent transporte le son des chants religieux sur cet endroit de libertinage. Mais Diarra et ses voisins ne veulent entendre rien d’autre que le bruit de cet argent, fruit de leur imagination fertile. Ils célèbrent leurs prouesses sur des pèlerins qui ne se suffisent aux prières de la sainte nuit du Maouloud. L’endroit ne désemplit pas, les maîtres du lieu se frottent les mains. C’est le Gamou des fétiches et des jeux de hasard.
Amadou Ndiaye