Diseurs de bonnes aventures
Enfin, elle est devenue palpitante, la campagne électorale. La presse s’en délecte. Les formules chocs et les analyses politiques se succèdent. Les masques tombent et les langues se délient pour mieux se livrer devant caméras et micros. Les journalistes consultent politologues et autres chroniqueurs politiques comme les adeptes de ''sciences divinatoires'' le font auprès des diseurs de bonnes aventures, et les férus d’astrologie auprès de ''Madame Soleil''.
A ce jeu-là, comme pour ces supposées ''sciences'' de la voyance, le risque est grand de se griller. Mais qu’importe, le jeu en vaut la chandelle. Alors costumes et autres ''sabadors'' gominés à souhait sont de sortie. Ces invités (ce sont toujours les mêmes d’ailleurs !) font leurs exercices de diction, avec crayon à la bouche, entre deux enregistrements télés et autres interventions radiodiffusées. Les calculs politiciens et les hypothèses d’alliances ou de mésalliances sont expliqués à coup de thèses, antithèses et synthèses. C’est ''la politique expliquée aux nuls'' pour les profanes qui n’y comprennent pas grand-chose. Ou les entourloupes politiciennes bien sénégalaises qui se dérobent au cartésianisme des ''hôtes étrangers qui vivent parmi nous''.
Ce faisant, nos experts es science politique oublient que l’intelligence, comme le bon sens, ''est la chose la mieux partagée au monde''. Ils rivalisent de pertinence, poussés dans leurs derniers retranchements par les animateurs d’émissions politiques qui les ont invités, si ce ne sont pas eux-mêmes qui ont ''demandé'' à être invités. Si, si, ça se fait ici !
Comme l’atteste Félix Nzalé, directeur de publication du quotidien La Tribune dans son ''coup de gueule'' du mercredi et intitulé ''Revirement journalistique''. Il s’interroge sur ''Les journalistes futurs transhumants?'', à propos de certains ''confrères'' qui, après avoir servi le pouvoir en place, et parfois, pour les plus anciens, le défunt pouvoir socialiste, sentant le vent tourner, comptent naviguer dans le sens de ce nouveau souffle qui pointe à l’horizon. Après avoir fait quasiment dans la propagande pour défendre un régime tutélaire, à coups de papiers aux couleurs bleu et/ou jaune, certains tentent de s’accrocher à quelques branches que la raison et leur instinct de survie leur désignent, pour ne pas être entraînés dans la chute de leur ''sponsor'' officiel.
Et pour tout ce beau monde de la presse, les prédictions et autres railleries continuent. C’est de ''l’anthropophagie politique'' pour reprendre la formule de Pape Samba Kane, désignant ainsi ces politiciens qui se servent de certains ''plumitifs'' pour régler des comptes. Et c’est le même PSK, directeur de l'information et éditeur du Populaire, qui affirme, qui fait ce constat édifiant : ''Le monde politique est un monde où les pulsions humaines sont grossies à l'extrême. On y rencontre les amitiés les plus sublimes, mais en même temps les trahisons les plus abjectes, le désintéressement et la veulerie y cohabitent sans complexe. Ce monde permet de mieux saisir l'homme dans sa complexité profonde ; finalement, les hommes qui font de la politique me passionnent plus que la politique elle-même''. ''Spéciale dédicace'' aux diseurs de bonnes aventures politiques.
Karo DIAGNE-NDAW