Quand le gouvernement méprise les députés
Les députés de la 12e législature ont beau clamer la «rupture», le constat est têtu. L’Assemblée nationale garde toujours ses vieilles habitudes. Ce qui explique peut-être le peu d’intérêt du gouvernement vis-à-vis des questions orales et écrites des députés qui leur sont adressées. Si importantes soient-elles, ces questions orales et écrites sont souvent jetées dans les limbes si elles ne sont pas simplement renvoyées aux calendes grecques.
Le Pr. Iba Der Thiam aura beau être prolixe, ses initiatives ont rarement fait l’objet de débat parlementaire. Infatigable, il a d’ailleurs marqué son retour à l’Assemblée par au moins dix questions orales et écrites. Mais elles sont sans suite pour le moment. Le même sort est réservé aux questions orales de Mamadou Diop Decroix et Aïda Mbodj qui avaient interpellé le gouvernement sur l’implication des soldats sénégalais dans la guerre au Mali. Une attitude que le leader de And Jëf fustige. «Ils (les membres du gouvernement) avaient parlé de rupture, mais c’est loin d’être le cas», dit-il. «Au début, on nous avait dit que le Mali n’était pas en guerre. Ensuite, le président Macky Sall a déclaré que les soldats sénégalais partaient en guerre et leur a demandé de verser sur l’ennemi toute la violence nécessaire», relève Diop «Decroix». Qui se demande si l’absence de réaction du gouvernement n’a pas pour «objectif de banaliser» les questions écrites et orales.
Le président du groupe parlementaire des Libéraux et démocrates, Modou Diagne Fada, situe le problème ailleurs. «Rien ne dit que les nouveaux députés maîtrisent tout le règlement intérieur pour que le gouvernement nous accorde plus d’importance», dit-il. «Le gouvernement a toujours prétexté que les questions orales sont politiques, ou encore le vote du budget», pour ne pas répondre aux questions des députés. «Mais ce n’est pas une raison pour ne pas venir répondre», poursuit l'ancien ministre.
Bientôt «les lignes vont bouger», promet son collègue Moustapha Diakhaté. Conscient de la mauvaise image que renvoie le Parlement, le président du groupe parlementaire Benno Bokk Yaakaar (BBY) annonce : «Nous sommes en train de réfléchir pour permettre à l’Assemblée de bien utiliser des leviers comme les questions orales et écrites, dit-il. Nous voulons par exemple que le Gouvernement vienne répondre pendant une ou deux heures de temps aux questions de députés». Cette innovation devrait entrer en vigueur d’«ici un mois». D’ailleurs, des sources dignes de foi informent que la question orale d’Aïda Mbodji fera l’objet de débat «dans les prochains jours». Diakhaté se veut ferme : «Nous n’allons plus continuer dans l’immobilisme ; que le gouvernement se le tienne pour dit.»
Ce que dit le règlement intérieur
Article 92 : «Les députés peuvent poser aux membres du gouvernement des questions écrites. Ils sont tenus d’y répondre. Les députés peuvent poser aux membres du gouvernement, qui sont tenus d'y répondre, des questions d’actualité et des questions orales. Les questions et les réponses qui y sont faites ne sont pas suivies de vote. Pendant la session ordinaire, deux séances sont prévues : une séance par semaine est réservée aux questions orales ; une séance au moins par mois est réservée à des questions d’actualité au gouvernement. La question d’actualité est posée par un député. Une réponse est apportée par le Premier ministre ou un membre du Gouvernement. La Conférence des Présidents détermine les modalités d’organisation de ces séances
Article 93 : «Les questions orales doivent être succinctement rédigées et se limiter aux éléments strictement indispensables à la compréhension de la question. La Conférence des Présidents les examine et procède à leur classement. Elle fixe la durée de la séance. Les questions orales sont alors inscrites au rôle des questions orales. Notification en est donnée à l’auteur de la question. Les questions orales ne doivent contenir aucune imputation d’ordre personnel à l’égard de tiers nommément désignés. (...) Les questions orales provenant de la transformation des questions écrites bénéficient d’une priorité d’inscription.(…)»
Article 94 : «Les députés peuvent poser, aux membres du Gouvernement des questions d'actualité nationale ou internationale. Elles sont libellées succinctement. Les questions d’actualité doivent présenter un caractère d’intérêt général et se rapporter à un fait datant de moins d’un mois, au moment de leur dépôt. Les questions d’actualité sont déposées à la Présidence de l’Assemblée nationale une heure avant la Conférence des Présidents qui décide de leur inscription à l’ordre du jour de la prochaine séance réservée aux questions orales. La première partie de la séance leur est réservée par priorité (…).
Article 95 : «Tout membre de l'Assemblée nationale qui désire poser une question écrite à un membre du Gouvernement, doit en remettre le texte au Président de l'Assemblée nationale qui le communique au président de la République ou au Gouvernement. Les questions écrites sont notifiées au président de la République ou au Gouvernement, publiées au Journal des débats et affichées. Les réponses des ministres doivent être publiées dans le mois suivant la publication des questions. Ce délai ne comporte aucune interruption. Faute par le ministre concerné d’avoir répondu dans les délais prévus ci-dessus, la question écrite est transformée automatiquement en question orale.
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DAOUDA GBAYA
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