Tous unis autour du «Tokk, Tekki, Teral say wadjur»
De l’émotion, des larmes, mais surtout une volonté farouche de tirer les leçons du passé pour que jamais plus des jeunes n’aillent mourir par brassées en haute mer. C'est ce qu’on peut retenir du tout 1er forum de l’IFIFAN sur le thème «Genre et Émigration clandestine : cas des femmes de Barça ou barsaq». Organisé hier matin à l’UCAD 2, l’événement a fortement mobilisé (et pas que des femmes) autour d’un phénomène aussi endémique que tragique.
Femmes, mères, sœurs, amies… Nombreuses étaient celles qui se sont donné rendez-vous hier, à l’UCAD pour le 1er Forum Genre et Immigration Clandestine de l’Association des Femmes de l’IFAN (AFIFAN). Plateforme qui a vocation d’encourager, d’encadrer une réflexion vraie et profonde sur un fléau qui touche le Sénégal depuis 2008, ce forum a compté la présence de personnalité de l’État, d’experts mais aussi d’acteurs directement touchés par le phénomène, à l’exemple de la Présidente du Collectif des mères contre l’immigration clandestine, Yaye Bayam Diouf. On rappelle que cette dernière a déjà, par le passé, fait des interventions très remarquées, notamment à la récente conférence TEDxSandaga où elle avait ému l’assistance par son histoire et celle de son fils, parti à bord d’une pirogue pour l’Espagne et aujourd’hui disparu.
L’événement s’est ouverte sur les allocations de diverses autorités. «Il s’agit ici de réfléchir sur les causes d’un mirage qui souvent vire au drame… Un phénomène qui était essentiellement masculin à ses début, mais qui aujourd’hui frappe nos sœurs de plein fouet, que ce soit directement, quand elles s’embarquent elles-mêmes à bord des pirogues, où indirectement quand il concerne un frère, un fils ou un mari. Ces femmes cependant ne restent pas apathiques. Certaines ont pris ce fléau à bras le corps et luttent avec acharnement pour l’éradiquer. Aujourd’hui, il s’agit de trouver une esquisse de solution, piste ou moyen pour comprendre cette tendance dangereuse et leur donner les armes pour se battre.», a déclaré Masokhna MBAYE, née Sène, Présidente de l’AFIFAN.
375 disparus à Thiaroye sur Mer
Il a aussi été question de visionner un moyen métrage sur le sujet. Une production de 26 minutes intitulée : ''Le cri de la mer'' et signé de la main d’une jeune réalisatrice sénégalaise, Aïcha Thiam. Démarrant sur un gros plan assez mélancolique sur l’immensité de l’océan, ce film retrace le parcours de Yayi Bayan Diouf, depuis le départ de son fils d’un port Nouadhibou jusqu’à son implication actuelle dans la vie associative de sa communauté de Thiaroye sur Mer.
On y apprend avec émotion, que depuis le début du phénomène «Barca ou Barsaaq», le petit quartier de Yaye Bayam Diouf a perdu 81 jeunes, sur un total de 375 disparus recensés par la commune d’arrondissement… Fait statistique que les femmes du Collectif des mères contre l’immigration clandestine, malgré l’absence de soutien psychologique, semblent prendre avec philosophie, bien que certains membres de ladite association se sont vu arrachées jusqu’à 3 ou 4 enfant par les bras glacés de la mer.
Après la projection du film retransmis sur l’écran géant de l’amphithéâtre principal de l’UCAD II, l’heure était aux débats : pourquoi le «Barca ou Barsaaq»? Comment résoudre le problème en s’attaquant à ses racines? Qui en sont les acteurs, les victimes, les responsables? Bien qu’il soit impossible de trouver une réponse définitive à ces questions, la modératrice (Fatou Sow, Professeur de Sociologie, Coordonnatrice internationale du Réseau Femmes sous lois musulmanes) et les intervenants (Yaye Bayam Diouf, Fatou B. Dial, Fatou Sarr, Abdou Salam Fall, Youssou Mbargane Guissé) ont esquissé avec brio des pistes de réflexion à la fois originales et pertinentes en vue, un jour, d’une résolution durable du problème de l’immigration clandestine.
Sophiane Bengeloun