Publié le 19 Sep 2013 - 14:55
LA CHRONIQUE DE MAGUM KËR

Le jeu solitaire d’Idy

 

 

Idrissa Seck a annoncé avoir quitté l’Alliance Benno Bokk Yaakaar, au terme de la réunion de son secrétariat national, après plusieurs signes indicateurs de sa volonté de redéfinir son rapport politique avec le régime de Macky Sall. Le contexte n’est pas favorable à cette décision dans la mesure où la récente lettre de l’ancien président Me Abdoulaye Wade à son successeur Macky Sall, lui proposant la réunification des franges libérales, semble avoir tourné court. Mais surtout, cette initiative de Me Wade n’a pas secoué la ligne de front entre les organisations politiques de l’alliance au pouvoir et celles de la nouvelle opposition. Elle n’a pas non plus amélioré les relations entre les factions décomposées du Parti démocratique sénégalais (Pds) originel, aussi bien la plus significative, Bokk Gis Gis de l’ancien maire de Dakar, Pape Diop, que celles de Abdoulaye Baldé, d’ailleurs reconverti au centrisme, et de Thierno Lo qui guigne une éventuelle recomposition de la majorité présidentielle.

La démarcation tactique d’Idrissa Seck du régime de Macky Sall a commencé par ses critiques de la faible performance du gouvernement. Sur un ton mi-figue, mi-raisin, car le Secrétariat national de ''Rewmi'' les accompagnait de félicitations au chef de l’État et de proposition de mise sur pied d’une commission de réflexion dont la finalité serait de proposer au gouvernement des mesures de redressement. Certaines composantes de l’alliance gouvernementale l’avaient ainsi apprécié, la Ligue démocratique (Ld) alors dirigée par le Professeur Abdoulaye Bathily, allant jusqu’à lui apporter son soutien en rappelant face aux réactions courroucées des organisations périphériques du parti présidentiel, l’Alliance pour la République (Apr) : ''Benno Bokk Yaakaar doit fonctionner dans le respect des différences qui constituent la richesse de toute démocratie.'' Et en évoquant la cohésion et la solidarité nécessaires pour réaliser les transformations sociales pour lesquelles leur allié a été élu avec 65% des suffrages.

Cette pétition de principe, dont les auteurs ont déjà fait les frais, est bien candide devant la transparence des intentions d’Idrissa Seck, mauvais Cayorien en la circonstance, qui les annonce toujours avant terme, comme quand il s’est limité le destin en s’édictant 4ème président. Avait-il fait un mauvais calcul en misant sur la fidélité à sa personne des deux ministres qu’il a envoyés dans le gouvernement ou sur une hypothétique ''loyauté'' du président Macky Sall, qui les renverrait au constat qu’ils ne sont plus en phase avec le parti qu’ils y représentent ? C’est faire peu de cas de l’évolution des mœurs politiques dont la valeur dominante est la ''transhumance'' parce que la forme républicaine de libre association d’individus libres permet tous les reniements quel que soit le jugement de l’opinion. Et sur ce chapitre, en substituant dès la fondation de leur Pds, le concept de ''frères'' à celui de ''camarades'', les libéraux ont inventé une autre manière d’être ensemble.

Ainsi la pudique bouderie familiale, où les franches explications sont exclues ou dérapent loin des principes édictés, a gouverné la relation entre Idrissa Seck, Omar Sarr, Me Nafissatou Diop et leurs deux frères, ministres pour leur propre compte dès lors qu’une critique des insuffisances du gouvernement où ils siègent est une critique de leur propre carence. Avant le dénouement de cette contradiction qui épaissit entre le leader de Rewmi et deux de ses principaux lieutenants, la notaire Nafissatou Diop change de camp et cumule, ''similax sala'', sa profession avec la fonction de président de conseil d’administration. Très incisif sur d’autres questions en d’autres circonstances, son frère Omar Sarr avoue avoir été dans la confidence qui restera comme de bien entendu une confidence. Les deux ministres, qui ne peuvent esquiver les micros des journalistes très accros des élus et des hommes d’État qui font l’actualité, les réduisent à colporter leurs réponses aux décisions des instances où ils ne sont plus convoqués.

Le principal concerné, Idrissa Seck, semblait se complaire dans cette situation délétère, au bénéfice qu’il passerait forcément comme un leader trahi comme d’autres avant lui, qui continuerait sa lutte vers le pouvoir suprême d’État, son unique obsession. Or, cela ne sera évident pour personne : il n’a pas eu le réflexe républicain de s’adresser à l’alter ego de ses rêves quand il commençait à désespérer de sa gouvernance, pour lui signifier le retrait de ses ministres du gouvernement. Associés au débat dans les instances, ceux-ci auraient obtempéré, même si d’avis contraire, s’ils sont minoritaires. La procédure aurait eu l’avantage de lier le président Macky Sall peu enclin à pêcher dans les eaux troubles en s’immisçant dans les affaires internes d’un parti allié. Quand le conflit larvé avec les ministres de Rewmi s’est amplifié, leur leader aurait pu, l’alliance n’étant pas rompue, signifier leur révocation au président et pousser le bouchon au point de lui en proposer deux autres.

Sinon tout le débat du Secrétariat national, organe inadéquate en soi, qui devrait être une réorientation stratégique, n’aura porté que sur le fait accompli d’un Oumar Guèye jeté dans le bras de Macky Sall et d’un Pape Diouf à la dérive. Sa conclusion, l’échappée de Rewmi de l’Alliance Benno Bokk Yaakaar, n’est pas non plus la réponse idoine puisqu’elle l’isole des blocs d’alliances. Sauf si toutes ces tribulations étaient commandées par un facteur politique majeur qui ne devrait pas être moins qu’une entente secrète avec l’ancien président sur le thème de la réunification de la famille libérale à des conditions avantageuses pour Idrissa Seck. Perspective plus périlleuse que toute autre au vu des expériences antérieures avec son mentor politique qui ne lui a rien épargné jusqu’au protocole de Rebeuss sur lequel Me Nafissatou Diop pense avoir à nous apprendre encore quelque chose au prix d’un livre.

Nous savions depuis ''Samba Seytané'' et ''Omaroum Julit'' que le chemin du pouvoir est semé d’embûches. Pourquoi donc souhaiter bonne route à Idy ? Il a choisi le plus dur pour lui-même. Alors que jusqu’ici il était le maire le moins soucieux de la gestion de sa commune trop étriquée pour son ambition, le voilà qui quitte le pouvoir ombragé de Macky Sall à l’orée de cette échéance insignifiante pour lui, n’étant plus un compétiteur. Avec le risque de perdre en route d’autres partisans, ceux de ses militants, une minorité dit-on, qui lors du secrétariat national de la décision, ont pensé et l’ont dit : le maintien de l’alliance avec Macky Sall était leur préférence. Sous ce rapport, les secteurs les moins sectaires du parti présidentiel peuvent espérer se renforcer au détriment de leurs frères en libéralisme qui rêvent d’unité la nuit et se disputent le jour. Tant il est avéré que quand les alliances avec le pouvoir se dénouent, ceux qui quittent y laissent leurs plumes ondoyantes dans le vent.

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