Publié le 12 Oct 2013 - 18:27
LA PRESSION MONTE A L’APPROCHE DE LA TABASKI

Dans la jungle des laveurs de véhicules

 

 

La fête de la Tabaski est sans doute la plus attendue au Sénégal. Elle cristallise les envies de se faire plaisir et de faire plaisir aux proches. Chez les laveurs de véhicules, les préparatifs prennent des tournures de vie dans une jungle. 

 

 

Le coup d’envoi est donné, la Tabaski c’est dans une semaine. Ça part dans tous les sens. Dans les garages, on a l'impression d'être dans une jungle où tous les coups sont permis. Rond-point Liberté 5, il est 10h. L’endroit grouille de monde et de moutons. Aux éclats de voix répondent les cris des animaux. Le bruit sourd retient l'attention, perturbe et agace à la longue. Pour ne rien arranger, le garage de taxis ''clandos'' d’à côté émet toute sorte de bruit. Comme de vieux dragons, ces véhicules dénommés clandos parce que roulant dans la plus grande clandestinité, ne cessent de cracher de la fumée.

Affalé sur une chaise de fortune et entouré de ses camarades, le jeune Ibou, noir charbon, fixe les voitures qui passent. ‘’C’est notre gagne-pain ; avec l’approche de la Tabaski, la pression s’est emparée de nous. Il nous faut acheter des habits pour la famille et le mouton pour sacrifier à la fête’’, souffle le jeune-homme avec inquiétude. Ils ne sont pas de Dakar pour la plupart et doivent parcourir des centaines de kilomètres pour rallier leurs contrées respectives. Tout se joue cette semaine et ils en sont conscients. ‘’J’ai gardé un peu d’argent, mais ce n’est pas encore suffisant, il me faut laver et laver encore, sinon ce sera la catastrophe’’, confie Moussa, la vingtaine, serviette en main et foulard bien noué à la tête. Ce qui agace le plus nos jeunes débrouillards, c’est la concurrence. Elle est rude en ces temps qui courent. ‘’Des laveurs de véhicules on les trouve dans tous les coins de rue actuellement’’, fulmine ce frêle garçon, sans doute le plus petit parmi la clique. Se livrer au débat ne les empêche pas de veiller aux grains. Parfois incisifs, ils se lèvent et indiquent aux clients où se garer. Ils guettent impatiemment ce chauffeur qui vient laver son véhicule.

Il arrive enfin ! A peine se dirige-t-il vers eux que tous les laveurs se jettent à l’assaut du 4x4 noir. Ce groupe qui semblait jusqu’ici homogène, se transforme très vite en un cartel où les plus forts écrasent les plus faibles. ‘’Dégage ! c’est grâce à moi qu’il est là’’, crie Ibou avec une rare violence. ‘’Ce n’est pas vrai, c’est moi-même qui l’ai appelé, arrête d’être malhonnête’’, réplique Moussa en se démarquant du groupe. Il s’avoue vaincu et déroule sa stratégie qui consiste à aller s’installer dans son propre coin et attendre tranquillement des clients. Finalement, Ibou gagne le marché et invite deux membres de sa clique à l’aider. Ils se partageront la paie. Pour les 4x4 on perçoit 1 000 F Cfa ; pour les petits véhicules c’est 500 F. ‘’En cette période de Tabaski, les clients se font rare. Il m’arrivait souvent de laver 10 véhicules par jour et de rentrer avec 7 000 ou 8 000 F Cfa, mais présentement, c’est à peine si je rentre avec 2 000 F Cfa’’, dit Ibou. A l’image des autres Sénégalais, les laveurs de véhicules vivent sous la hantise de la Tabaski. Du coup, ils deviennent plus agressifs dans leur façon même d’aborder leurs clients et ces derniers le notifient et brandissent souvent la menace de ne plus jamais revenir. Tabaski oblige, la pression monte.

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