''Je l'ai hébergée par humanité''
Après trois jours passés à la brigade de la gendarmerie de Hann, l’ex-journaliste Samba Laobé Dieng a recouvré la liberté après son déferrement hier, au parquet. Accusé de séquestration d’une mineure de 16 ans, il a finalement été libéré par le parquet qui a classé le dossier sans suite. Blanchi, l’ex-journaliste de la RTS s’est confié à ‘’EnQuête’’, en attendant le point de presse annoncé de son avocat Me El Hadj Diouf.
Accusé de séquestration de mineure, vous avez été blanchi et libéré. Quels sont vos premiers mots ?
Je suis issu d’une grande famille respectée du Cayor. Je me suis toujours abstenu et je m’attellerai à ne jamais salir sa réputation. Quant à l’odyssée que je viens de connaître, elle n’est qu’un épiphénomène et le devenir d’un homme ne se détermine pas en fonction d’un épiphénomène. Je ne vais pas ergoter ou gloser là-dessus, car mon avocat Me El Hadj Diouf tiendra un point de presse.
Ce que j’ai à dire concernant cette affaire, je le dirai en terme journalistique. Si j’avais un titre pour un article de fond, édito, je choisirais : ‘’ Une tempête dans un verre d’eau’’ ou bien ‘’Une cloche fêlée qui ne rend pas un son normal’’. Cela étant dit, je remercie tous les gendarmes de la brigade de Hann qui, par leur comportement, ont poli l’image de la gendarmerie nationale.
Je remercie également la presse écrite, je dis bien la presse écrite qui a adopté une démarche pondérée, circonspecte et professionnelle. Je n’oublie pas les téléspectateurs qui me regardaient et qui téléphonaient de l’étranger. Le standard de la RTS a failli disjoncter...
Vous dites que c’est un épiphénomène, mais vous avez été privé de liberté pendant trois jours. Comment vous avez vécu la situation? Votre famille ?
Je l’ai vécue avec philosophie. Quand je dis épiphénomène, il s’agit d’un dossier vide, rocambolesque, un procès d’intention, tout cela ne peut qu’être épiphénomène. Pour ma famille, c’était déstabilisant moralement, dur d’entendre les commentaires blessants, médisants et malveillants sur un honnête homme. La presse en ligne, certaines radios.. Il y a une certaine presse qui a failli à la déontologie, au professionnalisme et les gens étaient écœurés par ce comportement. C’est pourquoi j’ai remercié la presse qui a fait un traitement équilibré et professionnel.
Qu’est-ce cela vous a fait d’apprendre qu’il était écrit sur la toile que vous avez été accusé de viol, alors que ce n’était pas le cas ?
J’ai parlé d’Odyssée éprouvante. C’était dur physiquement, psychologiquement, moralement, d’attaquer, d’accuser un honnête citoyen. Il ne faut pas salir les honnêtes citoyens. Malgré tout cela, je peux pardonner, parce qu’il y a un adage qui dit : ''trop bon, trop con''. Mais pourquoi j’ai hébergé cette fille-là ?
Justement est-ce que cela n’a pas été votre erreur ?
Je l’ai hébergée par fibre paternelle, car à 23h, j’ai dit à la fille : ''Puisque je ne parviens à joindre ni tes parents, ni un membre influent de ta famille, alors prends tes bagages et sors. Ainsi, elle s’est mise à pleurer en me disant : ''Si je sors, je serai agressée''. Imagine si je l’avais chassée à 23h et qu’elle se fasse agresser, on aurait dit que c’est à cause de Samba Laobé Dieng. Il faut voir cela. C’est par humanité que je l’ai gardée.
Est-ce que vous avez reçu les excuses de la famille de la jeune fille ?
Pas encore, mais je suis sûr qu’eux, dans leur for intérieur, savent que l’agresseur ou les agresseurs de leur fille se trouvent ailleurs. Ils sauront que c’est par humanisme que leur fille a passé la nuit chez moi. Elle pleurait et me suppliait. Quelle serait ma responsabilité si je l’avais chassée ? S’ils connaissent tous ces paramètres, je sais que s’ils ne me remercient pas directement, ils le feront autrement.
Lorsqu’on vous a déféré au parquet, vous ne craigniez pas que les choses se corsent à votre endroit ?
Pas du tout, car je sais que la vérité finirait par triompher. Seule la vérité est révolutionnaire. (…) Car lors de la confrontation, elle a dit qu’elle ne me connaissait pas. Le plus surprenant, elle dit qu’elle ne se souvenait pas de moi, mais elle se souvenait du lieu où elle a été déposée. Si une personne s’échappe d’un kidnapping, elle rentre directement chez elle. Les samedi, dimanche et lundi, où était-elle ? Compte tenu de tout cela, je savais que ce dossier n’irait pas loin, car il est truffé de zones d’ombre. Je suis très heureux de regagner chez moi. Je suis soulagé.
Avez-vous des regrets… ?
Des regrets ? J’avais de la compassion pour cette fille. Quand elle est venue à 19h pour chercher du travail, je devais lui dire : ‘’Rentre chez toi et demain matin, reviens avec tes parents ou un membre de ta famille’’, au lieu de me mettre à téléphoner jusqu’à 22h. D’ailleurs, je l’ai fait parce qu’elle m’a dit que sa sœur lui a dit : ‘’Si tu trouves du travail, je viens tout de suite pour connaître la maison et la personne qui t’embauche.’’
Au-delà de votre personne, beaucoup d’hommes sont traînés en justice pour des affaires de mœurs à cause d’adolescentes. Ne seriez-vous pas tenté de dire que les hommes sont en danger ou que les familles abusent des prérogatives de la loi qui protègent les mineures ?
Dans ce Sénégal, dans notre société actuelle, je ne parle pas de protection des mineurs, ni de loi, ni de la justice, mais ce sont les parents qui ne prennent plus leurs responsabilités. Ils n’éduquent plus leurs progénitures. C’est l’épine dorsale du problème.
Ils ont démissionné et n’éduquent plus les filles qui sont dans les cybercafés. Elles ont des images pornographiques dans leurs téléphones portables. Elles portent des tenues indécentes et provocatrices. L’éducation, c’est le nœud. Il faut qu’ils éduquent, dès le bas âge. Il y a aussi l’argent. Si tu ne peux pas subvenir aux besoins de ta progéniture, tout le monde sait ce qui s’ensuit. Il faut que les parents se ressaisissent.
FATOU SY