Une plume subversive entre passé et présent
En matière de temporalité, le livre n’est ni du présent, ni du passé, mais des deux. En termes d’écriture, il traduit ‘’l’arrogance’’ de l’auteur. Classifiable nulle part et défiant tous les genres. Pape Samba Kane a présenté hier son dernier roman ‘’Sabaru jinne : les tam-tams du diable’’.
Le journaliste Pape Samba Kane a présenté hier son nouveau roman ‘’Sabaru jinne : les tam-tams du diable’’. Un nouvel ouvrage d’un écrivain confirmé qui apporte de l’oxygène à la littérature du pays en panne, selon les termes du poète et éditeur Amadou Lamine Sall. Un livre certes, mais pas un livre inutile comme il y en a beaucoup si l’on se fie à l’éditeur. Dans cet ouvrage, Pape Samba Kane s’appuie sur deux personnages : Talla et Massata dont on ne sait même pas s’ils font un ou deux, pour faire un aller-retour entre le passé et le présent. Le temps reste très mobile. Mais en même temps, le livre replonge dans un contexte personnel et collectif. C'est-à-dire le passé de combats, de débats intellectuels nourris, fruit de la lecture, selon Vieux Savané l’un des deux présentateurs. Tout commence dans une petite pièce de la Médina. Puis la pièce grandit pour devenir la Médina puis la ville et nous tous, souligne Mame Less Camara l’autre présentateur.
Pape Samba Kane a encore brillé par un style d’écriture dont il a le secret. Le livre n’est ni un roman, ni un autre genre. Il échappe à toutes sortes de classifications. Mame Less Camara y voit ‘’une décomposition cynique de tous les genres classiques ; un défi de renouvellement des genres’’. Dans le livre, tout est brouillé. Il y a des figures de la musique comme Bob Marley, James Brown, Big Mick et autres icônes de la musique qui côtoient des écrivains de renom et grands intellectuels à l’image de Baudelaire, Voltaire ou Nietzsche.
Deux mondes différents auxquels s’ajoute celui de ‘’per bu khar’’, un danseur (il ne s’agit pas du comédien) qui fait irruption dans les cérémonies familiales et introduit le doute dans un concert de félicitations. Un trait qui traduit l’esprit anarchiste et subversif de l’auteur.
Autant de personnages issus de monde différents. Mais il ne serait peut-être pas superflu de préciser que l’auteur du livre est quelqu’un qui a beaucoup lu mais qui sans doute a aussi écouté plusieurs sonorités en plus de ce qu’il a vécu. Mame Less Camara découvre donc dans ’Sabaru jinne des questionnements de l’auteur, des questions adressées à ses lecteurs. ‘’De quoi sommes-nous faits ? De quelle influence découlons-nous ?’’
Au fil des 280 pages, Pape Samba Kane retrace une kyrielle de scènes dans le passé. Mais l’auteur précise qu’il ne s’agit que de petites vérités à partir desquels il a construit un gros Mensonge. Pas sûr qu’il ait convaincu ses lecteurs. Talla, Massata, Pape Samba, les gens ont vite fait le lien pour aboutir à une autofiction. Le philosophe Mame Moussé Diagne pense même l’avoir épinglé à la page 36 où il écrit : ‘’Se raconter, c’est philosopher.’’ Mais l’auteur récuse toute idée d’autoportrait fictionnelle. Il avertit comme savent si bien le faire tous les romanciers : ‘’Tous ceux qui chercheront des correspondances avec Pape Samba Kane en porteront la responsabilité.’’
BABACAR WILLANE