Publié le 22 Jun 2015 - 15:29
REFORME DU REGLEMENT INTERIEUR DE L’ASSEMBLEE NATIONALE

Les députés à couteaux tirés

 

La proposition de loi portant modification du règlement intérieur de l’Assemblée nationale qui inclut une session unique ordinaire et l’allongement du mandat du président de 1 à 5 ans, entre autres, ne fait pas l’unanimité dans les rangs des députés. Au moment où dans la mouvance présidentielle l’on fait cas d’une loi qui vient moraliser le jeu politique au sein de l’hémicycle, du côté de l’opposition, l’on dénonce une réforme ‘’tardive’’,  ‘’discriminatoire’’, ‘’dangereuse’’ et ‘’antidémocratique’’.

 

Changement à l’hémicycle : La proposition de loi n° 13/2015 modifiant la loi n° 2002-20 modifiée du 15 mai 2002 portant règlement intérieur de l'Assemblée nationale va bientôt être votée et adoptée. Mais d’ores et déjà, cette proposition de loi qui est une première depuis l’avènement de la 12ème législature, provoque des grincements de dents du côté de l’opposition. Premier à monter au créneau pour manifester sa désapprobation par rapport à certaines dispositions de cette proposition de loi, Thierno Bocoum. Le député de Rewmi, dans une déclaration parvenue hier à EnQuête, estime que ‘’cette première proposition de loi qui devait être fêtée et brandie comme un trophée renferme malheureusement tout ce qu'on doit honnir d'une Assemblée nationale’’. A l’en croire, ‘’des députés de la majorité (23) ont décidé de fouler au pied les acquis démocratiques et républicains pour faire de l'institution parlementaire une arme de règlement de comptes politiques’’.

‘’Réformes tardives’’

‘’Alors que l'on s'attendait à ce que les recommandations issues de nos différents séminaires en collaboration avec le Forum civil soient appliquées, il s'est plutôt agi, à la place, d'introduire des dispositions qui remettent en question des acquis démocratiques de notre cher pays’’, regrette le chargé de communication du parti d’Idrissa Seck. Dénonçant ainsi des ‘’réformes tardives qui prouvent l'immobilisme de l'Assemblée nationale’’, Thierno Bocoum est d’avis que ‘’la réforme de l'article 63 de la constitution instaurant la session ordinaire unique devait entraîner depuis le début de la législature la modification de tous les articles du règlement intérieur prévoyant la tenue de deux sessions ordinaires’’. Cela, d’autant que ‘’l'Assemblée nationale a fonctionné pendant 3 ans sur la base d'un règlement intérieur qui prévoit deux sessions ordinaires alors que la constitution n’en prévoit qu’une seule’’. D’ailleurs, souligne-t-il, ‘’ce travail législatif de toilettage des textes qui devait être effectué au moins en début de la législature et ainsi permettre aux députés de travailler sur la base de textes fondés sur la légalité a été négligé à cause de l'inertie de l'institution et à des exigences gouvernementales’’.

Dans cette proposition de loi, explique le député Pape Diallo dit Zator Mbaye, un des initiateurs, il est prévu la suppression de la loi Sada Ndiaye en son article 15, alinéa premier. Mais cette disposition, selon Thierno Bocoum, a tardé à être introduite sous prétexte que le président de la République avait engagé une réflexion sur la réforme des institutions’’. ‘’L'Assemblée nationale avait pourtant été saisie de cette question à travers une proposition de loi mais elle avait préféré s'en détourner et miser sur la continuité. Aujourd'hui une orientation politicienne devient la seule justification à une décision dont la pertinence devait conduire à son adoption depuis le début de la législature’’, déclare le député de Rewmi. Lui emboîtant le pas, le député du Parti du travail et du peuple (Ptp), Me El Hadji Diouf déclare : ‘’Le mandat du président du bureau de l’Assemblée nationale doit être le même que celui des vice-présidents, des questeurs et des secrétaires élus.’’ Dénonçant ainsi une discrimination dans ce sens, le tonitruant avocat soutient que ‘’le président de l’Assemblée nationale n’est pas plus important que le reste des députés’’. Pour lui, ‘’tout le bureau de l’Assemblée nationale doit être évalué chaque année’’. Comme cela, dit-il, ‘’si le président est bon, on le maintient, s’il est nul, défaillant, fainéant, dormeur ou médiocre, on le remplace’’.

‘’Proposition réactionnaire, rétrograde, antidémocratique..’’

Réagissant à ces points de vue, Zator Mbaye souligne : ‘’Thierno Bocoum est un collègue et un ami mais je me désole tout le temps de ses positions à l’emporte-pièce, incendiaires et alarmistes à l’endroit de l’Assemblée nationale. Il sait que cette réforme tend à rétablir un déséquilibre lié à la loi Sada Ndiaye, loi contre laquelle nous nous sommes tous battus alors dans l’opposition’’, rumine-t-il. Avant d’ajouter : ‘’Quand on est arrivé au pouvoir avec tout ce qu’il y a eu comme tumultes en tout cas sur le plan institutionnel, il était normal de prendre le temps qu’il faut pour pouvoir faire ce paquet de réformes.’’

Autre griefs soulevés par Thierno Bocoum dans cette proposition de loi, c’est la réforme de l'alinéa premier de l'article 20 qui augmente le nombre de députés nécessaire pour constituer un groupe parlementaire. Au lieu de 10 députés, cette disposition prévoit désormais 15 députés pour pouvoir constituer un groupe parlementaire. Une telle réforme, selon le député du parti Rewmi, ‘’vise à rendre plus difficile l'expression démocratique consistant à se constituer en groupe parlementaire’’. ‘’Il faut être une démocratie nulle, véritablement médiocre, une pseudo démocratie pour instituer des dispositions qui empêchent l’existence d’un groupe parlementaire adverse’’, estime pour sa part Me El Hadji Diouf qui pense qu’‘’on veut tuer tous les groupes parlementaires pour qu’il n’y ait qu’un seul groupe parlementaire favorable au chef de l’Etat et à l’exécutif comme BBY’’.

Que non ! Cette réforme, rétorque le député de l’Alliance des forces du progrès, Zator Mbaye, ‘’vient mettre en adéquation le nombre de parlementaires qui a toujours été le 10ème du nombre de députés’’. ‘’Cela a toujours été le nombre reconnu par la constitution. Dans toutes les grandes démocraties, pour avoir un groupe parlementaire, il faut le 10ème des parlementaires’’, fulmine-t-il. Poursuivant dans ses explications, Zator Mbaye rappelle que ‘’l’Assemblée nationale a connu des bouleversements qui ont fait qu’à un moment donné, elle comptait 100 députés, puis 120, ensuite 150 avant de revenir à 120 pour retourner encore à 150’’. Ainsi, souligne-t-il, ‘’il fallait justement mettre en adéquation cette disposition de la loi organique avec les standards internationaux qui prévoient le 10ème du nombre de députés pour constituer un groupe parlementaire’’.

’Moralisation de l’espace parlementaire’’

L’autre disposition qui irrite l’opposition, c’est l’article 20 qui, à son alinéa 5, dispose que "le député qui démissionne de son groupe ne peut, en aucun cas, s'affilier à un autre groupe parlementaire au cours de la législature". Cette disposition, selon Thierno Bocoum, ‘’signifie que le député n'a plus la liberté de se retrouver dans un groupe qu'il aura choisi après avoir démissionné de son groupe’’. Le but politique ‘’étant d'empêcher certains alliés de se constituer en groupe mais également aux opposants de compter sur l'apport de députés déçus de la majorité pour constituer un groupe parlementaire’’. Me El Hadji Diouf d’ajouter : ‘’Une telle disposition constitue une proposition réactionnaire, rétrograde, antidémocratique, dangereuse et même ségrégationniste’’. Mais pour Zator Mbaye, ‘’cela obéit à une logique de moralisation de l’espace parlementaire’’. Car, dit-il, ‘’il est inadmissible qu’un parlementaire qui est élu sur une liste de parti politique ou de coalition de partis, choisisse de quitter son groupe’’.

ASSANE MBAYE

 

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