Publié le 12 Oct 2015 - 17:43
PRÉSIDENTIELLE GUINÉENNE 11 OCTOBRE

Scrutin calme, velléités de contestations

 

La journée de vote d’hier s’est passée comme imprévu à Conakry, dans une sérénité totale. Les Guinéens ont pris d’assaut les centres pour aller accomplir leur devoir citoyen. Un comportement qui a pris le contre-pied de toutes les craintes qu’a pu susciter ce scrutin. Si tout s’est bien passé dans la matinée, l’opposition a commencé à émettre de vives contestations quant aux nombreux manquements dans l’organisation de la CENI, à la fermeture des bureaux

 

Qui va trôner à Sekhoutoureyah, le palais présidentiel guinéen ? Les plus présidentiables Alpha Condé, Cellou Dalein Diallo, Sidya Touré, Lansana Kouyaté ? Ou les candidatures plus modestes de Papa Koly Kourouma, Faya Lansana Millimono, Georges Ghandi Tounkara ou Marie Madeleine Dioubaté ?

Les deux super favoris de la présidentielle continuaient à tirer la couverture de leur côté hier. Ils étaient tous deux habillés en tenue traditionnelle blanche. Lui, Alpha Condé, leader du Rassemblement du peuple guinéen (RPG), président sortant, en caftan, bravant à pied le demi-kilomètre qui sépare le Palais de son lieu de vote, le bureau II du collège Sultan Mariama Traoré, à Boulbinet, sous la clameur de ses partisans scandant leur slogan à son passage ‘‘Un coup K.-O. ! Un coup K.-O.

!’’ L’autre, son concurrent direct, Cellou Dalein Diallo de l’UFDG, en grand-boubou et chéchia assorti, flanqué de son staff qui l’a accompagné dans sa marche d’à peu près cent mètres séparant son domicile de son bureau de vote à Dixinn, par une matinée ensoleillée. La similitude s’arrête là. Car si à 10 heures 05, Alpha Condé a été très laconique dans sa déclaration d’après-vote appelant au calme et au rassemblement de tous les Guinéens : ‘’allez voter, faites comme moi, je compte sur vous’’ ;  son challenger a soufflé le chaud et le froid ; dans la continuité de la déclaration commune que les 7 opposants avaient émise sur la transparence de l’élection. ‘‘Nous n’avons pas réuni les conditions d’un scrutin transparent pour cette élection et nous sommes très sceptiques quant à la capacité de la CENI à l’organiser.

Nous allons apprécier. Si ça s’ajoute aux nombreuses fraudes déjà effectuées, nous n’allons naturellement pas accepter les résultats’’, a-t-il prévenu juste après avoir mis son enveloppe dans l’urne. Rejetant la qualification de deuxième force politique du pays, il a toutefois demandé à ses militants de ‘‘faire preuve de discipline et de retenue, d’être vigilants sur l’ensemble du processus, de refuser la fraude et la confiscation de la victoire le cas échéant’’, ajoute-t-il, souhaitant ‘‘qu’il n’y ait pas des violences postélectorales’’.  Mais ce spectre qui planait sur le pays n’a finalement pas eu lieu. Les bureaux de vote ont ouvert dans l’ensemble à 7 heures du matin. Et ils ont été aussitôt pris d’assaut par les votants qui ont afflué dans les différents centres de la capitale pour un scrutin dont tous les représentants et missions d’observation ont apprécié la sérénité.  

Conakry au ralenti

La capitale guinéenne n’était pas ville morte puisque c’était jour de scrutin, mais les rues et ruelles, d’habitude très animées, n’étaient pas noires de monde. En lieu et place, c’était le noir de la tenue des gendarmes et le blanc de celle de l’Unité de sécurisation de l’élection présidentielle (USEP) qu’on voyait dans les différents points de passages érigés dans les différents points névralgiques de la capitale. Des check-point de fortune avec morceaux de tissus raccordés, que seuls les macarons estampillés ‘‘laisser-passer’’ pouvaient faire franchir face à l’intransigeance des forces de l’ordre. Des groupes de personnes jalonnaient tout le parcours sur l’autoroute menant à Dixinn, le fief du principal opposant, Cellou Dalein Diallo. La vacuité des lieux faisait apparaître de manière plus flagrante la domination des drapelets et guirlandes jaunes du RPG.

Les commerces ayant baissé leur store, la circulation automobile interdite jusqu’à minuit, sauf exception, les frontières maritimes et terrestres fermées, Conakry a fonctionné au ralenti ce dimanche. Les patrouilles régulières de voitures ou de motocyclettes des gendarmes avaient la voie libre pour sillonner les grands axes de la capitale. Tout au long des bas-côtés de la route, menant à Dixinn, on a voté dans les centres installés à l’air libre avant que la pluie ne vienne perturber le bon déroulement du scrutin.  Des rassemblements variables selon l’importance du bureau de vote. ‘‘Nous sommes contents d’accomplir ce geste de portée citoyenne. Nous espérons que tous les Guinéens vont sortir choisir leurs candidats dans le calme, et rentrer en paix’’, souhaite Alhassane Bangoura au milieu de partisans de Cellou, levant les deux doigts en signe de victoire. 

A Boulbinet, dans la petite cour du collège Mariama Traoré, l’agitation provoquée par la venue du président sortant s’est tassée. Mais la longue attente exaspère les votants venus nombreux exprimer leurs suffrages. Dans la petite cour de l’établissement, trois files d’attente qui se sont formées devant les trois salles marron-beige de l’établissement, où se mêlent les ‘‘bérets rouges’’ détachés à la surveillance de la Présidence et les civils, progressent au compte-gouttes. ‘‘ C’est trop lent ; ça ne bouge pas. A ce rythme-là, on n’aura pas fini à la fermeture des bureaux à 18 heures’’, peste Aliko Sangaré assis sur le socle de la flèche où flotte le drapeau national. Sa carte bleue d’électeur débordant de la poche de sa chemise, il est présent depuis les premières heures de la matinée et ne comprend pas pourquoi ça prend autant aux gens pour voter. Une mauvaise organisation due principalement ‘‘au non-rangement des listes électorales par ordre alphabétique’’, soutient Baldé Diariétou, proférant des paroles d’énervement après avoir mis plus d’un quart-d’heure à exprimer son suffrage.

 Les moins doués de patience, blasés par la longue attente, sont allés s’abriter à l’ombre des grands arbres en face de l’établissement.  Dans l’après-midi, la pluie qui s’est abattue sur la capitale et l’affluence des votants a ralenti davantage un lent processus de vote, obligeant la CENI, via un communiqué, à retarder de deux heures la fermeture des bureaux, prévue initialement à 18 heures. Mais le communiqué est assez équivoque puisque requérant l’effectivité des 11 heures de vote.  Ce qui veut dire que les bureaux ouverts à 7 heures n’étaient pas concernés alors que les autres devaient compenser suivant le retard accusé à l’ouverture. 

Contestations

Franck Engel, chef de la mission d’observation de l’UE, a déclaré dans la matinée qu’il ‘‘y avait des problèmes mais qui ne pouvaient entacher la régularité des élections’’. Si le processus de vote a été maîtrisé dans l’ensemble, des anomalies ont subsisté dans le scrutin d’hier. La matinée a été ronronnante mais la soirée a vu des velléités de contestation. L’opposition accuse la CENI d’avoir changé les règles du jeu en plein match. Outre la prorogation du scrutin  à 20 heures,  des manquements comme les votes sans enveloppe dans un centre à Kankan autorisés par la Commission ; des votes dans des bus à Hamdalaye ; ou des présidents de bureau qui n’auraient été nommés que dans la journée d’hier, ont été dénoncés par l’opposition.

 Sidya Touré, le candidat de l’UFR, a même appelé à une réunion d’urgence des sept partis opposants dans la soirée d’hier. Son porte-parole Boubacar Barry a chargé la CENI :

‘‘C’est une grande déception par rapport à la qualité de l’organisation. Le matériel a été achevé tardivement, et manquant dans certains centres. Le processus a été modifié en cours de route. Ce que nous avons annoncé dès le départ, que la CENI n’était pas prête, était fondé. On n’en serait pas à ce cafouillage si nos remarques avaient été prises en compte. Les bulletins ont manqué, les électeurs n’étaient pas sur les listes d’émargement’’. Poursuivant son réquisitoire contre la commission électorale nationale indépendante, l’opposant Barry dit : ‘’la CENI n’a pas été à la hauteur des espérances. Au risque d’aller à la conclusion que ces élections ne sont  pas libres ni  transparentes. Ces anomalies excluent les laissés-pour-compte de la diaspora dont 13 mille Guinéens qui n’ont pas voté en Angola ; et ceux qui n’ont pas voté en Sierra-Léone’’.

En attendant la proclamation des résultats partiels de la CENI,  vendredi prochain, les opposants brandissent l’éventualité que ces anomalies puissent remettre en cause la transparence des résultats. 

OUSMANE LAYE DIOP (envoyé spécial à Conakry)

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