La commission nationale électorale indépendante (CENI) a confirmé samedi soir la victoire du leader du RPG arc-en-ciel, au premier tour de l’élection présidentielle du 11 octobre. Alpha Condé est de nouveau le locataire du palais Sékhoutoureyah, pour les cinq ans à venir. Une réélection qui devra être entérinée par la Cour constitutionnelle sans grandes difficultés, puisque le chef de l’opposition n’envisage pas de recours, mais appelle à manifester pacifiquement.

Alpha Condé est l’heureux élu. Le réélu. Ce qui avait été une demi-surprise, depuis mercredi passé, est officiellement devenu une certitude samedi, avec la proclamation des résultats partiels globaux du scrutin présidentiel du 11 octobre par la CENI. Le candidat du RPG arc-en-ciel devient le président le mieux élu de la Guinée, crédité de plus de la moitié des suffrages exprimés. Une supériorité qui lui confère la victoire, dès le premier tour. ‘‘Le candidat professeur Alpha Condé ayant obtenu la majorité absolue des suffrages exprimés, en attendant la proclamation définitive de ces résultats par la Cour constitutionnelle, est élu, dès le premier tour de l’élection présidentielle du 11 octobre 2015’’. C’est ainsi que Bakary Fofana, président de la Commission, a confirmé, samedi au Palais du peuple, une tendance qui s’était dessinée en milieu de semaine.

Des 3 millions 955 mille 222 suffrages valablement exprimés, le président sortant obtient la majorité absolue : 2 millions 285 mille 827, soit plus de la moitié des suffrages (57, 85%). Son concurrent direct, Cellou Dalein Diallo de l’UFDG, arrive en deuxième position avec 1 million 242 mille 362 voix (31,44%). Sidya Touré, candidat de l’UFR complète le podium avec 237 mille 549 voix (6,01%). La surprise dans ce classement est sans doute la sixième place de Lansana Kouyaté du PEDN avec 45 mille 962 voix (1,16%), derrière Faya Lansana Millimono du Bloc libéral (BL) avec ses 54 mille 718 voix (1,38%) ; et Papa Kouly Kourouma (GRUP) crédité de 51 mille 750 (1,31%). George Gandhi Tounkara de l’UGDD, 19 mille 840 voix (0,50%) ; et Marie Madeleine Dioubaté du PEG, 13 mille 214 voix (0,33%), ferment la marche.

Une proclamation qui a aussitôt été suivie d’un tonnerre d’acclamations dans la salle et d’un défilé de joie à Kaloum.

 ‘‘ Un coup K.-O. ! ’’

Les Guinéens, partisans de Condé, qui se sont pris d’intérêt pour leurs équipes nationales cadettes de football qui affrontait l’Angleterre au Mondial de la catégorie et junior qui a battu la Sénégal pour le CHAN, ont eu plus de raison d’être euphoriques. Dans les différentes artères de la capitale, les édifices jaunes mis en place durant la campagne ont servi de points de ralliement pour fêter la victoire. Malgré les consignes de s’abstenir de toute manifestation, les ‘jaunes’ de Condé s’en sont donné à cœur joie à Conakry. Coups de klaxons des chauffeurs, concert de casseroles des mémés, enfants qui s’époumonaient avec leurs sifflets, ont accompagné les ‘‘un coup K.-O. !’’ scandés dans une frénésie jubilatoire. La foule grossissait au fur et à mesure qu’elle drainait du monde dans une procession sans réelle destination. Les quelques commerçants téméraires qui avaient ouvert boutique, ont vite baissé leur store à l’approche de la masse, pour parer à toute éventualité. ‘‘Quand ils sont en colère, ils cassent ; quand ils sont contents aussi’’, lance un gérant de cybercafé sur un ton badin.

A 21 heures, tous les rassemblements sporadiques ont convergé vers Boulbinet à la maison de Bobody, le responsable politique du RPG à Kaloum. Une véritable marée jaune qui s’est amassée dans la rue telle la soirée victorieuse d’un lutteur. ‘‘Il l’avait dit, il l’a fait. C’est le meilleur dirigeant que la Guinée pouvait avoir’’, s’écrie Mabinty Keita qui tapait comme une forcenée sur un bidon jaune. Dans une foule où chacun rivalisait d’ardeur, l’apparition de Bobody a provoqué une vive clameur. Il s’est adressé aux militants à partir de son balcon, sans véritable réception. Le porte-voix qui marchait mal et la joie hystérique du public ont noyé un discours où à chaque énoncé du nom du ‘Professeur Condé’, la foule devenait hystérique.

Cellou appelle à des manifestations pacifiques

Le tête-de-file de l’UFDG ne compte pas jouer le dauphin de Condé, cette fois. Il est resté fidèle à sa ligne de conduite en réitérant son refus de reconnaître les résultats du scrutin. Pis, après avoir dénoncé les ‘‘ irrégularités ’’ du scrutin  de dimanche dernier et quitté le processus électoral, Cellou Dalein Diallo compte sur sa force de mobilisation pour passer à la vitesse supérieure. ‘‘J'inviterai, le moment venu, les autres candidats et tous les citoyens, qui sont les vraies victimes de ce hold-up électoral, à organiser, conformément à la loi, des manifestations pacifiques pour exprimer notre indignation et protester contre ce grave déni de démocratie’’, a-t-il lancé lors d’un point de presse, samedi matin à sa maison de Dixinn.

Anticipant la proclamation des résultats par la CENI, le candidat malheureux a également exclu toute idée de saisine de la Cour constitutionnelle comme voie de recours à la suggestion des missions d’observation de tous les organismes nationaux et internationaux pour régler tout  contentieux. Le seul point de convergence avec les autres parties prenantes du scrutin est l’appel au calme qu’il a lancé à ses compatriotes.  ‘‘En attendant, je demande à tous les Guinéens de faire preuve de retenue et d'éviter toute sorte de violence’’, a-t-il poursuivi devant un parterre de partisans. Alors qu’une victoire au premier tour du président sortant semblait inéluctable, à quelques heures de la proclamation des résultats du scrutin du 11 octobre, Cellou Dalein a listé nombre d’irrégularités dont une ‘‘édition et distribution sélective des cartes d'électeurs, modification à dessein de la cartographie électorale, bourrage des urnes, falsification des résultats du vote, exclusion et emprisonnement des représentants de l'opposition dans les bureaux de vote, substitution de procès verbaux, utilisation abusive de procurations, votes multiples, votes massifs de mineurs, mobilisation massive et illégale des moyens de l'État’’.

Pour le candidat malheureux, ceci n’est qu’une ‘‘mascarade’’ dans laquelle sont impliquées la ‘‘CENI et toute l’administration territoriale’’. Son désistement va sans doute faciliter le travail de la Cour constitutionnelle qui devra entériner de manière définitive, dans quinze jours, les résultats provisoires d’avant-hier avancés par la CENI.

OUSMANE LAYE DIOP(envoyé spécial)