Le Pds n’oublie pas ‘ses’ détenus
Malgré l’actualité brûlante de l’affaire Lamine Diack, le Parti démocratique sénégalais (Pds) n’en oublie pas moins ses responsables emprisonnés. Karim Wade, Toussaint Manga, Victor Diouf et Oumar Sarr demeurent les priorités. Néanmoins, les responsables exigent que toutes les personnes éclaboussées par les déclarations de Diack éclairent la lanterne des Sénégalais.
C’était calme hier soir à la permanence Omar Lamine Badji du Pds sur la Vdn. On aurait pu penser à une journée ordinaire sauf que le parking était presque plein de voitures. Quelques personnes devisaient tranquillement à l’ombre des filaos secoués par le vent froid qui soufflait en ce crépuscule approchant. Dans le hall marbré de la Maison du parti démocratique sénégalais, un poster grandeur nature du président sortant accueille le visiteur.
La sécurité aussi. ‘‘Cette rencontre n’est pas ouverte à la presse. Veuillez attendre qu’ils finissent’’, suggère une femme d’âge moyen officiant comme agent de sécurité. Les battants des portes de la salle de réunion, frappés de posters de Wade père sont clos. Signe qu’une réunion est en cours. Mais les quelques personnes interpellées disent toutes ignorer l’ordre du jour. L’affaire des révélations de Lamine Diack non plus ne semble pas inspirer le groupe de personnes, un peu à l’écart du parking, qui prétextent de l’appel du muezzin pour se disperser. C’est finalement Mayoro Faye qui s’est prononcé sur la situation. Pour lui, cette affaire n’est qu’un contre-feu destiné à éloigner les libéraux de leurs priorités.
‘‘Pour l’instant, le Pds se concentre sur ses prisonniers politiques. On a brandi le prétexte fallacieux d’enrichissement illicite pour mettre Karim Wade en prison malgré les avis favorables du groupe de travail de l’Onu et de la Cedeao. Nous allons donner une suite judiciaire, sur les plans national et international, à l’affaire Karim Wade, ainsi qu’aux dossiers de Victor Diouf et Toussaint Manga. Pour Oumar Sarr, nous allons saisir la CPI qui est compétente à partir du moment où un Etat séquestre un citoyen dans des conditions nébuleuses comme celles-ci’’, annonce-t-il.
Harcèlement ?
Pourtant, au rythme où vont les arrestations, c’est le principal parti d’opposition qui risque d’être complètement dégarni. Les responsables d’instances dirigeantes du Pds sont à l’ombre. En dehors du cas compliqué de son candidat investi pour la prochaine présidentielle, Karim Wade, du président des jeunesses libérales, Toussaint Manga, du président des élèves et étudiants libéraux Victor Diouf en prison depuis 10 mois ; c’est le numéro 2 de la formation, Oumar Sarr, qui vient allonger la liste des incarcérés du Parti libéral. Sans compter le passage à la case prison de Me Amadou Sall.
Pour les caciques du Pds, ceci procède d’un désir d’annihiler toute opposition forte qui est gage d’une bonne démocratie. Le chargé de propagande, Farba Senghor, n’y va pas par quatre chemins dans la qualification de ces arrestations en série. ‘‘Tout le monde sait que c’est un harcèlement politico-judiciaire destiné à démanteler le Pds. Macky Sall est dans une dynamique de revanche sur ses compagnons d’hier en commençant par son mentor Abdoulaye Wade et son fils Karim et des principaux leaders du parti. Arrêter Oumar Sarr pour avoir commenté des propos du journal Le Monde est un acte purement politique. Macky Sall utilise la police et la justice pour nous contrer ; ce qui n’est pas politique. C’est arbitraire !’’ lance-t-il au bout du téléphone. ‘‘Nous devons nous dresser contre ces arrestations et nous opposer politiquement car le propre d’un parti politique est la bataille politique. Nous allons nous concerter pour voir comment faire face à Macky Sall. Il faut le faire partir, sinon le parti (Ndlr : Pds) sera démantelé, décimé, et crucifié’’, poursuit-il.
‘‘...le parti gagne du terrain’’
Le Pds guillotiné ? Hors de propos, pour Mayoro Faye. Le chargé de communication est péremptoire. ‘‘Le Pds est un parti qui garde encore intacte sa capacité de riposte et de mobilisation. Il ne faudrait pas que Macky Sall et son régime se leurrent. Si le parti ne lui faisait pas peur, il n’aurait pas emprisonné Karim Wade, Toussaint Manga, Victor Diouf et aujourd'hui Oumar Sarr malgré son statut de député. Ce n’est pas comme ça que Macky va avoir un second mandat. Le Pds est plus que jamais mobilisable, et gagne du terrain. Les Sénégalais cherchent à trouver une alternative crédible qui s’incarne à travers la famille Wade’’, déclare-t-il, précisant que la violation de l’article 61 de la constitution ne saurait justifier la levée de l’immunité parlementaire d’Oumar Sarr par la Crei en 2013 qui concernait spécifiquement la procédure d’enrichissement illicite. Pour lui, l’essentiel est dans les explications du premier des Sénégalais à ses compatriotes. ‘‘Nous demandons à Macky Sall, président de l’Apr et candidat d’alors, d’éclairer la lanterne des Sénégalais par rapport à ses financements pour les tournées nationales à travers le pays, sa participation au premier tour de la présidentielle, au deuxième et aux Législatives. Qu’il justifie devant les Sénégalais les moyens dont il dispose, c'est-à-dire 35 véhicules, des dizaines de villas, un appartement à Houston...Il ne faut pas détourner l’attention ailleurs ; Lamine Diack les a déjà assez salis’’, s’indigne-t-il.
Information judiciaire
Le Pds qui était dans les cordes se rebiffe avec cette affaire Diack. Après s’en être pris au leader de l’Apr, l’actuelle mouvance présidentielle, principale force d’opposition en 2012, est interpellée par Mayoro Faye. ‘‘Le reste (Ndlr : membres de la coalition BBY) est entaché par les propos de Lamine Diack qui déclare sans ambages qu’il a financé la campagne de l’opposition en 2012. Qu’ils se justifient’’, propose-t-il. Farba Senghor va plus loin en demandant l’ouverture d’une information judiciaire. ‘‘Le président Wade, le Pds et les anciens membres des listes de Dakar de notre parti devraient se constituer partie civile en France car la principale victime de cette affaire, c’est nous. Nous attendons les conclusions du juge Van Ruymbeke si nos magistrats ne veulent pas se saisir de cette affaire. Le journal a rapporté les propos de Lamine Diack qui dit avoir pris de l’argent aux Russes pour financer les activités de l’opposition pour la mairie de Dakar en 2009 et la présidentielle en 2012. Ce qui constitue une conspiration qui devrait mener le procureur à ouvrir une enquête pour situer la vérité’’, conclut-il.
OUSMANE LAYE DIOP