Publié le 11 Jan 2016 - 13:08

L’équation du financement des partis politiques 

 

A chaque campagne électorale, les choix politiques sont brouillés par l’utilisation massive de moyens financiers et matériels. La tyrannie de l’argent fait la décision au détriment du débat d’idées ou de l’affirmation des convictions profondes. Ainsi les méthodes clientélistes pour se faire élire encouragent un processus de marchandisation de l’électeur. On ne saurait plus voir plus triste signe d’un système démocratique devenu trop mercantiliste, immoral et faussé d’avance dans ses modalités par l’absence d’égalité entre les candidats. Cela n’est pas sain car loin de protéger la démocratie, il t’attend à l’affaiblir. Face à l’impact des moyens financiers prenant des dimensions démesurées, il est urgent de moraliser la vie politique. Pour la transparence dans le financement des partis politiques, l’origine des fonds et les moda- lités des dépenses, l’opinion sénégalaise manifeste un niveau d’exigence. 

Elle ne peut concevoir que des fonds acquis par des pratiques illégales ou par des moyens de la corruption puis- sent servir au financement de campagnes électorales. Sous réserve de ce que démontrera l’instruction judiciaire, l’affaire DIACK nous interpelle furieusement. Il convient d’envisager d’une part le financement des partis politiques et d’autre part le contrôle des dépenses de campagne électorale. Il est à rappeler que la question du financement des partis politiques est récurrente. En effet, le professeur El hadji M BODJI avait déjà commis un Rapport au Président de la République en 1999 et à l’initiative de quelques députés, le Forum Civil a préconisé par la suite des pistes de réflexion. Toutes ces études contribuent à la progression dans la moralisation de la vie politique. Le SENEGAL avec ses 14 régions, ses 3 patronats et ses 200 partis politiques demeure un pays de paradoxe.

Aujourd’hui, il faut rationaliser le nombre de partis sans porter atteinte à leur liberté de se former et d’exercer leurs activités. Les organes de contrôle et les tribunaux ne sauraient toutefois être limités par ce dispositif constitutionnel. Ils ont la faculté de vérifier à tout moment si tous ces partis répondent stricto sensu aux dispositions constitutionnelles et légales en vigueur : la tenue de statuts à jour, le dépôt régulier de leur compte financier voire le non-recours à toute référence à caractère religieux.

De nouvelles conditions tenant à leur existence restent à définir ou du moins à réaffirmer avec force : tout parti doit avoir un siège social, un assistant ou une assistante, disposer d’un dépôt de garantie bancaire, tenir régulièrement son congrès et se présenter aux élections. En tout état de cause, il apparaît inutile de lutter contre la prolifération des formations poli- tiques si l’exercice de courants de pensée n’est nullement toléré au sein de chaque parti. Cela n’a pourtant  rien d’un psychodrame dans la mesure où une démocratie se nourrit de contradiction.

Concernant les candidatures indépendantes, nous devons les reconnaître de façon définitive. Le plus souvent, elles ont le mérite d’occuper le terrain laissé en jachère par les politiques pour des raisons relevant d’un traditionalisme électoraliste Les coalitions de partis dans leur organisation et fonctionnement posent de nombreuses inter- rogations. Elles ne possèdent jusqu’à ce jour de statuts ni de personnalité juridique. Elles sont donc privées de la capacité d’ester en justice. Les finances des groupes politiques constitués au sein de l’assemblée nationale et les indemnités de frais de mandat des députés ne doivent pas rester en dehors des radars. En plus de l’aide publique, les partis peuvent recevoir des dons de personnes physiques (dans la limite de 7500 E en France), des cotisations et des legs.

Les personnes morales (les Entreprises) ne doivent pas être autorisées à verser le moindre don ou avantage en nature aux partis politiques. La question de la transhumance ne peut être occultée. Est-il acceptable que des gens sans conviction républicaine, enclins aux reniements créent des partis pour bénéficier éventuellement de l’argent public ? Cela pose un problème moral et éthique. Depuis longtemps, nous savons que par leurs postures et leurs artifices, les transhumants

ouvrent la voie au populisme, contribuent à l’absence de civisme, à l’abstention électorale et favorisent la fin de la bipolarisation politique. L’interdiction de financements étrangers aux partis doit être maintenue et renforcée. Il s’agit avant tout de préserver le fondement vertueux de la République et le caractère sérieux de sa démocratie.

D’autre part, il serait souhaitable de mieux définir ce que sont les dépenses électorales susceptibles d’être remboursées par l’Etat. Est-ce que les dépenses personnelles d’un candidat ou les objets promotionnels participent du débat politique et peuvent figurer dans les dépenses prises en charge par les derniers publics? Que dire des dépenses de communication facturées par de grands cabinets de communicants  majoritairement de droit étranger ?  Autre sujet, les dépenses engagées en cas de primaires. Entrent-elles dans le compte des campagnes ?

Il faut aussi traiter les dépenses d’un président de la République en exercice avant sa déclaration officielle de candidature à un nouveau mandat dès lors qu’elles présentent un caractère  électoral ?

Par ailleurs, on ne peut manquer de souligner cette exception sénégalaise visant l’article 38 de la Constitution permettant au président de la République d’être en même temps chef de parti tout en incarnant l’unité nationale. Ce système en encourageant inéluctablement l’instauration d’un Etat-parti (ou parti-Etat) alors qu’il s’agit de restituer l’Etat à la République risque de compliquer la question des comptes de campagne.   

Nous suggérons de raccourcir le temps légal d’une campagne et d’avancer la date limite d’enregistrement des candidatures, ce qui permettrait de réduire la période d’incertitude et renverrait à la période préélectorale. Pour que les comptes des partis ne restent plus obscurs, le contrôle pourrait être soumis à la Cour des comptes. Ou bien créer une Commission nationale des financements politiques et de contrôle des comptes de campagne.

La mission de la Commission serait de contrôler le financement des partis politiques et leurs dépenses de campagne électorale. Elle aura comme prérogatives de s’assurer que ce contrôle a été bien effectué et qu’elle a bien reçu à temps l’exercice des comptes certifiés pour arrêter le montant du remboursement des partis. Ainsi les budgets de campagne doivent être publiés de manière détaillée et la limitation des dépenses électorales pour un montant global des crédits inscrite dans une loi de finances.

Il est indispensable pour que le contrôle soit plus efficace que la Commission ait accès en même temps aux comptes de campagne du candidat et à la comptabilité du parti qui le soutient afin  de pouvoir les comparer et vérifier les dépenses refacturées au candidat.

Inévitablement, la Commission doit renforcer les dispositifs internes aux partis notamment la surveillance des comptes.  

En cas de manquement, le parti perd l’accès à l’aide publique et la Commission peut transmettre au procureur de la République compétent tout dossier pour lequel des irrégularités auraient été relevées.

Le Sénégal doit progresser dans la moralisation de la vie politique. Il appartient alors à l’Etat d’intervenir dans le financement des partis et des campagnes électorales et que, de ce fait l’égalité de tous les Sénégalais dans ce domaine est mieux assuré et les financements illicites, avec les risques pénaux qui en découlent, certainement limités

Ce pays qui a réalisé le multipartisme intégral sans effusion de sang ni conférence nationale, banalisé les alternances politiques et aujourd’hui, engagé dans la voie de la bonne gouvernance est capable de réussir ce combat des démocraties modernes.

Il lui reste une fois encore à démontrer à la face du monde qu’il fait école et exception en Afrique. 

 

                                                           Mamadou DIALLO

                                                      Avocat au Barreau de Paris

                                                           Docteur en droit

                                                     Responsable des Cadres AFP-FRANCE

 

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