Publié le 20 Apr 2016 - 23:21
MAURICE SOUDIECK DIONE (DOCTEUR EN SCIENCES POLITIQUES)

‘’Le parachutage peut être une stratégie de massification du parti au pouvoir’’

 

Certaines personnalités de l’actuel régime sont parachutées dans des localités où ils n’ont jamais milité. C’est le cas de Mansour Faye à Saint-Louis, Amadou Ba aux Parcelles-Assainies, Aliou Sall à Guédiawaye… Selon vous qu’est-ce qui explique ce choix ?

On dit trivialement qu’en politique, on peut être tiré par le haut ou poussé par le bas. En d’autres termes, cela revient à soutenir qu’on peut conquérir la base à partir du sommet ou conquérir le sommet à partir de la base. Pour les militants qui nourrissent des ambitions politiques, il leur faut acquérir une base, de même que pour certains ministres, directeurs nationaux et autres, pour conserver leur place. Le parachutage peut être également une stratégie de massification du parti au pouvoir, d’obtention ou d’amplification de victoires électorales, de conquêtes ou reconquêtes de fiefs contrôlés par des opposants, en y envoyant massivement des cadres ou autres personnalités pour effectuer ces tâches politiques.

Ces militants en quête de base politique ont-ils des chances de conquérir ces différentes localités ?   

Tout dépend de mon point de vue du contexte, des rapports de forces dans le champ politique local, de la personnalité des leaders parachutés et des ressources économiques et symboliques dont ils disposent. En d’autres termes, l’appartenance à une famille de notables ou à la famille biologique ou par alliance du président de la République, la position occupée dans l’appareil d’Etat, le talent politique personnel, les réseaux susceptibles d’être mobilisés, les moyens matériels, logistiques et financiers etc., peuvent être de réels atouts pour s’imposer. Mais il n’est pas toujours assuré que les parachutés puissent s’en tirer à bon compte, même avec tous leurs moyens, comme on a pu le constater avec la défaite de la liste du PDS à Dakar, où figurait Karim Wade, lors des élections locales de 2009.                         

Le phénomène du parachutage a-t-il déjà existé avec les précédents régimes précédents ?

Bien évidemment. On note ce phénomène à chaque fois qu’il y a un changement de régime, avec une volonté du nouveau Président de placer ses hommes, ou de conquérir les bastions de ses adversaires. Avec l’arrivée d’Abdou Diouf au pouvoir, il y a eu une volonté d’évincer les différents barons, compagnons historiques du Président Senghor au profit de technocrates envoyés à la base.

Sous le régime du Président Wade, à côté de l’encouragement de la transhumance des responsables socialistes, en utilisant certains moyens : rétribution matérielle, menace de poursuites judiciaires, gratifications nominatives ou positionnement à des postes électifs, il y a eu aussi le phénomène du parachutage. On peut donner comme exemple le cas de Ziguinchor où le maire socialiste Robert Sagna a fini par être déboulonné par Abdoulaye Baldé, en raison de la position privilégiée de ce dernier dans le nouveau régime libéral et des moyens à lui octroyés pour gagner cette bataille. Il ne faut pas perdre de vue que les populations cherchent naturellement des leaders proches d’eux, capables de régler leurs divers problèmes, économiques, sociaux et autres. A force de se distinguer dans ce domaine, il est possible pour les parachutés, de gagner avec le temps, la confiance des populations.

 

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