Publié le 17 Jun 2016 - 23:49
AFFAIRE KARIM WADE

Le coût de la traque

 

Annoncée en grande pompe en 2012, la traque des biens mal acquis risque de finir comme un ballon de Baudruche, avec la libération annoncée de Karim Wade. Un dégonflement qui intervient après quatre années de dépenses faramineuses, d’arrestations multiples de libéraux et leurs proches et de tension entre acteurs politiques.

 

Tout ça pour rien ! Serait-on tenté de dire, depuis que la libération de Karim Wade n’est plus spéculation, mais une réalité. Celle-ci intervient, après trois ans d’incarcération de l’ancien ministre d’Etat condamné à six ans d’emprisonnement ferme pour enrichissement illicite. Mais aussi, après beaucoup d’argent dépensé par l’Etat, dans le cadre de cette traque. Etant donné qu’on est en matière de délinquance financière, les finances du pays ont ressenti son coût, avec les nombreuses commissions rogatoires internationales au Monaco, à Paris. A ces dépenses s’ajoutent les honoraires des experts. Il s’agit d’experts immobiliers, d’administrateurs séquestres qui se sont fait payer avec la valeur des sociétés qu’ils ont gérées. Pour l’expertise immobilière, dit-on, le coût est d’environ 1,5 million par immeuble. D’ailleurs, il y a quelques temps, les experts de la CREI réclamaient à l’Etat une ardoise de 500 millions F CFA.

Il n’y a pas que les experts qui ont été payés, mais également les avocats. Dans le dossier Karim Wade, l’Etat a constitué une dizaine de conseils. Selon les explications d’une robe noire, ses confrères reçoivent une part sur les recouvrements. Un coup d’œil sur l’arrêté ministériel portant sur le barème des honoraires des avocats, indique à l’article 51 que : ‘’l’avocat dont les diligences ont permis le recouvrement de sommes dues à son client directement ou indirectement, a droit à son client en cas de moratoire notamment :  8 % au-delà de 50.000.000 FCFA’’. Si l’on sait que 18 milliards ont été recouvrés, d’après l’Agence judiciaire de l’Etat, Antoine Félix Diome, on a une sacrée somme en honoraires. Il s’y ajoute les honoraires de base encadrés par l’article 55 du même arrêté qui stipule que : ‘’le taux honoraire pratiqué par les avocats du Sénégal se situe dans une fourchette allant de 100 à 400 mille francs. Ce taux varie en fonction de l’expérience de l’avocat, son expertise ou niveau de spécialité’’. Il faut souligner ici que c’est la crème du barreau qui a défendu l’Etat, avec beaucoup d’anciens bâtonniers et des avocats étrangers.  

Dégâts collatéraux

Mais l’affaire Karim Wade, c’est aussi quatre années de poursuites avec des dégâts collatéraux pour l’ex-ministre, ses proches, voire même le pays, dans une certaine mesure. En effet, il n’y a pas que Karim Wade qui a été emprisonné. Plusieurs de ses proches ont été des victimes collatérales. Moïse Rampino, condamné dès le premier jour du procès à deux ans pour trouble d’audience. L’ancien directeur de cabinet de l’ex-ministre d’Etat, Bachir Diawara, a passé quelques jours en prison. Idem pour Toussaint Manga, Victor Diouf et Me El Hadj Amadou Sall, pour ne citer que ces responsables libéraux. La ‘’karimiste’’ Aminata Thiam dite Amina Nguirane, de même que le lutteur Bathie Séras ont fait les frais de l’affaire Karim Wade, car accusés de préparer des casses en banlieue, le jour du prononcé du verdict. A côté de ces arrestations, il a eu une tension permanente entre le pouvoir et le Parti démocratique sénégalais (PDS), avec des débats faits d’invectives. 

FATOU SY

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