Publié le 27 Sep 2016 - 04:02
COMMERCIALISATION DU CUIR AU SENEGAL

Les Chinois pointés du doigt

 

Les marchés sénégalais sont inondés aujourd’hui d’objets fabriqués à base de peaux d’animaux dont le mouton. Il y en a pour toutes les marques, qualités et pointures. Mais, les plus prisés de ces articles demeurent, jusque-là, les chaussures, sacs ou ceintures d’origine locale, préférés notamment pour la qualité du cuir. Cependant, depuis quelques années, cette filière cuir made in Sénégal est fortement concurrencée par le marché chinois qui importe souvent des produits jugés de moindre qualité.

 

Outre les consommateurs en recherche de produits de bonne qualité, ce sont les tanneurs artisanaux qui se plaignent, aujourd’hui, de la forte présence de marchandises chinoises sur le marché local. Non pas pour l’exercice de leur activité, mais pour concurrence jugée déloyale dans la vente des chaussures, sacs, ceintures, etc. Dans cette filière où la production de la matière première est dominée par les femmes, l’on indexe l’importation de ces objets comme le principal facteur qui étouffe le développement de la filière locale. Contraintes de faire face à cette nouvelle donne, les tanneuses artisanales de Guédiawaye fustigent la vente des articles estampillés cuir, sans vraiment l’être.

Après-midi de dimanche à la tannerie de Serigne Assane, connue sous le nom de Mbajju Naar. Sous un abri de fortune, une femme accroupie au sol gratte de tous ses efforts une peau de mouton placée sur un tronc d’arbre, à l’aide d’un coupe-coupe bien émoulue. A ses côté, deux autres femmes d’âge avancé répètent le même mouvement. Près de chacune d’elles, s’est formé un tas de peaux dépouillées de leurs fourrures. Ce sont, chaque jour, une centaine de femmes qui y viennent travailler les peaux de moutons, dans ces lieux situés dans la Commune de Wakhinane Nimzatt. La plupart d’entre elles sont des Mauritaniennes d’origine.

‘’Nous ne faisons plus de bonnes affaires’’

Si autrefois, leur activité leur faisait gagner beaucoup d’argent, aujourd’hui, la filière est devenue peu lucrative. ‘’Ce sont les commerçants chinois qui ont fait chuter les prix du marché. Depuis leur arrivée en masse au Sénégal, nous ne faisons plus de bonnes affaires. Ils importent des objets fabriqués à base de matière de fausse qualité qui n’est pas le cuir. Ils se permettent de vendre à moindre coût. Alors que les articles faits à base de cuir local exigent un peu plus d’argent’’, dénonce Astou Bâ. C’est pour cette raison, selon la tanneuse, que les clients se détournent des produits locaux aux dépens de ceux importés, vendus à des prix dérisoires sur le marché.

Face à cette situation,  la vieille femme demande à l’Etat d’intervenir pour aider les travailleurs du secteur cuir à mieux développer leur activité. ‘’Tout comme les autres secteurs, le gouvernement doit aussi promouvoir la filière cuir. Il doit nous appuyer pour mieux vendre les produits faits à partir de la matière peau. Nous lui demandons de prendre des mesures dans ce sens’’, souhaite-t-elle. Sa voisine préfère pour sa part mettre l’accent sur le labeur qu’exige cette activité. ‘’Nous devrions être mieux récompensés de nos efforts quotidiens. Nous exposons notre santé tous les jours dans cet endroit pour de modiques sommes d’argent. Chaque peau traitée est vendue entre 1000 à 2000 francs CFA au marché Syndicat de Pikine’’, renseigne Amy Dieng, l’une des plus jeunes femmes présentes sur les lieux.  

Risques de maladies

Perdue derrière des maisons à moitié englouties dans l’eau, Mbajju Naar est en réalité sis sur un bas-fond élargi d’année en année par les précipitations. De part et d’autre, des bassins larges d’un mètre et demi de diamètre environ, des monticules de fourrures de bêtes et des ordures jonchant le sol forment le décor. Le tout dégage une odeur fétide difficilement respirable, notamment pour les visiteurs, à cause de la putrescine qui s’échappe des peaux. Les propriétaires des lieux, eux, ne portent ni masque à gaz, ni autres moyens de protection, si ce n’est des gants et des bottes en plastique. ‘’Nous trempons les peaux dans l’eau (usée) pendant 30 à 60 mm avant de les extraire. Après l’épluchage des poils, nous les plongeons ensuite dans le bassin. Nous y ajoutons du gaz et les laissons pendant deux à trois jours dans cet endroit. Pour la dernière étape, nous appliquons sur les peaux un produit dénommé ‘neb neb’ pour les rendre souples et élastiques’’, explique Amy Dieng.

Formation et aides

Plus que par amour ou conviction, ces femmes disent exercer ce métier pour perpétuer l’œuvre traditionnelle de leurs parents. Tous les jours, elles viennent sur ce site qui leur a été alloué, selon elles, par le Président Senghor par un contrat de bail d’une durée de 99 ans. Le terrain en question s’étend sur une superficie en mètres de 200 sur 100. Aujourd’hui, elles se sont constituées en une Coopérative composée de 76 personnes. Selon leur présidente Youma Fall, elles ont bénéficié l’année dernière d’une aide de 7,2 millions de francs CFA octroyée par ONU Femmes pour clôturer les lieux. Mais les travaux tardent toujours à se terminer, même si les maçons sont encore à pied d’œuvre.

Du côté de l’Etat, la tanneuse fait savoir qu’elles ont aussi, dernièrement, reçu un soutien matériel de la part des services du ministère de l’Elevage et des Productions animales. ‘’Le ministère nous a remis il y a quelques mois des gants de protection, des bottes et des tables pour le dépeçage des peaux. Nous avons aussi bénéficié d’une formation de 10 jours sur les techniques de tannage pour nous aider à améliorer la qualité des peaux’’, informe la présidente de la Coopérative des tanneuses de Guédiawaye.  

MAMADOU DIALLO

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