Des paroles et des actes
Son désir, avéré ou fictif, de rentrer au bercail à peine esquissé, Karim Wade affole l’aiguille politico-médiatique. Depuis son élargissement, beaucoup de faits ont été niés sur les modalités de son élargissement.
Dans la nuit du jeudi 23 juin 2016 au vendredi 24, coup de tonnerre presque silencieux ! Alors que les activistes célébraient les quatre ans de la victoire populaire sur le projet de loi instituant le ticket présidentiel d’Abdoulaye Wade, que le policier Boughaleb devait faire face à la justice pour un dossier sensible de meurtre de l’étudiant Bassirou Faye en 2014, après deux ans d’une procédure floue ; que la plupart des ‘‘couche-tard’’ se plaignaient d’une connexion internet défaillante, Karim Meissa Wade, condamné à 6 ans de prison pour enrichissement illicite, humait l’air de la liberté, après 38 mois de détention. Tout a été fait pour que les choses se fassent dans la plus grande discrétion, mais il était difficile de mettre l’affaire sous éteignoir pour un si gros poisson de la scène politique. D’autant que les signes avant-coureurs ont montré que les ‘‘décideurs’’ avaient fléchi de leur intransigeance crasse dès qu’il s’agissait de l’ancien ‘‘ministre du ciel et de la terre’’.
Le pouvoir a adopté une posture plus accommodante depuis la tenue du dialogue national à l’initiative du Président Macky Sall, le 28 mai 2016. Le président de la République qui jusque-là s’était rendu sourd aux sollicitations des foyers religieux, et de quelques-uns de ses pairs africains a tourné casaque après la victoire du OUI au référendum du 20 mars portant sur quinze points de réforme constitutionnelle. Déjà, trois semaines avant cette libération, le jeudi 2 juin, Macky Sall sur les ondes de la Rfi mettait un terme aux supputations en révélant que la ‘‘libération pourrait intervenir d’ici à la fin de l’année’’. Trois jours auparavant, le 29 mai, le coup de fil de l’actuel président à son prédécesseur qui fêtait ses 90 ans, finissait de convaincre les plus sceptiques de l’imminence d’un affranchissement tant attendu par le camp libéral
Le débat sur la forme juridique appropriée s’installe. ‘‘Grâce présidentielle’’ pour le porte-parole du gouvernement, Seydou Guèye, reniements véhéments du camp libéral que les modalités de cette libération n’agréent pas. La libération du fils de l’ancien président a été suivi d’un nihilisme dans le discours gouvernemental qui est allé jusqu’au refus de confirmer la fabrication express d’un passeport diplomatique à Karim Wade par un agent des Affaires étrangères la nuit de sa libération, la manœuvre de diversion sur le trajet emprunté pour rejoindre le domicile de Me Madické Niang, la présence d’un jet privé à l’aéroport de Dakar avec le procureur qatarien à bord..., bref les démentis ou les demi-aveux sur tout ce qui s’est passé cette nuit. Malgré ces réfutations, les faits confirment ce qui s’est passé une décennie plus tôt avec Idrissa Seck au point que la même appellation est reprise à la Une de notre livraison du 27 juin dernier, le jour suivant sa ‘‘libération’’ : le protocole de Doha. Ceci dans le but de mettre en relief la part plus qu’active du Qatar dans l’issue de cette affaire.
Pesante tutelle
La charge du président du Conseil départemental de Thiès et opposant au régime, Idrissa Seck, a mis les autorités mal à l’aise. ‘‘Sur la libération de Karim Wade, Macky Sall n’a obéi ni à Touba ni à Tivaouane ni à aucun autre pôle religieux du pays mais plutôt à un donneur d’ordre international’’, s’était offusqué l’ancien maire de Thiès avant de parler de ‘‘deal international’’. Signe d’une frilosité extrême des autorités, le directeur de la maison d’arrêt de Rebeuss, Lamine Diop, qui a géré ce ‘‘colis’’ pendant trois ans et a supervisé sa libération, a été muté après avoir communiqué sur le sujet sur sa page Facebook. ‘‘Gérer une personnalité de la trempe de M. Wade pendant 3 bonnes années en garantissant à la fois sa santé et sa sécurité dans la prison sans qu’il n’y ait d’incident majeur malgré la sensibilité attachée à une telle mission, et last but not least, réussir la sacrée prouesse de l’exfiltrer de la prison au nez et à la barbe des journalistes et autres souteneurs qui avaient fini d’encercler la prison, c’est assurément une grande performance’’, publiait-il.
Mercredi dernier, c’est après la tenue de son comité directeur que le Pds s’est finalement résolu à dire le mot : ‘‘exil forcé’’, reprenant le coordonnateur des avocats de Karim Wade, Me Seydou Diagne qui, au lendemain de sa ‘‘libération’’, avait déjà dénoncé le fait accompli devant lequel le fils de l’ancien président n’avait d’autre choix que de s’incliner. Un protocole handicapant qui plombe toute ambition de briguer les suffrages des Sénégalais dont Karim Wade veut défaire la pesante tutelle.
MAME TALLA DIAW