UGB, le marathon des étudiants
L’université Gaston Berger de Saint-Louis est maintenant à l’image de sa sœur de Dakar. Avec la dérèglementation de l’année académique suite aux nombreuses grèves, les semestres se chevauchent et les étudiants sont soumis à un marathon sans fin.
C’est un week-end du mois de janvier 2017, donc un jour de repos. Pourtant, l’Université Gaston Berger (UGB) de Saint-Louis est pleine comme un œuf. Au campus pédagogique, l’effervescence est totale. Cette partie de la deuxième université du Sénégal, abritant les cinq Unités de formation et de recherches (UFR), le Rectorat et la bibliothèque, est envahie par une meute d’étudiants en cette période d’examens du second semestre de l’année universitaire (2015-2016). Mais l’ambiance est beaucoup plus perceptible à l’unité de formation et de recherche des Lettres et Sciences humaines. Il est à peine 11h.
A l’entrée de la section géographie, située derrière la bibliothèque universitaire, un groupe d’étudiants en licence II discute sur le sujet d’examen en statistiques qui leur a été soumis. A côté d’eux, d’autres scrutent un tableau en vitre accroché au mur. Ils s’informent de la date de leurs examens de rattrapage prévus du 1er au 08 février 2017. Ces étudiants de la section géographie ont déjà accusé un retard de trois mois sur l’année universitaire (2015-2016) qui devait prendre fin normalement le 30 octobre 2016.
Située au quartier Sanar, sur la route nationale 3, l’institution est éloignée du centre ville de Saint-Louis. Il faut emprunter un minibus ou un taxi pour s’y rendre. Mais c’est un moindre mal, comparé à l’aspect pédagogique.
L’université Gaston Berger, connue jadis pour sa rigueur, a perdu sa constance. Depuis 2014, avec la grève de trois mois observée par le Syndicat autonome des enseignants du supérieur (SAES), elle accuse chaque année universitaire des mois de retard dans le déroulement des cours et des examens. Aujourd’hui, les professeurs et les étudiants courent derrière un semestre.
Ce dérèglement du calendrier universitaire a fini de plonger certains étudiants dans l’incertitude et le désarroi. Ibrahima Ngom est inscrit en troisième année de géographie. Cet originaire de la ville de Fatick, vêtu d’une chemise blanche et d’un pantalon noir, ne cache pas son amertume ‘’C’est fastidieux ce qui se passe actuellement. L’administration a programmé la session de rattrapage en début février alors que nos examens du deuxième semestre sont en cours. Nous n’allons pas nous reposer’’, rouspète-t-il, après lecture du calendrier des examens. Si l’on en croit Anne Marie Faye, étudiante en sociologie, ce retard touche aussi d’autres sections de Lettres et sciences humaines : Sociologie, Langues étrangères appliquées (Lea), Français, Anglais, Crac (Culture, religions, arts et civilisations). Cette jeune fille, de teint noir, habillée en tenue traditionnelle, prépare sa dernière épreuve du second semestre qui aura lieu le 26 février. Assise à une table, dos courbé, elle pense aussi à la session de rattrapage. ‘’Je suis obligée de réviser tôt pour la deuxième session car j’ai des matières du premier semestre que je n’ai pas validées’’, soupire-elle.
UFR Médecine épargnée
L’année universitaire 2016-2017, qui a démarré le 15 janvier 2017 dans quatre UFR, est source de marathon pour certains pensionnaires de l’UGB. Ces derniers n’ont eu que 45 jours de vacances (du 15 août au 30 septembre 2016). Après 12 mois de cours et d’examens, l’administration ne parvient pas à boucler l’année. Aujourd’hui, en plus de l’UFR Lettres et Sciences humaines, le dérèglement du calendrier universitaire concerne aussi trois autres branches de l’Université Gaston Berger : Sciences juridiques et politiques, Sciences et Techniques et Sciences économiques et de Gestion.
Pourtant, tout ce beau monde semble mieux loti que les étudiants de l’UFR Lettres et sciences humaines. Dans cette entité, le démarrage du nouvel exercice (2016-2017) est prévu le 15 mars. Mais pour le chef de la section géographie, Dah Dieng, l’urgence se trouve ailleurs, car il faut mener une course contre la montre pour être dans les délais. ‘’Nous travaillons pour finir les examens du second semestre, boucler la session de rattrapage et proclamer les résultats finals. C’est cela qui nous permet de démarrer les cours à la date prévue’’, indique-t-il.
Dans les UFR sciences juridiques et politiques et Sciences économiques et de Gestion, on ne parle pas encore de démarrage des cours pour l’année universitaire 2016-2017. ‘’Ici, la situation est pire que dans les autres établissements. La session de remplacement n’est même pas programmée. Pour le moment, nous attendons les résultats de la première session’’, regrette une étudiante en Licence 2, sous couvert de l’anonymat.
Dans cette université ‘’d’excellence’’, seule l’UFR Médecine respecte les règles exigées par le système LMD : démarrage des cours le 1er octobre, examens finals le 31 juillet. ‘’Comme l’année dernière, nous avons démarré nos cours le 03 octobre 2016. D’ailleurs, nos examens du premier semestre sont prévus le 15 février », renseigne un représentant des étudiants. Cet établissement doit sa stabilité à la non-participation de ses enseignants aux luttes syndicales de l’UGB.
‘’La grève du SAES ne nous a pas handicapés car la majorité de nos enseignants ne suivent pas les mots d’ordre de ce syndicat’’, ajoute le délégué. A l’image de leurs professeurs, les étudiants aussi se désolidarisent de la Coordination des étudiants de Saint-Louis (CESL).
Deux années sans grèves pour redresser la pente
Du côté des professeurs, la section SAES, à l’instar des autres cellules des autres universités, mène et continue de mener plusieurs débrayages et grèves pour réclamer entre autres des arriérés de salaires, le versement des cotisations pour la retraite et la prise en charge médicale de ses membres. Les étudiants, eux, ont eu à observer une grève illimitée pour exiger la libération de leurs représentants arrêtés lors d’un affrontement avec les forces de l’ordre. Au mois de juin 2016, ils avaient décrété une grève de 21 jours après l’entrée des policiers dans le campus social.
Pour faire face à cette situation, le directeur adjoint de l’UFR Lettres et sciences humaines, Boubou Aldiouma Sy, préconise l’implication de l’Etat. ‘’Les autorités universitaires ne peuvent pas empêcher les enseignants et les étudiants de revendiquer leurs droits. L’Etat doit penser à équilibrer le budget de l’université car depuis 2012, les enseignants du supérieur mènent des grèves pour exiger le paiement à temps des salaires des vacataires, la couverture médicale et le versement des cotisations pour la retraite’’, informe le docteur.
Pour le rétablissement du calendrier universitaire, le directeur-adjoint de l’UFR Lettres et sciences humaines préconise la stabilisation du front social. ‘’Si on veut rétablir le calendrier, l’UGB doit rester deux ans sans faire une grève. Les enseignants doivent se sacrifier en faisant des séances de rattrapage’’, préconise-t-il.