C’est la fin du séjour dakarois du président gambien Adama Barrow qui rentre sur Banjul cet après-midi. En attendant le règlement de quelques modalités qui l’empêchent de rejoindre le Palais, State House, dans l’immédiat, la rue lui promet un digne accueil.

C’est le jour de gloire pour Adama Barrow. Après la crise électorale qui a suivi sa victoire dans les urnes, la tentative de confiscation qui s’en est suivie, la prestation de serment à l’ambassade gambienne de Dakar et le départ en catastrophe de Yahya Jammeh, le troisième président gambien va fouler le tarmac de l’aéroport de Banjul aujourd’hui à 16 heures. Une information que le porte-parole de la coalition Halifa Sallah a confirmée hier, en conférence de presse.

‘‘On a atteint le bout du tunnel qui a commencé avec l’impasse qui a failli précipiter le pays à la guerre. Demain (Ndlr : aujourd’hui) vous allez poser des questions au président Barrow plutôt qu’à son porte-parole. Il a déjà retenu cette date depuis lundi mais il voulait remercier toutes les personnes qui ont contribué à l’issue pacifique de ce contentieux postélectoral, ce qui explique son séjour à Dakar’’, a expliqué Sallah. Même si les consignes ont été données pour que les affaires courantes soient expédiées par le Secrétaire général, les questions demeurent en suspens comme le lieu de résidence du président.

Adama Barrow ne rejoindra pas le State House dans l’immédiat. ‘‘A cause des évaluations en cours au Palais, le président restera dans sa résidence personnelle’’, poursuit M. Sallah.  Une clarification obligatoire au vu des informations qui ont circulé dans la presse gambienne parlant de ‘‘graves menaces découvertes par les troupes de la Cedeao à State House’’. ‘‘Je ne suis pas au courant mais je sais que le State House est en train d’être inspecté par les gens qui en ont la compétence et vont donner au président des informations sur ce qui s’y passe’’, a aussitôt tenu à répliquer le porte-parole. Halifa Sallah affirme par contre que dans le village natal de l’ex-président, des fouilles sérieuses y sont menées.

‘‘A Kanilai, la Micega et les forces gambiennes doivent être en train de vérifier les lieux pour trouver des armes éventuellement. Ce n’était pas seulement une résidence secondaire (Ndlr : de Yahya Jammeh) mais une sorte de campement militaire’’, déclare-t-il, en promettant que les différents corps militaires et paramilitaires seront bien définis pour éviter les amalgames et les abus du régime précédent.

C’est déjà la ‘‘Barrowmania’’

Si le porte-parole parle d’une ‘‘arrivée sobre, pas orchestrée mais solennelle’’, et invite ‘‘les partisans de la Coalition 2016 à faire de leur mieux pour ne pas causer de désagréments dans les rues gambiennes’’, la situation risque d’être plus mouvementée que prévue. Le peuple promet un accueil digne à Barrow. Au black market de Serrekunda, la ‘‘Barrowmania’’ n’est pas seulement dans l’euphorie des gens lorsqu’ils parlent de son retour, ni seulement sur les tee-shirts. Les tasses, les badges, et même les brosses à laver (ndlr : Ndiampé en langue Wolof) ont pour homonyme le président Adama Barrow.

Vendeur à la sauvette, ‘’Ousman beug Barrow’’ comme il se fait appeler depuis quelques jours, promet d’être l’une des premières personnes à l’aéroport aujourd’hui. ‘’C’est l’homme de l’espoir, lui qui a fait que toutes nos langues soient déliées. On n’osait même pas rêver de cela il y a quelques semaines’’, déclare-t-il en exhibant les longs ‘‘ndiampé’’ noirs au cou qui, naguère, portaient le nom de Wally Seck. ‘‘On l’attend depuis que Yahya Jammeh l’a félicité.

Nous avons eu peur à cause de ses derniers revirements, mais à présent, l’heure est venue pour Barrow d’être en contact avec ses concitoyens’’, lance Admire Jeshwan, une lycéenne qui alterne français et anglais. A Banjul, l’entrain est moins palpable dans les préparatifs à cause d’une forte présence militaire. Des patrouilles des forces mixtes de la Cedeao sillonnent régulièrement les artères d’une capitale qu’ils continuent de surveiller comme du lait sur le feu. Mais sur Independent Drive, un groupe de vieux dissidents se réjouissent de cette arrivée et assurent qu’ils seront de la partie pour l’accueil populaire.

‘’On ne pouvait pas manquer ça, après nous être opposés à Jammeh aussi longtemps. Même au faîte de sa puissance, il ne regardait pas par ici lorsqu’il passait en voiture’’, exulte l’ex-conseiller municipal de la capitale Mbay Babakar Bobb qui désigne leur lieu de regroupement appelé Gamgaz. ‘’On ne peut plus continuer à vivre en autarcie alors qu’au Sénégal voisin la démocratie est quelque chose de tellement évident’’, explique-t-il prétextant de son opposition exclusive face à huit autres conseillers, pro-Jammeh, lors de l’éviction forcée du maire de Banjul Pa Sala Jeng. A côté, les quelques tee-shirts à l’effigie du nouveau président pendaient aux étals de vendeurs qui promettent que la journée d’aujourd’hui sera encore plus fructueuse que celle d’hier.