Publié le 13 Oct 2017 - 18:11
COMMUNICATION OFNAC

Seynabou vs Nafi, opposition de styles

 

Cinquante déclarations de patrimoine en quatre mois. Seynabou Ndiaye Diakhaté se ‘‘vante’’ de sa nouvelle approche communicationnelle. Apparemment, tout le contraire de son prédécesseur. Des chiffres qui cachent pourtant quelques incohérences de forme.

 

C’est une opposition de styles. L’une est libre, adepte de la communication, sûre d’être dans son bon droit. L’autre est beaucoup plus introvertie, plus distante, plus réservée dans sa communication. Entre les deux dernières directrices de l’Office national de lutte contre la fraude et la corruption (OFNAC), Nafi Ngom Keïta et Seynabou Ndiaye Diakhaté, c’est comme le feu et la glace. L’actuelle directrice de l’OFNAC a opté pour une réserve à la limite incompréhensible pour un sujet aussi sérieux. Une attitude qu’elle a tout de même eu le mérite d’adopter, dès le début de sa gestion.

‘‘La feuille de route est bien définie par ces textes qui régissent l’OFNAC. Pour scinder mon travail en deux, je dirais 80 % de travail et 20 % de communication’’, déclarait la nouvelle présidente de l’institut au sortir de sa prestation de serment, le 11 août 2016, même si elle a tempéré, dans la foulée, en voulant opter pour ‘‘une démarche participative et inclusive’’.

La seule fulgurance médiatique depuis, révélé par le journal ‘’L’As’’ en janvier 2017, concerne la nomination du colonel Mansour Sow. Ce dernier est accusé, dans le tome 2 du livre du colonel Ndaw, ‘‘Pour l’honneur de la gendarmerie sénégalaise’’, aux pages 38, 42, 43, 50, d’avoir détourné et fait chanter un sulfureux homme d’affaires appelé Youssou Guèye. Un autre colonel, Amadou Hamady Loumbol Sy, accusé dans le même livre d’un détournement de l’ordre de 300 millions de francs CFA, a aussi été coopté dans l’actuelle équipe. Contacté par ‘’EnQuête’’, la chargée de communication Diatou Cissé Badiane avait répondu qu’il n’y avait ‘‘pas de réaction officielle de l’OFNAC’’.

Depuis ce petit malaise médiatique, la structure n’a pas communiqué. Publiquement du moins.

Effet protecteur ?

Preuve de cette piètre part accordée à la communication, l’actualité la plus fraîche sur le site Internet de l’office remonte à 10 mois - au 6 janvier 2017 - alors que ce mardi, Seynabou Ndiaye Diakhaté a présidé une rencontre sur le nouveau plan stratégique 2017-2021 de la structure. ‘‘Les déclarations de patrimoine continuent à être reçues. En quatre mois, on a eu plus de 50 cas’’, a-t-elle consenti à lâcher, affirmant que la nouvelle approche de la communication avait fait ses résultats.

‘‘Nous avons enregistré́ un taux assez important de déclarations, depuis que nous avons initié cette nouvelle méthode qui consiste à̀ communiquer de façon plus institutionnelle, plus pédagogique, en faisant comprendre aux assujettis l’effet protecteur’’, a-t-elle lancé. Etant donné que la publicisation d’un rapport est une évidence pour la transparence et la bonne gouvernance qu’on cherche à promouvoir, la ‘‘privatisation’’ dans laquelle se confine l’actuelle présidente de l’OFNAC laisse perplexe, malgré ses résultats encourageants. Comme si le silence médiatique autour de cette structure est un gage absolu d’efficacité et que les sorties dans la presse de son prédécesseur attentaient, de facto, à la respectabilité de l’OFNAC.

Simple coïncidence ? L’épiphénomène de la vidéo de Cheikh Béthio Thioune, recevant d’énormes sommes d’argent en espèces, s’est invité, attisant un contre-feu médiatisé. Ce qui a complètement noyé la question de la publication du rapport 2015-2016 de l’OFNAC, pour laquelle l’actuelle équipe ne semble pas manifester un grand enthousiasme.  

Effet boomerang

Dans sa gestion, la médiatisation de ses actes a été l’une des rares armes de taille sur laquelle Nafi Ngom a bien pu compter. Elle a su transformer toutes ses frustrations, dues aux carences dans son travail, en campagnes de communication plutôt victorieuses. ‘‘Je refuse de me taire (...) Je suis légalement autorisée à communiquer, conformément à la Déclaration de Djakarta qui consacre la déclaration de patrimoine. Je dois communiquer pour sensibiliser sur les prérogatives qui sont les nôtres, mais aussi et surtout pour éviter la désinformation qu’on peut véhiculer sur l’institution qu’est l’OFNAC’’, s’était-elle défendue en marge de l’atelier de planification des actions stratégiques de l’institution qu’elle a dirigée, en février 2015. Un mois plus tôt, son intransigeance à faire faire la déclaration de patrimoine aux autorités, avait poussé, selon elle, un ministre à la menacer par téléphone nuitamment.

Avant et après cet épisode,  ses critiques ouvertes sur le manque de statistiques de la structure, la divulgation du rapport 2014-2015 mettant à mal le directeur du COUD Cheikh Oumar Hann pour surfacturation, la recevabilité d’une plainte contre le maire de Guédiawaye et frère du président de la République, son refus d’intégrer le colonel Moctar Sow dans son équipe, son insistance à obtenir la déclaration de patrimoine du premier vice-président de la Cour suprême Mamadou Badio Camara, son adresse épistolaire ‘‘médiatisée’’ au président Macky Sall, sont autant de péripéties de notoriété publique, qui ont, en haut lieu, fini de convaincre que Nafi Ngom Keïta était un électron trop libre pour un faire-valoir institutionnel. 

Signes de désaveu, quelque temps avant d’être remerciée, elle a été invitée à s’expliquer sur la location de l’immeuble de l’OFNAC et a même été bloquée à l’aéroport LSS pour un ordre de mission manquant. Des brimades qui se sont succédé avant un limogeage survenu le 25 juillet 2016, suivi d’un recours, infructueux, à la Cour suprême, car estimant que son mandat de deux ans devait prendre fin en mars 2017.

Selon le démissionnaire de l’office, Mody Niang, la présidente Nafi Ngom subissait de ‘‘très fortes pressions, puisqu’il arrivait que des rapports de l’OFNAC mettent en cause des amis du président de la République ou qui sont considérés comme tels’’, dénonçait-il dans une interview.

Pas de contraintes

L’OFNAC aura finalement connu le sort peu enviable de sa devancière, la Commission nationale de lutte contre la corruption et la concussion (CNLCC). ‘‘La conscience a imposé au président Macky Sall de procéder à une déclaration de patrimoine’’, déclarait Mouhamadou Mbodj dans nos colonnes, aux premiers signes de réticence de certaines autorités devant Nafi Ngom. Rien ne pouvait justifier, selon le coordonnateur de cette branche locale de Transparency International (TI), ‘‘le refus’’ des autorités de se soumettre à cet exercice. Celle-ci évincée, ses anciennes cibles semblent plus en sécurité, en tout cas moins apeurées par les déclarations privées qui ont actuellement cours à l’OFNAC.  

OUSMANE LAYE DIOP

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