‘’Avec la nomination de Saidou Nourou Ba, on peut dire qu’il y a un relâchement de la majorité’’
La posture adoptée par l’opposition dite significative, dans le processus électoral, peut être assimilée à un manque de confiance, selon l’enseignant chercheur en science politique Moussa Diaw. Aussi, de l’avis de ce dernier, cette frange de l’opposition a besoin de gages et d’engagements sûrs pour participer au dialogue politique. Et ce, dit-il, malgré la nomination de Saidou Nourou Ba à la tête du cadre de concertation.
Un nouveau président a été choisi pour piloter le cadre de concertation sur le processus électoral. Qu’est-ce que cela vous inspire ?
C’est un bon choix qui est porté sur le diplomate Saidou Nourou Ba pour continuer ce travail qui a été initié par le ministre de l’Intérieur. Et ceci dans une perspective justement d’élargir les concertations à l’ensemble des acteurs de la vie politique de façon inclusive. L’objectif est de régler définitivement les problèmes relatifs aux élections, au regard des dysfonctionnements observés pendant les législatifs du 30 juillet 2017.
Avec cette nomination, peut-on dire que l’Etat est en train de tendre la perche à l’opposition ‘’significative’’ pour un dialogue politique ?
On peut dire qu’il y a un relâchement dans la position de la majorité. Elle a accepté de nommer une personne décrite comme ‘’neutre’’, ce qui va dans le sens d’un apaisement pour permettre le déroulement des concertations entre les différents acteurs. Cela se traduit donc par le choix porté sur ce diplomate.
Malgré cet acte posé, l’opposition ‘’significative’’ campe sur sa position. Selon vous, que faut-il faire pour l’amener à la table de négociations ?
Je pense que même si ce choix porté sur un diplomate va dans le bon sens, il reste des engagements clairs et nets par rapport aux revendications posées. Aux propositions de l’opposition, il faudrait des gages que la majorité s’engage à respecter scrupuleusement les propositions qui découleront de ces négociations et se déclare prête à les appliquer. Le discours ne suffit pas, car il y a, à chaque fois, des promesses non tenues. Il y a un problème de confiance qui s’est installé entre la majorité et l’opposition. Il faut faire en sorte que cette confiance puisse être restaurée. Il faut s’engager pour le respect des points qui sortiront de ces discussions. L’opposition a fait des propositions par rapport aux élections, la majorité en a fait également. Donc, il faudra discuter pour trouver des points consensuels. A partir du moment où l’on trouve ce compromis, il faudrait que la majorité respecte scrupuleusement ce qui a été dit. On peut tenir un discours et faire l’inverse, on a vu des cas comme ça. Et l’opposition n’a pas trop confiance quant au discours de la majorité, surtout en ce qui concerne le domaine politique.
Est-ce que la posture adoptée par l’opposition est la bonne ?
J’essaye de comprendre, puisque nous sommes dans un contexte politique et que, souvent, il y a des stratégies qui sont posées. Je pense que cette opposition cherche des gages, elle veut des propositions concrètes, des engagements pour traduire en actes les discussions. Il y a une méfiance de l’opposition par rapport à la majorité, parce qu’à chaque fois qu’il y a un discours, on croit que c’est un piège parce que tout simplement, ils n’ont pas confiance aux propos de la majorité. Elle doit montrer sa bonne volonté politique et s’engager à les traduire en actes concrets.
Avec l’absence des membres de la coalition Mankoo Taxawu Senegaal de Khalifa Sall et ceux de la Coalition gagnante Wattu Senegaal d’Abdoulaye Wade, est-ce que ces concertations auront un sens ?
Le dialogue risque d’être biaisé, si cette frange de l’opposition n’y participe pas. On a besoin d’un apaisement pour la prochaine présidentielle, parce que les enjeux sont énormes. On a besoin de régler un certain nombre de questions par rapport au fichier électoral. Le Sénégal est considéré par les tenants du pouvoir comme une démocratie majeure, mais elle a du mal à instaurer un dialogue. C’est ce qui est paradoxal. Normalement, une démocratie majeure se mesure à l’aune de ses engagements et de ses capacités à instaurer un dialogue dans un espace public consensuel et un débat contradictoire. Ayons un sens élevé de la continuité de l’Etat, de la consolidation des institutions et l’ancrage de la démocratie pour un développement économique et social.
Le procès de Khalifa Sall s’ouvre ce jeudi. Qu’en pensez-vous ?
Si Khalifa Sall est condamné, il ne pourra pas se présenter à la présidentielle de 2019, c’est cela le risque politique qu’il y a dans ce procès. Je ne voudrais pas aborder cette question en cours, mais politiquement il y a des risques. Et ce serait dommage pour un homme politique considéré comme un candidat sérieux pour ces échéances-là. Cela traduit un malaise dans la démocratie au Sénégal.
La 13e législature vient de boucler sa première session budgétaire. Comment appréciez-vous la prestation des parlementaires ?
Je pense qu’il y a un engagement et les députés remplissent leurs rôles à l’hémicycle. L’Assemblée nationale est le lieu de débats contradictoires, de la confrontation des idées, de propositions pour vraiment représenter les citoyens et aborder les questions essentielles qu’ils ont dans le sens d’une transparence de la gestion par rapport à l’utilisation des ressources nationales.
Est-ce qu’on peut faire une comparaison entre la 12e et la 13e législature ?
Les députés de l’ancienne législature n’ont pas montré une certaine combativité par rapport aux questions posées. Le parlement était considéré comme une chambre d’enregistrement, contrairement à la nouvelle où on voit un engagement, une détermination à remplir leurs fonctions pour que les citoyens soient bien représentés.
HABIBATOU TRAORE