Publié le 3 Feb 2018 - 03:43
ATHLETISME - MOMAR MBAYE, ANCIEN PRESIDENT DE LA FSA

‘’On n’a plus d’entraîneur sur le terrain’’

 

Il a ouvert une nouvelle ère dans l’athlétisme sénégalais. Après quasiment 17 ans à la tête de la fédération, Momar Mbaye a cédé la place à Sara Oualy, ancien vice-président. Un peu plus d’un mois après l’Assemblée générale tenue à Thiès le 17 décembre dernier, le vice-président au CNOSS et membre de la Confédération africaine d’athlétisme parle dans EnQuête. Cet ancien athlète et footballeur fait son bilan et indique les difficultés que traverse la discipline.

 

Vous venez de passer le témoin après presque 17 ans à la tête de la FSA. Qu’est-ce qui vous a poussé à dire stop ?

Je pense que le fait de rester aussi longtemps à la tête d’une fédération t’amène souvent à stagner dans la routine. Il n’y a plus d'initiatives nouvelles... J’ai estimé aussi, compte tenu de la situation, et des difficultés que rencontre  l’athlétisme sur le plan des moyens financiers, matériels, et humains, qu’il serait bon qu’un autre puisse venir et apporter un autre souffle, développer d’autres stratégies de management. C’est dans ce sens-là, entre autres, que j’ai préféré laisser la place à un autre pour booster notre sport ou apporter d’autres initiatives pour que l’athlétisme puisse aller de l’avant.

En parlant des difficultés, est-ce que vous avez pu dérouler votre programme  pour lequel vous avez été élu ?

Très sincèrement, tout ce que j’avais proposé comme programme pour être élu, a été réalisé à 100%.

Un : c’était de faire en sorte que l’athlétisme retourne dans les régions. Dans les 14 régions, aujourd’hui, mes collègues de ligue organisent des compétitions, il y a même des meetings d’athlétisme dans les régions.

Deux : c’était de refaire la première piste d’athlétisme du stade Iba Mar Diop. J’ai réussi à le faire, toute neuve en 2004.

Trois : c’était de créer un grand meeting d’athlétisme, un événement majeur. D’un meeting sous régional, nous avons réussi à faire de Dakar un rendez-vous international en intégrant le circuit mondial de l’IAAF (Association internationale des fédérations d'athlétisme, ndlr). Donc, je suis largement satisfait.

Mais pendant ces années de mise en application de votre plan de développement, vous avez rencontré des écueils...

Evidemment ! Il y a toujours des difficultés. Des difficultés d'ordre financier, matériel, mais surtout d’ordre humain. Il n’y a plus d’entraîneur sur les terrains, ou d’entraîneur de qualité sur les terrains, ou d’entraîneur qui reste à temps plein sur le terrain pour s’occuper des athlètes. On n’a non plus des athlètes qui acceptent de souffrir à l’entraînement ou de subir aussi les durs moments de l’entraînement avant d’engager les compétitions. Il n’y a plus de sport à l’école ou de compétitions scolaires les mercredis après-midi.

Il n’y a plus de bourses de l’Etat pour l’élite, plus de bourses de la coopération ou bourses francophones en et encore moins de la Confejes (Conférence des ministres de la Jeunesse et des Sports de la Francophonie).

Mais sous votre houlette, il y a eu des athlètes qui ont eu à remporter des médailles sur le plan international...

Mais évidemment ! Tout à  fait ! Depuis  2003, il y a eu des résultats importants mais les gens ne voient que le résultat sur le plan international. Mais l’athlétisme se pratique au Sénégal. Et nous sommes appréciés au niveau de la CAA (Confédération africaine d’athlétisme). Et même l’IAAf reconnaît que nous sommes parmi les pays africains qui organisent autant de compétitions dans nos régions et sur le plan national. L’Athlétisme est un sport individuel et non collectif et a ses exigences spécifiques. Le reste, c’est à l’athlète et à l’entraîneur de le faire. Aujourd’hui, ces deux acteurs ne sont pas disponibles toute la journée à 100% sur le terrain.

Est-ce donc ce qui explique les mauvais résultats de ces dernières années ?

Mais évidemment, il faut noter ces deux dernières années aux championnats mondiaux et olympiques que les résultats ont baissé.

On reconnaît qu’il y a eu des résultats dans le passé, sous votre tutelle...

Mais bien sûr ! Toutefois, il faut reconnaître la baisse des résultats sportifs dans un contexte peu favorable et qui ne concerne pas seulement l’athlétisme mais tous les sports individuels.

C’est quoi la raison ? On ne met pas les moyens qu’il faut ?

Il n’y a pas de moyens financiers conséquents de l’Etat. Les entraîneurs ne sont plus au ministère des Sports, ils sont au ministère de l’Education, donc ne sont plus disponibles à temps plein sur le terrain d’entraînement. L’athlète doit être dans un environnement extraordinaire, du point de vue restauration, alimentation, hébergement, équipement, moyens financiers pour subvenir à ses propres besoins.

Donc être tout simplement professionnel ?

Oui, être professionnel dans un environnement non professionnel

Vous allez partir en laissant derrière vous votre plan phare, le Plan stratégique de développement de l’athlétisme, que vous aviez concocté. Où en est-il aujourd’hui ?

Mais vous me voyez comme ça en train de me réunir avec le président (Sara Oualy, ndlr) pour lui donner ces éléments. Mais je ne vais pas quitter (l’athlétisme), je vais l’accompagner, Incha Allah ! Notamment à trouver les moyens à côté de l’Etat, à côté aussi des partenaires, des sponsors.

Vous avez dit que vous alliez accompagner le nouveau président Sara Oualy qui a été élu après une Assemblée générale (Ag) tendue à Thiès. Qu’est-ce qui a expliqué cette situation ?

Tu sais, lorsque j’ai annoncé mon départ, les ambitions se sont révélées. Et c’est normal qu’il y ait cette compétition. Et ensuite, ceux qui étaient dans cette compétition ont jugé nécessaire de faire cette médiatisation-là. Mais Dieu merci, ça s’est bien passé.

Il paraît que vous vous étiez activé à trouver un consensus...

Très sincèrement, je l’ai fait. Mais à un moment, les gens étaient excités et ils ont cassé le consensus sans m’avertir.

Il se dit que vous avez persuadé El Hadji Amadou Dia Ba de se retirer ?

Non, je ne lui pas parlé, il a pris sa décision sans m’en parler. Les présidents de ligue ont pris leur décision d’aller avec Sara à mon absence. Dia Ba et Sara ont été informés  avant moi. Donc, je n’y suis pour rien.

Pendant cette Ag, certains étaient contre votre candidature au Comité directeur ? 

Ecoutez ! Moi, je suis membre d’honneur de droit parce que je suis président de la Région ouest de la Confédération africaine d’athlétisme et membre de la Confédération. Dans cette recherche de consensus, les trois candidats (Sara Oualy, El Hadji Amadou Dia Ba et Cheikh Tidiane Boye, ndlr), tous, assis autour d’une table, m’avaient demandé de rester dans le Comité directeur. Je leur ai dit : ‘oui !’ Ils m’ont dit : ‘on voudrait que tu sois membre actif du Comité directeur’. J’ai dit : ‘si c’est le cas, il n’y a pas de souci’. Ils avaient réservé une place pour moi. Le consensus n’étant pas réalisé, les gens se sont posé des questions : pourquoi je veux être dans le Comité directeur ? C’est tout, il n’y a que ça.

Et finalement...

Finalement, je suis membre de droit et lors du dernier Comité directeur, ils m’ont élu président d’honneur avec droit d’assister aux réunions.

Vous êtes membre du Cnoss. Comment appréciez-vous les nombreux dossiers qui ont atterri dans des juridictions internationales ?

C’est normal. L’affaire qui s’est passée au stade Demba Diop, personne ne pouvait s’y attendre. Si on le sentait, les gens allaient prendre les dispositions adéquates pour que cela n’arrive pas. Maintenant que c’est arrivé, chacun essaie de tirer de son côté. Le Tribunal arbitral du sport peut intervenir en lisant le droit et faire revenir les gens à des décisions équitables.

Est-ce que le Cnoss a été saisi du dossier Guédiawaye FC ?

Je n’ai pas suivi cette affaire parce que j’étais absent du pays mais j’ai entendu parler de cela.

Adama Coly

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