Publié le 23 Apr 2018 - 23:51
APPEL AU DIALOGUE DU PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE

L’opposition et la société civile parlent de supercherie 

 

Derrière l’appel au dialogue lancé par le président Macky Sall, après le vote de la loi sur le parrainage, l’opposition et la société décèlent une supercherie visant à légitimer une réforme déjà rejetée par le peuple.

 

Pouvoir et opposition jouent les prolongations de la bataille sur le parrainage. Et la main tendue du président de la République n’est pas pour arranger les choses. Au contraire, elle semble exacerber la tension née d’avant le vote de cette loi. En effet, de Paris où il se trouvait après le vote de la loi sur le parrainage, le président Macky Sall a invité l’opposition à un dialogue autour des modalités pratiques de cette nouvelle disposition introduite dans la Constitution sénégalaise. ‘’Toute personne qui veut la paix dans ce pays et qui se soucie de la vitalité de notre démocratie ne doit pas cautionner la prolifération des listes et des candidatures. Puisqu’on n’a pas encore voté le Code électoral, je réitère ma main tendue aux leaders de l’opposition. S’ils veulent des éclairages et des garanties sur cette loi, nous sommes ouverts pour le dialogue. Nos députés ont déjà fait un amendement en proposant une fourchette de 0.8 % minimum et 1 % au maximum. Nous pouvons discuter de toutes les questions liées à cette réforme’’, a déclaré le chef de l’Etat dans un ton euphorique et après avoir jubilé avec ses militants de l’Hexagone.

Processus mal engagé

Cette énième main tendue du chef de l’Etat fait l’objet d’un rejet global de l’opposition et même de la société civile sénégalaise. Même si, en soi, le secrétaire exécutif de la Plateforme des acteurs de la société civile pour la transparence des élections (Pacte) pense que cet appel n’est pas mauvais, il estime toutefois que cela risque de ne pas se traduire par une acceptation de la part des membres de l’opposition, de prendre part au dialogue, à partir du moment où le projet de révision constitutionnel a étalé ses tares jusqu’aux modalités du parrainage. Par conséquent, cet appel au dialogue n’a plus d’objet. ‘’Le champ du dialogue et de la concertation, en ce qui concerne le parrainage, est déjà verrouillé au niveau du projet de révision constitutionnelle. Cela signifie, à contrario, que si le projet de révision constitutionnelle s’était limité simplement au principe de la généralisation du parrainage, en laissant les modalités de son application au projet de révision du Code électoral, peut-être qu’à ce moment des discussions pourraient se faire. Encore que, pour l’opposition, il ne s’agit pas de discuter des modalités pratiques du parrainage tel qu’il est réglé dans le projet de révision constitutionnelle, mais plutôt des modalités de réalisation du système même de parrainage’’, analyse-t-il. Avant d’ajouter que ‘’l’approche est tellement différente que, telles que les choses sont parties, la question du dialogue et de la concertation sur les modalités du parrainage est assez mal engagée’’.

Supercherie politique

Au-delà des différences notées dans les approches des uns et des autres, l’ancien député, Me Abdoulaye Babou, pense que la main tendue du président Sall à l'opposition n'est pas sincère et relève de la supercherie. C’est d’ailleurs pourquoi le député Cheikh Bamba Dièye refuse d’accorder du crédit à ce qu’il considère comme une mascarade. ‘’Il faut qu’on soit sérieux avec nous-mêmes, avec notre pays et que nous soyons tous dans une dynamique de bien faire’’, fulmine le leader du Front pour socialisme et la démocratie/Benno Jubël. Selon lui, si le président de la République ne s’est pas gêné de poser des actes terriblement préjudiciables pour notre démocratie, de tuer la démocratie sénégalaise, de refuser le dialogue quand il était important’’, l’opposition ne doit pas s’embarrasser de ne pas répondre. ‘’Non seulement, il n’a pas voulu donner cours à ce dialogue avec les acteurs politiques, mais il n’a pas donné suite à la volonté de tous les facilitateurs qui sont intervenus dans ce processus pour que l’irréparable ne se produise pas’’, regrette-t-il amèrement.

Mépris des Sénégalais

Pour sa part, Pape Saër Guèye dénonce, à travers cet appel, un mépris des Sénégalais et de l’opposition. ‘’On n’a jamais vu quelqu’un demander à dialoguer, surtout un chef d’Etat, autour d’articles du Code électoral. Ça, c’est du jamais vu’’, s’exclame le responsable du Parti démocratique sénégalais (Pds). Selon lui, le dialogue auquel appelle le président de la République est inédit, dans l’histoire politique du pays. ‘’On discute du processus électoral, des questions majeures comme la Constitution, mais non des articles du Code électoral’’, rumine l’ancien ambassadeur, qui déplore ainsi l’attitude du président de la République. ‘’Il a fait un forcing, empêché les députés de discuter, la mission que leur a confiée le peuple souverainement, aux citoyens de se rendre à l’Assemblée nationale et même dans les quartiers, donné des instructions pour que le peuple soit matraqué. Il est ensuite sorti du pays pour se cacher à Paris. Après toutes ces forfaitures, prétendre appeler au dialogue, c’est un mépris de la classe politique et de l’esprit démocratique’’, fustige-t-il.

Le dialogue comme alibi pour valider le parrainage

Une telle attitude du chef de l’Etat, selon le député non-inscrit Cheikh Bamba Dièye, doit amener les Sénégalais à savoir à qui ils ont affaire. ‘’Nous avons affaire à quelqu’un qui, quand il a une envie de faire quelque chose, appelle à un dialogue hypocrite. Il pose le dialogue comme alibi pour valider ses actes antidémocratiques qui ne sont pas conformes avec l’esprit et l’idéal républicain et démocratique pour lequel nous sommes tous là’’, dénonce l’ancien maire de Saint-Louis.

Ce qui amène Pape Saër Guèye à soutenir qu’il n’y a pas place au dialogue dans le contexte actuel du pays. ‘’Pour nous, il a fait faire à des députés ce qu’il voulait faire. Le dialogue, c’est l’écoute, un processus permanent qui prend son temps, qui donne la possibilité à toutes les parties prenantes d’épuiser leurs argumentaires dans les réunions préparatoires et dans les commissions techniques. Mais on ne peut pas toucher à la Constitution dans ces conditions et demander un dialogue. C’est une mascarade démocratique à laquelle appelle le président de la République’’, estime-t-il.

Devant les calculs politiques et autres stratagèmes du régime pour légitimer sa réforme constitutionnelle, Cheikh Bamba Dièye appelle l’opposition, dans son ensemble, à prendre ses responsabilités et à en tirer toutes les conséquences. ‘’Tous ces articles qui doivent valider une propension, une volonté à dialoguer avec quelqu’un n’existent pas avec Macky Sall. C’est cela le problème de fond et ça, il faut que tous les Sénégalais le comprennent et que tous ensemble, la seule motivation que nous devons avoir, c’est comment se débarrasser de cette plaie qui est en train de tuer notre démocratie’’, déclare-t-il.

Pour ce faire, Pape Saër Guèye appelle à la mise en place d’un plan d’action commun. ‘’L’opposition n’a qu’à s’orienter vers la mise en place d’un plan d’action. J’interpelle toutes les parties prenantes du processus démocratique, les partis politiques, la société civile, les leaders d’opinion, les forces démocratiques et les partenaires du Sénégal, pour qu’on arrête cette tyrannie et cette dictature qui ne passera pas’’, argue-t-il.       

ASSANE MBAYE

Section: 
CONVENTION DE TRANSFÈREMENT DES DÉTENUS DU MAROC VERS LE SÉNÉGAL : Les députés adoptent le projet de loi à l'unanimité
ARRESTATIONS TOUS AZIMUTS : Gueum Sa Bopp dénonce une ‘’machination judiciaire’’
AISSATA TALL SALL SUR D’EVENTUELLES POURSUITES CONTRE L'ANCIEN PRÉSIDENT “Les Marocains ont répondu : ‘’Ahlan wa sahlan Macky Sall”
SAINT-LOUIS : DIARRA SOW, DG OLAC, AUX FEMMES : ‘’La femme n’est pas un outil ou un élément de manipulation’’
LIMOGEAGE DE PAPE MADA NDOUR, CHEIKH OUMAR DIAGNE ET DR CHEIKH DIENG : Diomaye Faye face au couperet de la realpolitik
FONDS D’ÉQUIPEMENT DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES : Le ministre de l’Urbanisme prône une réforme de la fiscalité locale  
PACTE DE STABILITÉ ÉCONOMIQUE : La FGTS exige des modalités d'accord-parties de règlement du passif
GESTION DU REGIME DE PASTEF : Le Monjer en rajoute une couche
PORTRAITS CROISÉS: THIERNO ALASSANE SALL ET MIMI TOURÉ : Un amour-haine sur fond de vieilles rivalités
Lancement officiel du Mouvement des jeunes journalistes gabonais du Sénégal : Pour la promotion et la valorisation des métiers médiatiques
HOMMAGE À SAM NUJOMA, PÈRE FONDATEUR DE LA RÉPUBLIQUE NAMIBIENNE : L’appel du général Birame Diop à maintenir vive la flamme du panafricanisme
MACKY SALL, FARBA NGOM ET L'APR : Un silence coupable face aux accusations ?
L’APR sur l’affaire Farba
COUR DES COMPTES, SITUATION ÉCONOMIQUE DU PAYS… : La  coalition Sopi Sénégal sort du bois
THIÈS : RÉUNION CRD DE PARTAGE SUR LA RÉFORME DU CONSEIL NATIONAL DE LA JEUNESSE DU SÉNÉGAL (CNJS) : Vers un Conseil consultatif plus inclusif et dynamique
RAPPORT ACCABLANT DE LA COUR DES COMPTES : Macky Sall contre-attaque et dénonce une cabale politique
Loi d'amnistie
SAINT-LOUIS : MODERNISATION DE L'ADMINISTRATION : La zone Nord livre ses recommandations et attentes
AMADOU HOTT ET ME AUGUSTIN SENGHOR : Le Sénégal peut-il enfin briser la malédiction des candidatures internationales ?
SAINT-LOUIS : GRÈVES RÉPÉTITIVES DU SAES : Les étudiants de l’UGB craignent pour le respect du quantum horaire