Signaux contradictoires
Poussive, la formation du premier gouvernement de Macky II. Un accouchement difficile, de stress post-électoral qui révèle certes une volonté d’impulser une nouvelle dynamique, mais qui conserve beaucoup de ‘’stigmates’’ de Macky I. La volonté de rupture aurait pu être mieux assumée et déroulée, pour donner des signaux plus clairs. Si le nombre de ministres est passé de 39 à 35, les postes clefs sont occupés par des politiques purs et durs. Il y a sans doute de tous nouveaux visages dont on attend de savoir s’ils ne sont pas tout simplement trop maquillés, mais aussi de vieilles reliques dont nous doutons de la capacité à impulser les ruptures annoncées.
Signe avant-coureur que le ‘’marathon’’ des réglages ne pouvait se terminer que de la sorte, c’est l’annonce-surprise de la suppression du poste de Premier ministre. Le deuxième président du Sénégal, Abdou Diouf en l’occurrence, a été ébloui par les mêmes sirènes qu’il avait appuyé sur le bouton rouge, mais les deux situations politiques sont loin d’être les mêmes. Diouf avait en face de lui de ‘’féroces dinosaures’’ prêts à le ‘’dévorer’’, au soir de son atterrissage arrangé à la présidence, qu’il se devait de les neutraliser. C’est le 1er mai 1983, à la suite d’une révision constitutionnelle adoptée par l’Assemblée nationale, qu’Abdou Diouf renforça ses biceps de président nouvellement installé par un régime présidentiel renforcé. Les observateurs de l’époque témoignent que Diouf se rendra bien compte que c’était une erreur. Le président Sall sort d’une élection qui le consacre victorieux à plus de 58 %. En vérité, aucune menace sérieuse ne pèse sur lui, pas pour l’instant, en tout cas, qui justifie une posture aussi radicale.
La question n’est pas Mahammed Boun Abdallah Dionne intuiti personae, qui va devenir simple secrétaire général de la Présidence, sans prise sur les ministres du gouvernement. Loyal vis-à-vis du président, il peut l’être, comme chanté sur tous les toits. Il peut aussi révéler des zones de faiblesse, qui n’ont sans doute pas fait beaucoup de publicité. Mais, dans le fond, Dionne ne saurait être un obstacle ou un prétexte. Ne serait-il pas satisfait du travail de ce dernier qu’il aurait simplement pu le remplacer par un autre profil plus adapté aux enjeux de l’heure. On ne peut, en effet, pas penser que le pays, sauf à considérer les Sénégalais comme des incapables, ne compte pas de dignes fils capables d’occuper et d’animer à la fois politiquement et techniquement la Primature, si tant est que Dionne ne fait plus l’affaire.
Mieux, sur le principe, n’aurait-il pas été plus indiqué d’intégrer ce projet de dissolution de l’institution dans le corpus des réformes constitutionnelles lors du dernier référendum ? Les mêmes électeurs qui viennent de le porter à la magistrature auraient bien pu lui dire ‘’oui’’. Cette validation par le citoyen aurait tout simplement effacé le caractère politicien d’une décision aussi structurante pour le devenir de la République. Il faut rappeler que cette question avait été traitée par les Assises nationales qui, loin d’être une parole biblique, révèle tout de même…
Visiblement, le président n’a plus besoin d’un fusible, d’un rempart grandeur Primature. Il veut lui-même aller au front. On a envie d’ajouter à ses risques et périls. Parce que pour les années à venir, les périls ne manqueront pas. Idrissa Seck et Ousmane Sonko ont beau être sonnés, mais ils sont loin d’être Ko. La politique au Sénégal nous enseigne que même les cadavres ressuscitent et que les rapports de force changent bien souvent à une vitesse vertigineuse.
Toutes choses qui font que ce gouvernement-ci a du pain sur la planche. Il n’aura pas droit à l’échauffement qui précède la compétition.
Son efficacité ne saura être appréciée qu’à l’épreuve de son action concrète, sur l’échelle des résultats qu’il sera en mesure de mettre sur la balance.
Sera-t-elle à la hauteur des nouveaux espoirs fortement exprimés à la dernière présidentielle ? Toute la question est là !