Le Dg Modou Fall rattrapé par des marchés douteux
L'État sur les traces d'un peu plus de 1,6 milliard F Cfa dans la passation de marchés à l'ex-Programme de construction d'immeubles administratifs et de réhabilitation du patrimoine bâti de l'État (PCRPE). Son directeur général, Modou Fall, ainsi qu'une cinquantaine d'entreprises attributaires ont été entendus par la Sûreté urbaine (SU) sur ordre d'enquête du procureur de la République. EnQuête a appris que le rapport bouclé et transmis au procureur concerne les suites données à l'audit 2008 de l'Autorité de régulation des marchés publics. Laquelle vérification visait la conformité des commandes publiques durant la période considérée.
Selon les informations reçues, l'enquête porte sur des marchés d'une valeur de près de 1,5 milliard F Cfa passés en appels d'offres et d'autres estimés à près de 236 millions F Cfa contractés par le biais de Demandes de renseignement de prix (DRP). Et dans les deux cas, le Cabinet Monteil & Barry, l'auditeur agréé par l'ARMP, a constaté des manquements au Code des marchés publics.
Ainsi, concernant les DRP, les auditeurs ont été intrigués par les marchés attribués à une dizaine de sociétés privées pour un montant global de 140 millions F Cfa. D'après la revue, les procédures de passations jurent d'avec la réglementation, car pour le plupart des travaux, les procès-verbaux de réception n'ont pas été produits et, même si certains ont été reçus, ils ne sont pas suivis d'attestations de réception définitives. D'où des ''doutes'' sur l'effectivité ou l'exécution correcte des travaux.
L'auditeur relève, entre autres, le paiement intégral du coût (près de 25 millions) du marché de réhabilitation d'un immeuble R+3 à Fann Hock à la société exécutrice, ''Génie CAP''. Or, note l'évaluateur, à son passage alors, le marché n'était pas encore exécuté. Autrement dit, l'entreprise a été payée avant tâche. Le patron de l'entreprise, un certain Alassane Wattara, a répondu aux enquêteurs que c'est le PCPRE qui l'a invité à lui fournir ses prix. Il a ainsi fourni un devis qui a été retenu comme le moins disant. M. Wattara dit avoir terminé tous les travaux au bout de deux mois, le délai imparti. C'est sa parole contre celle des auditeurs, et à la justice de trancher.
En outre, il n'y a pas eu de de procès-verbal de réception concernant un marché de travaux de curage de caniveaux à Fatick pour un montant d'environ 20 millions, attribué à la société Sope Serigne Babacar Sy (SSBS). Ce cas est intrigant. Le responsable de l'entreprise, Abdou Aziz Syll, a dit avoir concouru audit marché après sollicitation par le PCRPE. Mais le hic, il a avoué à l'enquête de police être le propriétaire de deux entreprises sollicitées, la SSBS et le GIE Momar Anta SYLL. Mais M. Syll a précisé que l'autorité contractuelle ignorait que les deux marchés convoitant le marché étaient les siennes, et ne l'a pas non plus signalé, avançant qu'il voulait faire travailler ses deux sociétés. Finalement c'est la SSBS qui a été retenue, le 31 juillet 2008, car elle aurait été jugée moins disante. Le travail aurait été exécuté en moins d'un mois, a dit M. Syll, brandissant un procès-verbal de réception en date du 13 août 2008. D'après toujours M. Syll, après exécution du marché, il est resté plusieurs mois avant rentrer dans ses fonds. Là également, il appartiendra à la justice d'établir la vérité entre ce que décèle le rapport de l'ARMP et les déclarations de M. Syll.
Pour sa part, Modou Fall, qui a été Dg du PCRPE, a soutenu devant les policiers enquêteurs que tous les marchés passés sous sa direction ont été passés conformément à la réglementation et exécutés suivant les dossiers d'appels d'offres ou DRP. A noter que M. Fall est toujours Dg du Projet d'achèvement des programmes de construction et réhabilitation des édifices de l'État (PAPCREE) mis en place après la liquidation du PCRPE en décembre 2009. Une affaire à suivre...