A feu et à sang
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Juste avant qu’Ousmane Sonko soit remis en liberté sous contrôle judiciaire, une manifestation spontanée a éclaté, hier, aux Parcelles-Assainies. Elle a occasionné un mort qui a envenimé la situation. Plusieurs blessés ont été enregistrés, lors des affrontements qui ont duré plusieurs heures.
Hier encore, la commune des Parcelles-Assainies était à feu et à sang. Au moment où le chef de file du Pastef était reconduit devant le doyen des juges d’instruction pour audition, une manifestation spontanée a éclaté. Dès le matin, les jeunes se sont regroupés au rond-point Case-bi pour une marche ‘’pacifique’’ sur la route qui mène vers Grand-Médine. Ils ont progressé jusqu’au niveau de la Sonatel où une dizaine de policiers veillaient sur la sécurité de l’agence qui a été vandalisée et incendiée durant des manifestations précédentes.
Ils ont voulu poursuivre tranquillement leur chemin, mais une voiture de la police s’est mise au travers de la route, pour les sommer de rentrer chez eux. Devant leur refus catégorique, un policier a projeté du gaz lacrymogène sur la foule compacte. Celle-ci a riposté par des jets de pierres. Au cours des heurts, un jeune manifestant a été tué par un tir à balle réelle provenant des éléments de la police, qui n’ont pas tardé à prendre la poudre d’escampette.
Ce décès a provoqué la fureur des manifestants. Irrités, ils ont, tout au long de la route, brûlé des pneus et utilisé des tuyaux d'évacuation d’eau et autres objets pour barrer la circulation. Ils se sont, ensuite, dirigés vers le commissariat des Parcelles-Assainies pour l’incendier. Scindés en plusieurs groupes, les jeunes étaient bien organisés. Mais devant eux, il y avait un important dispositif sécuritaire.
En effet, la Brigade d’intervention polyvalente (Bip) et le GMI sont venus en renfort.
Il est 13 h. Une fumée noire se dégage un peu partout, dégradant l’air. Après plus deux heures d’échanges de tirs de gaz lacrymogène et des jets de pierres, la police, fatiguée, essaye de tempérer. En effet, un commissaire parlemente avec un groupe de jeunes qui se sont positionnés à l’Unité 18. ‘’Vous vous battez pour Ousmane Sonko. Je vous informe qu’il a été libéré (sous contrôle judiciaire). Donc, arrêtez, s’il vous plait. Nous sommes des frères. Nous ne voulons faire de mal à personne. Tout ce que l’on veut, c’est protéger notre économie. Vous confondez marque et propriétaire, parce que ce sont des Sénégalais qui travaillent dans les boutiques que vous vandalisez’’, dit l’homme de tenue qui s’est bien protégé. ‘’Commissaire, nous voulons simplement manifester de manière pacifique. C’est un droit que vous nous refusez très souvent. Même quand on vous écrit, vous rejetez notre demande’’, réplique un jeune homme.
Vaines médiations
Dans le même temps, Nfu du groupe du chanteur Maabo est descendu sur le terrain pour tenter la médiation. Il condamne les actes de violence et appelle à l’apaisement. Vêtu d’un short et d’un t-shirt bleu, il déclare : ‘’Si vous continuer comme ça, le prochain président qu’on aura en 2024 passera tout son temps à reconstruire. Vous vous battez contre qui ? Nous sommes tous des Sénégalais.’’ Au président Macky Sall, il lui demande de faire revenir la paix dans le ‘’pays de la Teranga’’.
Après un long moment de discussions avec ses interlocuteurs, le policier réussit à leur faire entendre raison. Quelques jeunes se portent volontaires pour passer le message à leurs camarades. Mains croisées en signe de paix, ils demandent l’arrêt des hostilités. Ainsi, après deux tentatives, la hache de guerre semble enterrée. ‘’Notre société est agitée, notre société est en mouvement, nous avons de la dignité, nous sommes dignes et nous respectons notre Sénégal’’ ; ‘’fair-play, fair-play’’, chantent les jeunes en chœur.
Mais cette accalmie ne dure qu’un court laps de temps. Une poignée de manifestants reprend les jets de pierres. ’’Parmi les manifestants, ils y a des gens qui ne veulent pas un retour de la paix. Ils profitent de ce chaos pour voler. Mais tout cela montre que les gens sont fatigués. Il y a une accumulation de frustrations des Sénégalais. L’Etat ne fait presque rien pour les jeunes’’, déclare un riverain.
‘’Il ne faut pas reculer. Nous voulons la justice. Un des nôtres a été sauvagement tué’’, disent les manifestants. À l’endroit des forces de sécurité, ils ajoutent tout en proférant des insultes : ‘’Alors, il va falloir nous tuer. Parce que rien ne pourra nous arrêter. Ayant profité de l’éparpillement des groupes de protestants, les forces de l’ordre réussissent à disperser la foule et gagnent du terrain. Mais même en nombre réduit, les manifestants continuent à résister.
Ces scènes vont se poursuivre, jusque tard dans la soirée. Officiellement, un mort et plusieurs blessés ont été enregistrés.
BABACAR SY SEYE