La course contre la montre de Macky Sall
Il se défend d’exécuter une tournée politique, à quelques mois des élections locales. Il est dans le nord du pays depuis samedi et essayera de convaincre l’opinion des préoccupations économiques qui sont les siennes, quant au destin de la région. Il est vrai que l’agenda économique qu’il s’est concocté, sert sa posture : inauguration du tronçon routier Taredji - Podor, très attendu des populations, lancement de l’axe Boubé – Niandane - Guira, long de 25 km, visite d’exploitations agricoles, notamment dans la cuvette de Ndieuba alimentée par les eaux du Ngalenka, où 978 ha sont exploités. Dans une vingtaine de jours, 780 ha de superficie rizicole seront récoltés dans cette cuvette polarisant 14 villages et hameaux.
Et puis, le dimanche, Macky Sall, puisque c’est de lui que nous parlons, va lancer les travaux de la route Diattar - Halwar, Cas-Cas - Demeth et les travaux de la dorsale électrique Ndioum - Linguère. Hôpital et poste de santé, seront respectivement inaugurés ce jour à Agnam et à Thilogne, avant que le chef de l’Etat ne prenne le chemin de Matam où il présidera un Conseil présidentiel de développement. Rien que ça…
Le périple offre donc toutes les apparences de la tournée économique, loin des préoccupations politiciennes qui agitent le landerneau d’une opposition plutôt en goguette par ces temps-ci ; et pour toute trouvaille, celle-ci n’a eu qu’à ressortir la rengaine trop classique et donc trop usé des moyens de l’Etat qui serviraient abusivement une campagne précoce. Et Ousmane Sonko (tiens, on l’avait presque oublié !) appellera tout le monde à en faire autant, puisque le ‘’la’’ en aura été donné par le premier des Sénégalais en devoir de respecter la loi.
Mais Macky Sall qui s’est fixé l’objectif d’un raz-de-marée électoral pour les formations qui le soutiennent, au terme des consultations locales, n’en a cure de ces récriminations récurrentes : Il sait qu’en ce qui le concerne, 2022 déterminera 2024. Il ne saurait donc manifester un engagement parcimonieux pour brandir aux yeux des Sénégalais les plus dubitatifs ce que fut son bilan en termes économiques et ce que sera le visage définitif de ce bilan au terme de son mandat.
En allant au contact des Sénégalais de l’intérieur, il entend situer le marqueur économique de son engagement auprès de leur cause, de leurs souffrances et de leur destin, dans le sens de plus d’écoute, certes, mais aussi de plus de démonstration de ce qui a été fait, pour battre en brèche ce qu’il considère comme les désinformations, de bonne guerre, au demeurant, de l’opposition. Le chef de l’Etat veut reprendre les rênes d’un leadership à la fois moral et affectif qui lui valut, en 2014, une première élection.
Pour y arriver, le recours aux arguments concrets de son action lui apparait comme la plus objective des stratégies. Et ce Conseil présidentiel de développement qui se tient ce jour même à Matam et qui précèdera le Conseil des ministres de mercredi dans la même ville, sera le rendez-vous d’un état des lieux plutôt exhaustif de ce qui a été fait et celui du tracé d’une feuille de route pragmatique de ce qui reste à faire, conformément aux besoins les plus urgents, aux attentes les plus légitimes et les plus immédiatement réalisables des populations. L’inauguration du lycée Hassan Sadio Diallo à Nguidjilone, celle à Kanel, le jeudi, d’un ‘’daara’’ moderne, du tronçon Ourossogui - Hamady Ounaré et des ponts de Ganguel Soulé et de Wendou Bosséabé, constitueront aussi la matière de cet exercice de visibilité de l’action gouvernementale dessinée dans l’urgence.
C’est donc d’une véritable course contre la montre qu’il s’agit, au regard de la proximité des échéances. Une course contre la montre dont l’enjeu majeur est de re-crédibiliser un pouvoir accusé d’avoir fait du surplace sur près d’une décennie, d’avoir déçu les attentes sociales et économiques d’un électorat qui affiche sans complexe le sentiment d’avoir été plutôt floué par l’impéritie et la corruption de ceux dont c’était le sacerdoce de donner la preuve de la possibilité d’un pouvoir alternatif à celui de l’indigence morale et de l’incompétence politique qui avait précédemment régenté la vie publique.
Samedi prochain, lorsqu’il rentrera, requinqué, de son contact avec les Sénégalais du pays profond, Macky Sall ne devra quand même pas perdre de vue que l’opposition, même si elle peine à se donner une homogénéité structurée et des visages crédibles d’incarnation ; même si elle radote sur des thématiques de campagne plutôt éculées, et limite son argumentaire à la colère et l’imprécation, reste encore favorite pour les prochaines élections locales. Un incontestable sentiment de dépit reste encore trop prégnant au sein de l’opinion pour inverser la tendance de ce qui risque d’être plus un vote de rejet que d’adhésion à une opposition réduite à la portion congrue et recherchant, souvent dans l’excès, une nouvelle identité.