"Mes écrits sont des miroirs sociaux où chacun trouve son image"
Professeur de français au Cem Malika (banlieue de Dakar), Oumar Sow est en même temps un écrivain. Originaire de Tiguéré Yéné, un village situé à cinq kilomètres de la ville de Matam, il vient de publier son tout premier roman intitulé ‘’Tourbillon’’. Dans cette entrevue accordée à EnQuête, le professeur-auteur est revenu sur le Tome 1 de son œuvre.
Parlez-nous du roman que vous venez de publier ?
‘’Tourbillon’’, tome 1, est un roman social qui balaie tout sur son passage. Il retrace la vie mouvementée de son personnage principal Sira et des profondeurs des sillons tortueux de ses souvenirs, depuis sa plus tendre enfance jusqu'à l'âge adulte où elle n'arrive plus à dormir. En effet, Sira, l'unique fille de sa mère Safiatou, est donnée en mariage forcé et précoce, contre sa volonté. Ainsi, elle voit tous ses plus beaux rêves dorés (devenir avocate), sur le chemin diamanté de l'école avec sa camarade de classe Dibilé, et tout son espoir fondre comme du beurre au soleil. Elle est donnée en mariage à Yata pour un sacrifice présidentiel.
Un politicien toujours malheureux aux élections, car, il ne tient jamais ses promesses et qui obéit aux instructions de Thierno Doucouré. Trahie par sa meilleure amie Kiné qui l'avait accompagnée pour rejoindre son mari, Sira sera enceintée par son demi-frère Djiba… À travers ces personnages et parmi tant d'autres, ‘’Tourbillon’’ essaye de peindre la société, notre société.
Cela signifie que vous vous êtes inspiré de faits réels?
‘’Tourbillon’’ est une œuvre de création romanesque qui peint et analyse les abus d'une société et ces maux. Il apporte des mots. Mes écrits sont des miroirs sociaux où chacun trouve son image. Et je pense que l'écrivain doit s'inscrire dans cette logique. Écrire pour souffler à ses personnages des vertus après des errements. Et Tourbillon s'inscrit, lui, dans cette dynamique.
Pourquoi ce titre ‘’Tourbillon’’ ?
Oui, trouver un titre de roman n'est pas une chose facile et j'ai presque terminé d'écrire le roman, sans véritablement avoir un titre adéquat, capable de refléter tout le contenu de l'œuvre. Alors que j'étais au village à Tiguéré Yéné, pendant les grandes vacances scolaires, avec tous les membres de la famille, assis sous les tentes en train de discuter, j'ai vu un grand vent violent et qui tournait sur lui-même se diriger vers nous. Tout le monde s'était levé pour ranger les affaires et avant même de finir, le vent nous avait déjà envahi, emportant avec lui des habits, des ustensiles de cuisine, des sachets, bref, tout ce qui pouvait l'être. Les gens récitaient des versets du Coran, parce que ce genre de vent est de mauvais augure, dit-on. Puisqu'un écrivain doit être attentionné et être un observateur pointu des faits, même les plus anodins, alors je me suis dit voilà un bon phénomène de société. Et j'ai pris le titre de ‘’Tourbillon’’. Comme le tourbillon traverse la société pour tout emporter, mon roman aussi ne laisse rien au passage, même les sujets les plus tabous. Et c'est pourquoi, il y a eu beaucoup de thèmes développés.
Il s'agit de Tourbillon, tome 1, à quand le tome 2?
Je pense que le plus difficile a été fait, c'est-à-dire de publier le premier Tome, donc, le Tome 2, c'est bientôt inch'Allah et ça sera aussi une suite pleine de suspense et de rebondissements de la trame narrative du Tome 1. Et je pense que beaucoup de perspectives sont déjà ouvertes.
Qu’est-ce qui a vous attiré dans l'écriture, le roman ?
Depuis que j'étais tout petit, j'écrivais des lettres et aussi je lisais tout ce qui me tombait entre les mains, vu que je n'avais pas eu la chance de lire beaucoup de livres, lorsque j'étais à l'élémentaire et au collège. Alors j'écrivais de petits poèmes pour ma mère et pour mes amis, puis des poèmes sur certaines situations de la vie. Et je rêvais d'écrire des romans, des recueils de poèmes et c'est comme ça que j'ai eu l'amour de l'écriture. Alors au lycée, j'ai beaucoup lu et à l'université aussi, presque tous les romans que je n'avais pas pu lire et j'ai compris aussi que, pour écrire, il faut beaucoup lire. Donc, mon amour pour l'écriture, je peux dire, vient du fait que j'aimais beaucoup les études, de façon générale, puisque personne ne me demandait d'aller apprendre les leçons ou faire mes exercices
Les Sénégalais lisent de moins en moins, comment vulgariser votre œuvre dans ce contexte ?
Oui, les Sénégalais lisent de moins en moins et cela est également noté chez les élèves. ‘’Tourbillon’’ est d'abord une œuvre de moins de cent pages, donc, facile à lire et qui traite aussi des faits quotidiens avec beaucoup de sujets tabous. Et ensuite, il a une trame narrative qui " force" le lecteur à continuer à lire. En plus, je compte, en dehors de la cérémonie de dédicace, faire une grande campagne dans les médias, dans les réseaux sociaux, afin que beaucoup de Sénégalais et d'autres découvrent ce livre, qui est le fruit de plusieurs années de réflexions basées uniquement sur la création littéraire, mais très instructif. Et je pense que d'autres médias vont nous ouvrir leurs portes pour poursuivre la publicité de l'ouvrage.
Comment voyez-vous la littérature sénégalaise aujourd'hui, en tant qu'auteur?
Je peux dire que la littérature sénégalaise se porte mieux et surtout avec cette nouvelle génération. Je suis optimiste et c'est pourquoi, je pense bien que la relève est là et d'ailleurs, elle est bien assurée. Je peux l'affirmer sans risque de me tromper. Cependant, beaucoup de choses restent à faire pour les amoureux de la littérature, mais aussi, surtout du côté des autorités gouvernementales, en subventionnant les œuvres et en aidant plus particulièrement les jeunes écrivains qui ont du mal à publier leurs manuscrits.
En tant qu’enseignant, quelle est votre opinion sur la crise scolaire actuelle ?
Je suis meurtri quand je parle des maux qui gangrènent le système éducatif au Sénégal. D'abord, l'enseignant n'est plus respecté, du fait qu'il a été diabolisé, vilipendé et, du coup, il a perdu toute son image, son statut. Ensuite, l'enseignant est devenu méconnaissable, il suffit de dire qu’on est enseignant pour qu'on nous regarde avec un certain mépris. Or, les revendications sont légitimes. On demande le respect d’accords légitimes et réalisables déjà signés. Et dans ces accords, il n'y a pas que l'argent, il y a l'alignement des indemnités, mais, il y a aussi les passerelles, la formation continue des enseignants, la signature des actes, les avancements, les rappels et la non surimposition, les prêts DMC, entre autres. Donc, l'État doit revoir la situation des enseignants, avant qu'elle ne pourrisse davantage. Et peut-être passer à une assise de l'éducation nationale, sinon les mêmes causes produiront toujours les mêmes effets.
Mamadou Diop stagiaire