Publié le 3 Aug 2022 - 22:29
TOUJOURS EN RECUL DANS L'ÉLECTORAT

Fortunes diverses pour les responsables de BBY

 

Les résultats issus des urnes, lors du vote de ce 31 juillet, consacrent la perte de vitesse de nombreux responsables de la mouvance présidentielle. D’autres s’affirment comme les tenants actuels du pouvoir de BBY.

 

On n’y voit plus clair dans les contours de la prochaine législature du Sénégal. Si la guerre des chiffres fait rage entre les deux grandes coalitions politiques  sur le scrutin majoritaire, une chose semble évidente : la coalition Benno Bokk Yaakaar n’a pas retenu les leçons des élections départementales et municipales du 23 janvier dernier. Alors qu’elle avait obtenu 38 départements sur 46 et 443 communes sur 553, le recul de son pourcentage de l’électorat n’a pas amené les tenants du pouvoir à changer leur cheval de bataille, face à une opposition de plus en plus menaçante.

Le résultat est qu’au sortir des élections législatives du 31 juillet 2022, l’opposition a réalisé une percée historique, s’adjugeant une représentation record à l’Assemblée nationale. Même si, dans l’absolue, la coalition Benno Bokk Yaakaar a gagné les élections, en récoltant le plus de députés, l’intercoalition des deux plus grandes forces de l’opposition a obtenu plus de sièges et devrait imposer une cohabitation inédite dans l’histoire politique du Sénégal.  

Comment en est-on arrivé-là ? En misant sur la réduction de l’opposition à sa plus simple expression, le président de la République s’en est bien sorti. Du moins, avec les politiciens de sa génération : élimination du fichier électoral de Karim Wade et de Khalifa Sall, récupération d’Idrissa Seck, Issa Sall, etc. En même temps, ses pratiques ont créé un phénomène dans l’arène politique sénégalaise : Ousmane Sonko. Malgré l’élimination de la liste nationale titulaire de la coalition Yewwi Askan Wi dont il était à la tête, son apport dans la campagne électorale a été primordial dans les résultats obtenus par cette coalition.

Des leaders politiques à la peine

Maintenant que toutes les commissions départementales de recensement des votes ont publié les résultats provisoires de leurs centres de vote, il est plus aisé de constater la débâcle de la plupart des caciques de la coalition au pouvoir. D’autres s’en sont sortis haut la main. Dans pratiquement toutes les circonscriptions électorales où il y avait une grande bataille, la coalition Benno Bokk Yaakaar a perdu les élections. Et les leaders politiques ont été à la peine.

L’exemple le plus saisissant est le cas du département de Dakar, où la coalition Yewwi Askan Wi a gagné avec 190 131 voix contre 93 493 pour la coalition Benno Bokk Yaakaar. Les opposants ont gagné Dakar avec plus du double du score réalisé par la coalition au pouvoir. Sans même ajouter les voix obtenues par la coalition Wallu Sénégal (11 166) dans la capitale.   

Maire de la commune de Dakar-Plateau, Alioune Ndoye a opposé une petite résistance à Dakar, en gagnant son centre de vote. C’est l’un des rares à avoir réussi cette prouesse, tant la domination du maire de la capitale a été sans partage. Barthélemy Dias n’a laissé aucune chance aux protégés du président de la République. Donné favori, après sa victoire lors des élections locales, l’ampleur du succès surprend, d’autant plus que sa liste s’est imposée dans le bastion de grandes figures du pouvoir. À la Médina, l’un des derniers à avoir rallié le pouvoir a eu la surprise de perdre une commune qui lui a toujours été fidèle. Bamba Fall, malgré le soutien du directeur de la Caisse de dépôts et consignations Cheikh Ba et du ministre porte-parole de la présidence Seydou Guèye, ne verra pas l’hémicycle en 2022.

Même constat au département de Guédiawaye où la ministre de la Jeunesse a mordu la poussière face au maire, candidat de la coalition Yewwi Askan Wi. Néné Fatoumata Tall n’a pas fait le poids face à Ahmeth Aïdara. Ni elle ni le maire de la commune de Wakhinane Nimzatt et non moins directeur de la RTS, Racine Talla. À Pikine, les images de la députée du parti au pouvoir Awa Niang en larmes ont été partagées sur les réseaux sociaux. Ni elle ni le maire Abdoulaye Timbo n’ont pu empêcher la seule grande ville de la capitale restée dans le giron du pouvoir lors des Locales, de basculer vers Wallu Sénégal.

L’humiliation à Dakar, seul Alioune Ndoye et Amadou Hott sauvent la face

Le département de Keur Massar n’y échappe pas, non plus. La ministre du Commerce Aminata Assome Diatta, tête de liste départementale de Benno, n’a vu que du feu face au candidat de Yewwi, le maire de Yeumbeul-Sud Bara Gaye. Même si Amadou Hott, Ministre de l’Économie, a fait un peu de résistance en gagnant son centre de vote, ce n’était qu’une éclaircie dans la grisaille des résultats obtenus par la coalition au pouvoir dans la capitale sénégalaise.

En effet, ajouter à cela le département de Rufisque perdu par Ngagne Diop et Cie où tous les leaders locaux, à l’image de Seydou Diouf, inscrit sur la liste nationale, ou encore d’Oumar Guèye, Ministre des Collectivités territoriales, l’on obtient une débâcle historique pour une coalition au pouvoir dans une élection dans la capitale.

En effet, les 18 députés en jeu ont été raflés par l’intercoalition Yewwi Askan Wi-Wallu Sénégal.

BBY prend l’eau à Thiès, Maguette Sène la sauve à Mbour

L’échec a été moindre pour les leaders de la deuxième région du pays. Si Yewwi a mis la main sur 6 des 10 députés à prendre à Thiès, les leaders du département de Mbour ont pu limiter la casse, en s’adjugeant les 4 de leur circonscription. Une performance dans laquelle le maire de Malicounda a joué un grand rôle, en remportant sa commune avec de beaux scores. La coalition Benno a gagné 10 communes dans le département. Toutefois, il faut reconnaître que son salut est également dû au non-respect total de la consigne de vote de l’intercoalition Yewwi-Wallu.

En effet, si tous les électeurs de Wallu avaient voté pour Yewwi, comme cela était demandé, la coalition de l’opposition aurait gagné le département de Mbour avec 69 102 voix contre 68 413 pour Benno.

À Thiès, la tête de liste départementale de Yewwi, Birame Soulèye Diop, a fait régner sa loi devant plusieurs ténors de la coalition Benno Bokk Yaakaar. Idrissa Seck, Président du Conseil économique, social et environnemental, Yankhoba Diattara, Ministre de l’Économie numérique, Abdou Mbow, 1er vice-président de l’ex-Assemblée nationale, etc., n’ont rien pu faire face à la déferlante Yewwi.

Les mêmes déceptions dans le camp du pouvoir concernent d’autres leaders comme à Saint-Louis. Le maire et non moins ministre des Infrastructures, des Transports terrestres et du Désenclavement est tombé de haut, après avoir gagné les élections locales de janvier dernier. Mansour Faye a perdu devant Abba Mbaye et l’apport de Déthié Fall. Que dire du département de Mbacké où la coalition au pouvoir a subi sa plus grosse défaite après Dakar ?

Abdoulaye Sow fait gagner BBY à Kaffrine, Mimi Touré perd et gagne

D’autres responsables ont malgré tout tenu leur rang au sein de la mouvance présidentielle. C’est le cas d’Abdoulaye Saydou Sow, Ministre de l'Urbanisme, du Logement et de l'Hygiène publique, à Kaffrine. Le maire a remporté haut la main les élections (voir ci-contre). Dans le département de Kaolack, malgré sa défaite dans son bureau de vote, la tête de liste nationale a gagné. Après avoir mené une campagne électorale remarquable, Aminata Touré a confirmé en remportant tous les sièges de la région.

À Podor, Benno a obtenu son deuxième plus beau score (après Dakar) avec 91 653 voix. La tête de liste départementale Abdoulaye Daouda Diallo s’est même félicitée d’un pourcentage de victoire de 87,25 %, soit le meilleur des 46 départements du Sénégal. Aux côtés de Cheikh Oumar Hann et d’Aïssata Tall Sall, le ministre des Finances et du Budget a tenu son rang. Idem pour l’ancien ministre de l’Intérieur Aly Ngouille Ndiaye qui a gagné Linguère.

Ainsi, BBY a déroulé à Matam, Kanel et au Fouta en général.  

Maintenant que les élections législatives ont livré leur verdict, en attendant les résultats définitifs, se pose la question de la réaction du président de la République.  Le 10 décembre 2021, l’Assemblée nationale a adopté le projet de loi rétablissant le poste de Premier ministre. Supprimé depuis la réélection de Macky Sall en 2019, le retour d’un numéro un du gouvernement a déjà été acté. Il devait avoir lieu après les élections locales du 21 janvier 2022, mais les résultats ont contraint le chef de l’État à attendre la vérité des élections législatives. Qui sera le prochain PM ?

Quel Premier ministre ?

Plus de huit mois après, l’heure de vérité a sonné. La poussée historique de l’opposition et la perte d’une majorité absolue à l’Assemblée nationale risquent de rendre plus complexe le choix d’un Premier ministre. Aminata Touré sera-t-elle reconduite ? Ni elle ni Abdoulaye Diouf Sarr lors des élections locales n’ont pu conquérir la capitale sénégalaise qui se refuse toujours à Macky Sall. À qui Macky Sall fera-t-il confiance pour s’occuper des affaires courantes, lorsqu’il sera occupé à ‘’régler celles de toute l’Afrique ?’’. Des voix s’élèvent déjà pour proposer un personnage apolitique, faisant l’unanimité. Un membre de la société civile ? Un  Premier ministre issu de l’opposition ? Macky Sall sanctionnera-t-il les grands perdants des élections ? Autant de questions qui se posent.

Si une chose est sûre,  c’est que le flou autour du troisième mandat de Macky Sall joue contre lui. Slogan de campagne de l’opposition, il leur permet de le traiter de tous les noms d’oiseaux, sans que ses partisans puissent se défendre sur ce point. Plus que la formation d’un nouveau gouvernement, plus que l’acquisition d’une majorité à l’Assemblée nationale, un choix assumé, dès à présent, pourrait être la meilleure posture pour le président sur la question du troisième mandat. Car, quelles que soient ses intentions, il aura au moins le temps de s’expliquer, d’ici 2024.

Lamine Diouf

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