Publié le 5 Aug 2022 - 14:53
ÉPIDÉMIE DE VARIOLE DU SINGE

Une urgence de santé publique aux Etats-Unis

 

Plus de 6 600 cas sont recensés jeudi dans le pays. Les experts craignent que le chiffre réel ne soit cependant bien supérieur.

 

La décision doit permettre de débloquer des fonds, de faciliter la collecte de données et de déployer davantage d’effectifs pour lutter contre la maladie. Les Etats-Unis ont déclaré, jeudi 4 août, l’épidémie de variole du singe urgence de santé publique.

« Nous sommes prêts à monter d’un cran notre réponse au virus et nous appelons tous les Américains à prendre la variole du singe au sérieux et à faire le nécessaire pour nous aider à lutter contre le virus », a demandé le ministre de la santé américain, Xavier Becerra.

La déclaration, en vigueur pour quatre-vingt-dix jours, renouvelable, survient au moment où le nombre de cas recensés aux Etats-Unis est supérieure jeudi à 6 600 – dont environ un quart se trouvent dans le seul Etat de New York. Les experts craignent que le chiffre réel ne soit cependant bien supérieur en raison de symptômes parfois très discrets, comme de simples lésions.

Quelque 1,6 million de personnes à risque

L’Etat fédéral a fourni environ 600 000 doses du vaccin, commercialisé sous le nom de Jynneos en Amérique du Nord, d’Imvanex en Europe et initialement développé pour la variole. Ce nombre reste cependant bien loin des quelque 1,6 million de personnes considérées à haut risque dans le pays.

Le ministère de la santé avait affirmé la semaine dernière que 99 % des cas recensés aux Etats-Unis concernaient des hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes. Cette population est la cible prioritaire pour la vaccination.

A l’inverse de précédentes vagues en Afrique, cette nouvelle épidémie de variole du singe se propage surtout par relation sexuelle, mais les autorités sanitaires américaines, les CDC, expliquent que d’autres voies sont possibles, en particulier le partage d’un lit, d’habits et des contacts prolongés en face-à-face.

L’Organisation mondiale de la Santé avait déclenché à la fin de juillet son plus haut niveau d’alerte afin de renforcer la lutte contre la variole du singe. Jeudi, l’agence américaine des médicaments, la FDA, a dit étudier la possibilité d’autoriser des soignants à administrer cinq doses de vaccin à partir d’une seule en modifiant la façon dont il est injecté.

Les premiers symptômes de la variole du singe sont une forte fièvre, un gonflement des ganglions lymphatiques et une éruption cutanée semblable à celle de la varicelle.

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Variole du singe : pourquoi les hommes gays et bisexuels sont-ils da​vantage touchés ?

Santé publique France a recensé 1 567 malades dans le pays depuis mai, et 3 % d’entre eux ont dû être hospitalisés. Aucune mort n’a été enregistrée en Europe, mais la maladie progresse.

La variole du singe (monkeypox en anglais) n’a provoqué aucun décès en Europe, mais la maladie gagne du terrain. Avec près de 17 000 cas dans le monde, le directeur général de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), Tedros Adhanom Ghebreyesus, a déclenché le plus haut niveau d’alerte pour la variole du singe, le 23 juillet.

Santé publique France (SPF) a recensé 1 567 malades dans le pays depuis mai ; 3 % d’entre eux ont dû être hospitalisés. Cette épidémie se différencie des vagues observées jusque-là dans une dizaine de pays africainsnotamment par le profil des patients : les cas sont quasi exclusivement des hommes et la plupart d’entre eux ont eu des relations sexuelles avec d’autres hommes – personnes dites « HSH ». Images montrant des exemples d’éruption cutanée causée par la variole du singe et collectés dans des Centres de contrôle et de prévention des maladies au Royaume-Uni. 

Pourquoi les HSH sont-ils surreprésentés parmi les malades ? Il faut d’abord garder en tête que les chiffres de SPF sont nécessairement incomplets. Le dépistage est balbutiant et est rendu complexe par le fait que les symptômes sont non spécifiques. « Ce virus se comporte comme un grand imitateur de l’herpès ou de la syphilis. On peut donc facilement passer à côté du diagnostic », souligne Benjamin Davido, infectiologue à l’hôpital Raymond-Poincaré, à Garches (Hauts-de-Seine). En plus des symptômes habituellement rapportés dans les zones d’endémie, certains patients souffrent d’atteintes nouvelles telles que l’angine ou la rectite (inflammation de la muqueuse rectale).

« Toute personne ayant un contact physique étroit avec une autre personne qui a contracté la variole du singe est à risque, quelle que soit son orientation sexuelle », souligne Yannick Simonin

La variole du singe se transmet par contact direct, notamment par les muqueuses et les lésions cutanées ou par contact avec des surfaces ou des objets contaminés. Elle peut également se transmettre par des gouttelettes respiratoires, à courte distance et lors d’une exposition face à face prolongée. « Toute personne ayant un contact physique étroit avec une autre personne qui a contracté la variole du singe est à risque, quelle que soit son orientation sexuelle », souligne Yannick Simonin, maître de conférences à l’université de Montpellier et spécialiste des virus émergents, qui appelle à « faire attention à ne pas stigmatiser la communauté homosexuelle » : « La variole du singe ne concerne pas que cette communauté, même si les cas y sont surreprésentés actuellement. »

Indépendamment de l’orientation sexuelle, le facteur de propagation principal reste la multiplicité des partenaires sexuels : 74 % des cas renseignés déclarent avoir eu plus de deux partenaires sexuels dans les trois semaines avant l’apparition des symptômes. Parmi les cas investigués, 26 % sont séropositifs au VIH.

« Nous manquons d’informations complètes, mais les données confirment plutôt un événement d’introduction unique puis la propagation, notamment dans la communauté HSH, suite à des événements superpropagateurs », précise M. Simonin. Les foyers apparus en Espagne et en Belgique pourraient ainsi être à l’origine de la propagation très rapide du virus au sein de la communauté gay. Une centaine de cas positifs ont été détectés après la Gay Pride du Yumbo de Maspalomas, aux îles Canaries, alors qu’un autre foyer surgissait au même moment au festival Darklands, en Belgique, début mai. Pourtant, la variole du singe circulait déjà avant ces événements festifs. Si le patient zéro est inconnu, les autorités sanitaires espagnoles ont relevé des cas symptomatiques de la maladie à Madrid, dès le mois d’avril, rapporte El Pais.

La variole du singe est-elle une infection sexuellement transmissible ?

Au-delà du fort risque de contamination attribué aux contacts rapprochés, la communauté scientifique surveille de près l’évolution du virus en infection sexuellement transmissible (IST). Des études menées en Italie et en Allemagne ont mis en évidence la présence du virus dans le liquide séminal de certains malades, bien que les scientifiques n’aient pas établi son caractère infectieux. Les données de SPF mettent en avant un autre indice : 78 % des malades présentent une éruption génito-anale. Le virologue Yannick Simonin rappelle qu’« une IST est une maladie qui se transmet lors des rapports sexuels et qui n’implique pas forcément la présence de virus dans les sécrétions sexuelles ». Comme il l’explique, « l’hypothèse actuelle est que la transmission de ce virus lors des rapports sexuels s’effectue en grande partie au niveau des lésions des muqueuses, en particulier au niveau de la région anogénitale ».

Le vaccin, efficace à 85 %, représente l’unique moyen de prévenir la variole du singe pour le moment. Le port du préservatif à lui seul ne suffit pas, ce qui distingue entre autres la variole du singe des IST

Benjamin Davido ajoute : « Ces lésions sont contagieuses et infectantes. Il y a probablement eu des mutations du virus qui ont changé les chaînes de transmission. Il n’est donc pas exclu que ce virus devienne une IST. » Des affirmations teintées d’incertitudes pour le moment. Le séquençage du génome du virus, six fois plus long que celui du SARS-CoV-2, devrait permettre de confirmer une évolution des modes de transmission, comme indiqué dans cet article publié dans la revue Nature. Yannick Simonin pondère néanmoins : « Il est aussi très probable que ce mode de transmission ait été largement sous-estimé dans les zones où ce virus est endémique, et assez peu étudié. » La vaccination constitue l’élément-clé pour enrayer l’épidémie. Selon Benjamin Davido, « le protocole tester-tracer-isoler n’est pas adapté à cette épidémie. Nous sommes dans une période fatidique. J’appelle à finir la vaccination des personnes à risque d’ici la rentrée scolaire ». Le vaccin, efficace à 85 %, représente l’unique moyen de prévenir la variole du singe pour le moment. Le port du préservatif à lui seul ne suffit pas, ce qui distingue entre autres la variole du singe des IST.

Outre les cas contacts identifiés, la Haute Autorité de santé a étendu la vaccination préventive, le 11 juillet, aux HSH, aux personnes trans multipartenaires, aux travailleurs du sexe et aux professionnels exerçant dans les lieux de consommation sexuelle. Avec une vaccination contre la variole à l’arrêt depuis 1984 à la suite de l’éradication de la maladie, l’Etat a conservé des doses pour se prémunir d’une attaque bioterroriste. Bien que leur nombre soit classé secret-défense, la direction générale de la santé a débloqué 7 500 doses puis 5 000 doses à la mi-juillet. Sollicitée par Franceinfo, la DGS a annoncé que 30 000 doses ont déjà été sorties des stocks stratégiques, parmi lesquelles 20 000 se trouvent déjà sur le terrain.

Envie d’en savoir plus sur la vaccination ?

 « Elargir davantage la vaccination à l’heure actuelle ne me semble pas nécessaire, d’autant plus qu’on ne connaît pas le nombre de doses disponibles, donc la priorité c’est vraiment de vacciner les personnes à risque », estime le virologiste Yannick Simonin. Sur les réseaux sociaux, les témoignages se multiplient et les associations de lutte contre le sida, Aides et Act Up notamment, demandent une accélération de la campagne de vaccination.

A terme, le virus pourrait se transmettre de l’homme à l’animal et évoluer en une rétro-zoonose. « On pourrait générer une sorte de réservoir de ce virus en Europe qui le maintiendrait sur des périodes beaucoup plus longues et ferait de l’Europe une zone endémique », confirme M. Simonin, qui préconise aux personnes atteintes d’éviter les contacts avec les animaux de compagnie.

Le Monde avec AFP

 

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