Le calvaire des Sénégalais à Praia
Malgré les relations au beau fixe entre les peuples capverdiens et sénégalais, nos compatriotes font de plus en plus l’objet d’ostracisme et de toutes sortes d’humiliation au pays de Pedro Pires. Tous les jours, des Sénégalais qui foulent le tarmac de l’aéroport de Praia se font refouler.
Pendant que Dakar plébiscite un citoyen d’origine capverdienne, Praia continue de se fermer de plus en plus aux ressortissants sénégalais. Il ne se passe plus une semaine, pour ne pas dire un jour, sans que la compagnie Air Sénégal rentre avec, à son bord, des passagers qui avaient acheté un billet pour rejoindre cette ile située à une heure de Dakar. Les derniers en date, c’est Fatima Sané et sa cousine, refoulées lundi dernier, aux alentours de 20 h. Leur tort, c’est d’être sénégalaises.
La jeune dame, très en colère, fulmine : ‘’Nous étions trois Sénégalais dans le vol qui était presque vide. Le reste était des Blancs et environ trois Capverdiens. Après quelques vérifications, ils nous ont refusé l’entrée. Une fois dans l’avion, les hôtesses nous ont dit que tous les jours c’est comme ça. Il y a au moins trois Sénégalais qu’ils refoulent comme ça, sans motif valable.’’
Complétement abasourdies, les deux cousines ont tenté d’en savoir plus sur les motifs de ce refus. Dans un premier temps, l’agent leur signifie qu’ils n’ont pas assez d’argent pour rentrer sur le territoire. Ce qui ressemble, selon notre interlocutrice, à un argument fallacieux. Elle explique : ‘’Lors des vérifications, on leur a montré que nous avions 200 000 F. Je précise que nous ne devions passer qu’une journée pleine au Cap-Vert, soit deux nuitées. En plus de l’argent liquide, nous leur avons montré nos comptes bancaires pour justifier qu’on ne peut pas avoir des problèmes d’argent durant ce court séjour. Mais ils n’ont rien voulu comprendre… Ils nous ont bousculées, traitées comme des malpropres. Et pour pousser encore plus loin cette humiliation, l’un des agents, parlant à sa collègue, a prononcé ‘nègra’. Nous avons alors compris que les Capverdiens sont racistes. C’est inacceptable.’’
En fait, les victimes étaient parties juste pour découvrir le pays de José Maria Neves, un pays qu’elles ont beaucoup aimé et qui leur a souvent été conté comme un endroit où il fait bon vivre. Raison pour laquelle, venue pour ses vacances, la cousine de Fatima avait décidé d’y faire un tour. Grande fut alors leur surprise. Fatima : ‘’Nous n’aurions jamais pensé que nous allions vivre pareille chose au Cap-Vert. Entre les Sénégalais et les Capverdiens, nous n’avons jamais pensé qu’il peut y avoir pareilles choses. L’accueil dont on a été victime est vraiment indigne, humiliant, inadmissible. Et nous ne sommes ni les premiers ni les derniers. C’est dégoûtant. Il est temps que les autorités voient ce qui se passe.’’
Pour Fatima, si elle a tenu à partager son expérience, c’est surtout pour que les gens soient au courant et leur éviter de vivre les mêmes déconvenues. ‘’Si moi, je savais qu’ils allaient nous faire subir tout ça, je n’aurais jamais pensé y aller avec ma cousine’’, fulmine-t-elle.
Arrivées à Praia vers 20 h, elles devaient y passer la nuit du lundi, toute la journée du mardi, avant de rentrer le lendemain mercredi à 11 h 40. Elle se répète : ‘’Pour montrer le caractère absurde de cet ostracisme, en allant au Cap-Vert, le vol est quasi vide, juste trois Sénégalais. Au retour, le vol est plein, avec beaucoup de Capverdiens. Et ils entrent chez nous sans problème. Au nom de quoi ils nous refusent l’entrée dans leur territoire ?’’
Les services du ministère des Affaires étrangères promettent d’instruire le dossier
Malgré l’amertume, Mme Sané a tenu à lever les équivoques. Pour elle, il ne s’agit nullement de s’en prendre aux Capverdiens qui vivent au Sénégal. Lesquels sont des amis, des parents, des collègues. Elle affirme : ‘’Nous ne parlons pas des Capverdiens. On a des Capverdiens qui sont des membres de notre famille, des collègues d’origine capverdienne. Il y a des Capverdiens qui sont plus sénégalais que moi qui vous parle. On n’a donc aucun problème avec eux. On parle de la police capverdienne ou de certains de ses agents qui sont à l’aéroport et qui refoulent illégalement les Sénégalais tous les jours. C’est inadmissible.’’
Sur le site cap-vert.co, il est mentionné que les ressortissants des États membres de la CEDEAO n’ont pas besoin de visa pour entrer au Cap-Vert. Il suffit d’être en possession d’un document de voyage en cours de validité, comme le laissez-passer de la CEDEAO ou un passeport. C’est du moins ce que prévoient les textes, puisque le pays est membre de cette organisation.
Jointes par téléphone, des sources du ministère des Affaires étrangères promettent d’instruire le dossier et d’y revenir plus tard. ‘’Nous n’avons pas encore toutes les informations pour réagir sur cette question. Nous vous reviendrons ultérieurement’’, a soutenu notre interlocuteur.