Publié le 8 Apr 2023 - 13:11
DIALOGUE POLITIQUE

Macky, le maitre du jeu !

 

Alors que le président de la République préconise un dialogue ‘’dans le respect de l’État de droit et des institutions de la République’’, des acteurs de l’opposition et les non-alignés, eux, demandent des négociations sincères et dans la transparence. La société civile va, pour sa part, se prononcer dans les prochains jours. Quant à la position de Yewwi Askan Wi, elle demeure la grande inconnue, même si certains de ses responsables, comme Barthélemy Dias, ont eu à se déclarer favorables au dialogue.

 

À la faveur de la fête de l’indépendance, le président de  la République, Macky Sall, a lancé, le 3 avril, un appel au dialogue et aux concertations, pour ‘’bâtir l’héritage’’ aux générations futures. À en croire le chef de l’État, chaque Sénégalais doit en porter la responsabilité. ‘’Dès lors, il nous revient de puiser à la source des anciens la sagesse qui inspire le dialogue et la concertation, pour surmonter nos différences, afin de rester la nation sénégalaise qui nous rassemble et nous ressemble ; une nation de coexistence pacifique, où le sort de chacun dépend de celui de son prochain ; parce que nous sommes une seule et même famille. Dans cet esprit, je reste ouvert au dialogue et à la concertation, avec toutes les forces vives de la nation, dans le respect de l’État de droit et des institutions de la République, pour un Sénégal uni, un Sénégal de paix, de stabilité et de cohésion nationale’’, a-t-il insisté dans son dernier discours à la Nation.

À quelques mois de l’élection présidentielle de 2024, cet appel était attendu par beaucoup d’acteurs des sphères politiques comme de la société civile. Lesquels estiment qu’un dialogue s’avère indispensable pour la décrispation de l’espace politique, en vue d’aller vers des élections transparentes et apaisées.

Chez les acteurs de la société civile, l’heure est plus aux concertations en vue d’arrêter une position commune sur la question. ‘’Nous allons nous prononcer sur la question la semaine prochaine, de même que sur le travail à faire en perspective de la Présidentielle’’, rétorque Moundiaye Cissé, membre du comité de pilotage du Collectif des organisations de la société civile pour les élections (Cosce).

D’autres voix font remarquer que des initiatives sont en cours pour renouer avec les concertations politiques, mais ne sauraient en dire plus pour le moment.

Nafi Diallo (PDS) : ‘’Il ne doit pas y avoir d’entourloupe’’

Jointe par téléphone, la secrétaire nationale à la communication du Parti démocratique sénégalais, Nafi Diallo, n’a pas connaissance d’un quelconque contact pour aller dans ce sens. Toutefois, quand il s’agit de dialogue politique, fait-elle savoir, le PDS a une ligne bien claire. Elle affirme : ‘’Comme nous l’avons toujours dit, nous sommes pour un dialogue inclusif des partis politiques. Pour discuter des problèmes des politiques, des problèmes des élections dans l’intérêt supérieur de la nation. Maintenant, quand on doit discuter, il faut que l’on sache sur quoi on discute. Cela veut dire qu’il faut des termes de référence très clairs, que l’on s’entende aussi sur le cadre et sur la méthodologie. On ne se lève pas un jour pour dire qu’on va au dialogue.’’

Aussi, argue la voix du PDS, il faut que Macky Sall s’inspire de Diouf et de Wade qui n’enlevaient aucune virgule des points de consensus qui ressortaient des concertations. Elle insiste : ‘’Il faudrait qu’on s’accorde sur un minimum de principes. Au moins, qu’à la fin du dialogue, les conclusions seront totalement mises en œuvre. Cela ne sert à rien de retourner au dialogue si, à la fin, c’est le président qui choisit unilatéralement ce qu’il va retenir, alors que les gens perdent des jours ou des semaines à trouver des accords.’’

En fait, habituellement, le chef de l’État prend l’engagement de mettre en œuvre tous les points de consensus issus du dialogue. Seulement, constate Nafi pour le déplorer, c’est la façon de trouver les points de consensus qui est curieux. ‘’On prend les points sur lesquels tout le monde était d’accord avant même le dialogue. Sur les questions essentielles qui sont source de divergence, il n’y a pas d’avancée. Cela pose la problématique de la sincérité même du dialogue. Il ne doit pas y avoir d’entourloupe, si nous sommes tous sincères dans ce que nous faisons et dans ce que nous voulons, c’est-à-dire avoir des élections libres, démocratiques, transparentes et apaisées…’’

Déjà, la voix du PDS estime que son parti ne va pas tarder à se prononcer.

Chez les non-alignés, on attend plus d’initiatives et moins d’intentions de la part de l’Exécutif. Pour le coordinateur Déthié Faye, parler de sa disponibilité c’est insuffisant ; il faut des initiatives. ‘’C’est l’Exécutif seulement qui peut prendre l’initiative de concertations qui peuvent avoir des impacts sur le processus. L’initiative doit émaner du président de la République. C’est lui qui convie les acteurs à se mettre autour d’une table pour échanger et définir les termes de référence, c’est-à-dire quelles sont les préoccupations des différents acteurs et qui pourraient faire l’objet de discussions ? La pertinence du dialogue n’est, en tout cas, plus à démontrer. Cela pourrait permettre d’aller à des élections apaisées et à décrisper le climat politique actuel’’.

‘’Les questions politiques ne trouveront des réponses qu’à travers la politique’’

Depuis des mois, les forces vives n’ont eu de cesse de rappeler cette exigence de dialogue entre les différentes parties pour ramener la paix dans l’espace public. ‘’Parce que les questions politiques ne trouveront des réponses qu’à travers la politique. Malheureusement, nous n’avons pas été entendus. Mais avec le dernier discours du président, on espère que les lignes vont bouger et que des actes concrets seront posés’’, soutient le coordinateur du pôle des non-alignés.

Par ailleurs, les acteurs ne manquent pas de revenir sur les points qui sont restés en suspens depuis le dernier dialogue politique et dont la mise en œuvre aurait pu permettre d’éviter certains conflits. ‘’Parmi les recommandations fortes, rappelle M. Faye, il y avait la nécessité de prendre toutes les mesures nécessaires pour aller dans le sens de la décrispation politique. Dans ces mesures, il y avait la prise en compte de la préoccupation de l’interdiction de figurer sur les listes qui frappait certains acteurs politiques. Ne serait-ce que cette recommandation, si on l’avait mise en œuvre, cela aurait permis d’éviter beaucoup de problèmes’’.

Outre cette recommandation forte, il y avait un consensus en ce qui concerne la nécessité de mettre en place un permanent qui se chargerait de discuter du processus électoral, de la médiation et de la prévention des conflits politiques. ‘’Si le cadre existait aussi, cela aurait pu contribuer à éviter certains points de crispation’’, s’est-il désolé.

À l’occasion toujours des dernières concertations, les acteurs avaient convenu d’améliorer la loi sur le parrainage, revoir l’arrêté Ousmane Ngom, ainsi que la loi 81-17 du 6 mai 1981 relative aux partis politiques pour aller dans le sens de leur rationalisation. ‘’Le président de la République s’était engagé à mettre en œuvre tous les points de consensus. S’il y a un point qu’il n’a pas appliqué, c’est à lui de donner les raisons. Les acteurs avaient fait ce qu’ils avaient à faire’’.

Aujourd’hui, la grande inconnue par rapport à de futures négociations dans le cadre du dialogue politique, c’est la position de Yewwi Askan Wi et d’Ousmane Sonko, qui incarnent l’aile dure de l’opposition. Même si certaines voix comme Barthélemy Dias ont eu récemment à se dire favorables au dialogue, la coalition traine de lourdes divergences avec le régime du président Sall.

MOR AMAR

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