Publié le 4 Jul 2023 - 00:53
ÉMEUTES EN FRANCE ET AU SÉNÉGAL

Ressemblances et dissemblances !

 

Si les émeutes en France ressemblent, à bien des égards, à celles connues au Sénégal, il y a un mois par leur intensité, les profils de certains émeutiers (les enfants) ainsi que les moyens utilisés (les RS), leur perception par les Sénégalais diffèrent selon que l’on soit pro ou anti émeutiers, "pastefien" ou "apériste".
 
 
 
Les scènes rappellent à bien des égards celles vécues dans plusieurs localités du Sénégal au début du mois de juin dernier. Si à ce jour, une seule perte en vie humaine a été enregistrée en outre-mer pour ce qui concerne les émeutes en France, plus précisément en Guyane, le bilan matériel semble nettement plus important. 
 
Selon les derniers chiffres disponibles, on parle de 10 commissariats, 10 casernes de gendarmerie et 6 postes de police municipale attaqués ; 871 incendies sur la voie publique, 577 incendies de véhicules ; 48 policiers ou gendarmes blessés. 
 
Si au Sénégal les émeutes ont commencé à faiblir au bout des deux premières journées dans la plupart des localités, en France, elles ont commencé à baisser en intensité au bout de cinq jours, même si des actes ont encore été notés, hier, pour la sixième nuit consécutive. Ce, malgré une forte mobilisation des forces de défense et de sécurité, pas moins de 45 000 policiers et gendarmes sur l’étendue du territoire. 
 
Visiblement à la peine, deux grands syndicats regroupant les policiers n’ont pas manqué de cracher leur colère. Dans un communiqué intitulé ‘’Maintenant ça suffit’’, ils dénoncent : ‘’Face à ces hordes sauvages, demander le calme ne suffit plus. Il faut l’imposer. Rétablir l’ordre républicain et mettre les interpellés hors d’état de nuire doivent être les seuls signaux politiques à donner…’’
 
Selon les deux organisations qui en appellent à la solidarité de toute la famille police, l’heure n’est pas à l’action syndicale, mais à la lutte contre les nuisibles. ‘’Se soumettre, capituler et leur faire plaisir en déposant les armes ne sont pas les solutions au regard de la gravité de la situation. Tous les moyens doivent être mis en place pour réinstaurer au plus vite l’Etat de droit’’, menacent les flics, non sans assumer qu’ils sont en guerre. Des mots qui ont été remis en cause jusque dans les flancs des deux syndicats.
 
Chez les politiques, l’heure semble plus à l’unité contre les émeutiers. A l’exception de Jean-Luc Mélenchon à qui il est reproché de ne pas condamner de manière ferme ces actes de violence, presque tous les autres responsables de partis se sont positionnés contre les manifestations. Accusé de faire la promotion des émeutes en n’appelant pas au calme, le leader de La France insoumise se défend : ‘’Le calme, ça se construit’’, poste-t-il sur son compte Twitter. 
 
Selon lui, il faut remonter à la cause de ces violences pour y trouver des solutions pérennes. ‘’On ne peut pas avoir de calme sans justice. La première chose à dire, c’est qu’un enfant, un mineur a été tué. Sa mère n’a rien fait pour qu’on lui amène le cadavre de ce dernier. Depuis ce drame, les autorités n’ont rien fait qui permettent de dire qu’il y a une volonté de stopper… Nous, en tant qu’organisation politique, nous faisons des propositions. Connaissez-vous une autre organisation qui a fait une communication pour montrer que l’on a entendu et qu’on a compris ce qui se passe ? Pourquoi le jeune Nahel a-t-il été abattu ?’’, soutient-il dans LCI.
 
Clivage entre pro et anti émeutiers
 
De l’avis de Mélenchon, la question pour un homme politique, ce n’est pas d’appeler au calme, de se donner des postures, c’est plutôt d’essayer d’arriver au calme, de régler rationnellement les problèmes qui se posent. Raison pour laquelle son groupe parlementaire va faire une proposition dès aujourd’hui pour l’abrogation de la loi qui permet aux policiers de tirer en cas de refus d’obtempérer. Le leader politique n’a pas manqué de tirer à boulets rouges sur les syndicats de la Police qu’il accuse d’être proche de l’extrême droite. 
 
Pendant ce temps, il salue la posture des magistrats qui, eux, avaient fait un communiqué pour affirmer que ‘’ce n’est pas à la justice d’éteindre une révolte’’. 
 
Pour les magistrats, il faut surtout une prise en charge efficiente de la question systémique soulevée par les émeutes. Parmi ses propositions, il y a également l’abrogation de la disposition qui permet aux flics d’user de leurs armes en cas de refus d’obtempérer.
 
Tout cela n’a pas laissé indifférent les observateurs sénégalais. Et chaque camp y va de son commentaire. Chez les partisans des émeutes de juin, on met en exergue la violence des manifestations en France, sans que les FDS n’aient recours à la violence, ou à ôter la vie à des manifestants, sans que les autorités n’aient à parler de la présence de forces occultes. Chez les pourfendeurs des émeutiers, on raille surtout l’avocat français d’Ousmane Sonko, Juan Branco, en lui demandant de s’occuper d’abord du cas de son pays. ‘’Si le Sénégal devait aller à la CPI, ce serait bras dessus bras dessous avec la France. Là où on a fait pipi, la France a fait kaka. N’est-ce pas Juan ?’’, lance Abdul Burhan Dia sur sa page Facebook.
 
Pendant ce temps, Amadou Ba, responsable à Pastef, lui, a une toute autre idée de ce qui se passe dans l’ancienne puissance coloniale. Il y a deux jours, il postait : ‘’249 policiers et gendarmes blessés, malgré tout aucun manifestant tué par balle et zéro nervi avec armes de guerre dans les rues. On dirait qu’Allah a créé les émeutes en France pour anéantir les délires du Gouvernement et ses procureurs sur le terrorisme, l’insurrection et l’atteinte à la sureté de l’Etat.’’ Sur un autre post, il caricature : ‘’La France devrait recruter notre procureur pour criminaliser les émeutes en terrorisme, atteinte à la sureté de l’Etat et insurrection. Nous avons le même Code pénal pourtant.’’
 
Ainsi va la guerre des mots depuis l’éclatement des émeutes en France, le mardi dernier. Au-delà des états d’âme des différents états-majors, il y a pas mal de similitudes dans l’ampleur des émeutes et des différentes méthodes utilisées. Parmi ces similitudes, il y a surtout les réseaux sociaux et la présence massive des mineurs dans les manifestations. Si au Sénégal, le gouvernement a opté tout bonnement pour des restrictions, en France, il a surtout été question de saisir directement les gérants des plateformes pour censurer certains contenus. 
 
Comme quoi, chaque Etat lutte contre les RS avec les moyens à sa disposition.
 
MOR AMAR
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