Publié le 9 Dec 2023 - 00:59
Les Comptes de Almamy Bocar LA CHRONIQUE DU VÉTÉRAN

 Un continent aux enchères

 

Élections, première richesse du continent

Les imputations gravissimes du député de la  majorité, Makhtar Diop, à l’encontre d’Ousmane Sonko accusant ce dernier de collision et d’intelligence avec l’étranger, dans le but de déstabiliser le pays, ne me paraissent pas tomber au bon moment. Tout comme ses allégations relevant de la sécurité publique et de la défense nationale ne sont pas assumées par une autorité habilitée à s’occuper de ce genre d’affaire, amoindrissant, ainsi, une partie de sa teneur si terrible au demeurant.

Les choses qu’avance ce député paraissent si terrifiantes et énormes, surtout au vu des soubresauts insurrectionnels que le pays a vécus depuis 2021, pour que l’on attende une période préélectorale pour les faire porter par quelqu’un qui n’a aucune responsabilité dans la défense nationale ou dans la prise en charge de la souveraineté du pays. Et même à l’Assemblée nationale où il siège, il  n’y dirige ni commission encore moins celle de la défense. Le timing choisi et le message envoyé altèrent en partie ces faits qui nous concernent tous et qui, forcément, auront des conséquences sur le futur du pays avec l’exploitation prochaine de ressources gazières et pétrolières.

Notre confrère Madiambal Diagne peut plaire ou déplaire à certains dans sa posture de partisan ouvert et assumé de Macky Sall et défenseur frénétique de son régime, mais nul ne peut lui reprocher le fait qu’il soit devenu l’un des chroniqueurs les plus pertinents et l’un des journalistes les mieux informés sur les affaires publiques. Ainsi, est-il devenu un ‘’poil à gratter’’ pour certains tout acquis à un changement politique forcené ici et maintenant et à tout prix, car avec Me El Hadj Diouf et l’ex-Premier ministre Abdoul Mbaye, ils auront été parmi les rares à se dresser en défenseurs de la République, des institutions, de la cohésion nationale et de l’État, depuis que la guérilla urbaine est devenue le char d’assaut d’une certaine opposition dite radicale.

S’il est évident qu’aucun exercice professionnel aussi bien fait soit-il n’est jamais exempt d’insuffisance, de faiblesse, d’erreurs et quelquefois de manipulation, le patron du journal ‘’le Quotidien’’ a bien raison de dénoncer une certaine omerta (et même de non-confraternité) qui règne dans la presse nationale où la dénonciation des abus, des scandales, des dysfonctionnements et des fautes est à géométrie variable, selon que l’on soit pour ou contre le pouvoir en place.

La réalité veut, aussi, que l’on rappelle que ce travers de la presse n’est pas une nouveauté sous nos cieux, car le manque de fair-play, l’overdose de mesquinerie et de jalousie s’observe en abondance dans nos relations sociales, malgré notre propension à brandir la ‘’Soutoura’’ et la ‘’Masla’’ comme nos valeurs cardinales. Cette loi du silence sur certains dossiers sensibles ou scandales à dénoncer sévit depuis l’époque senghorienne, s’est poursuivie durant tout le règne de Diouf et s’est accentuée sous ceux de Wade et Macky Sall avec, en plus, une plus grande implication des professionnels de l’information dans l’engagement politique partisan. Seulement, ce que Madiambal reproche, confraternellement, à ses pairs, est valable pour tous les autres corps sociaux du pays et surtout dans la société dite civile et le monde des ONG qui font tous preuve d’une indignation sélective et toujours intéressée.

Dans notre pays, chacun est partisan. Et tout en étant partisan, refuse ce même droit à son semblable, si ce dernier a l’outrecuidance d’appartenir à une autre chapelle que lui ou d’être le ‘’Baye Fall’’ d’un leader qui s’oppose à celui que lui-même vénère. Cette intolérance se retrouve autant sur le champ religieux avec les confréries qui, tout en adorant le même Dieu et son Prophète, se regardent en chiens de faïence et profitent de n’importe quelle occasion pour s’éreinter plutôt que de converger vers ce qui les unit.

Dans le monde sportif et artistique, si la compétition et le box-office sont les seuls critères de désignation du champion ou de la star à la mode, ces vainqueurs sont, toujours, dénoncés par quelques esprits chagrins soutenant que le perdant ou le second est souvent plus magnifique que le vainqueur ou le champion. Des vicissitudes que des sportifs comme Mohamed Ndao ‘’Tyson’’, Yakhya Diop ‘’Yékini’’, Balla Gaye 2 et récemment Modou Lo ont vécu sans oublier que Youssou Ndour, qui trône à la tête du box-office, voit toujours des loosers lui opposer Baba Maal, Oumar Pène et autres comme étant plus talentueux que lui, malgré son succès planétaire.

Au Sénégal, c’est comme si on n’aimait pas les ‘’winners’’, car la réussite paraît déranger. Et donc, que l’on ne s’étonne pas que certains aiment ouvrir des parapluies pour se protéger des humeurs et des rumeurs d’une opinion publique si facile à chauffer à blanc contre quelqu’un de flamboyant ou de compétent ou affichant une réussite insolente dès que sa tête dépasse ou qu’il sort des rangs. Et des autorités étatiques jusqu’au plus haut sommet semblent succomber à ce terrorisme social les poussant à mettre sur le devant de la scène des seconds couteaux comme le député Makhtar Diop pour servir de paravent, et tout cela, rien que pour éviter la ‘’bronca’’ des supplétifs aux insultes qui sévissent sur le Net. Et là où le député Makhtar Diop a parlé, il me paraît que la parole du ministre de l’Intérieur ou de celui chargé de la défense nationale aurait eu plus de poids que celle d’un simple député qui, de plus, est, est de la majorité présidentielle. Et de mon point de vue, de la station où il se trouve, ce parlementaire aurait dû être à l’initiative de la mise sur pied d’une commission d’enquête parlementaire sur les faits qu’il dénonce et qui relèvent de la haute trahison.

Cette politique de terreur vocale a insufflé des stigmates profonds dans les rangs de la presse faisant de l’autocensure journalistique la première arme de défense contre les brigades de l’insulte. Tout le monde n’a pas la carapace aussi solide que l’iconoclaste chroniqueur Ibou Fall devenu le plus bel exemple d’esprit libre, indépendant et équidistant des coteries politiques pour supporter des injures et des calomnies.

 Néanmoins, au-delà de cette piqûre de rappel de Madiambal Diagne, il me paraît que deux autres faits tout aussi pernicieux sont à extirper et à dénoncer.

Le premier est cette nébuleuse des ONG et associations de défense de tout et de n’importe quoi qui, sous forme d’ONG, perçoivent toutes des subsides de l’étranger. Ces bons samaritains de l’action humanitaire ont vu le jour au lendemain des années 1960, avec la vague des indépendances des pays africains. Cette période dite de la Guerre froide avec l’existence de deux blocs Est-Ouest, a vu les multinationales occidentales et les agences de renseignement comme la CIA, la DGSE ou l’Intelligence Service et le KGB à travers des fondations, des associations caritatives investirent nos pays de prétendus chercheurs doctorants ou spécialistes de ceci ou de cela afin d’y collecter des données et des renseignements utiles à leurs industries ou à leurs positions diplomatiques beaucoup plus qu’à nos populations et qu’ils prétendent venir aider.

Il n’y a jamais eu de bon samaritain parmi tous ces Européens, Américains, Japonais venus sous nos cieux dispenser des cours d’éducation, d’agriculture, de nutrition, d’élevage ou de défense des peuplades opprimées ou de communautés menacées. Derrière eux, il y a toujours eu des projets politiques de déstabilisation d’un dirigeant nationaliste ou l’inverse, des tentatives d’imposer un pouvoir fantoche acquis à défendre les intérêts capitalistiques de multinationales.

Et fort souvent, les ONG, malgré l’altruisme qu’elles brandissent comme étendard, ne sont que des instruments utilisés judicieusement pour diviser les communautés d’un pays, fragiliser le pouvoir en place afin de restreindre ses marges de négociations devant les multinationales cherchant à faire main basse sur ses matières premières. Les émeutes urbaines, les guerres civiles et les coups  d’État sont les modes opératoires les plus utilisés avec assez souvent comme porte-voix des intellectuels ou des artistes grassement entretenus et flattés dans leur ego que l’on instrumentalise au gré des situations.

Présentement, des pays comme le Congo démocratique, la Centrafrique, le Sud Soudan et plus près de nous, la Sierra Leone et le Liberia vivent de pareilles affres.

Le deuxième étant qu’en Afrique, la politique et les élections sont devenues les pires fossoyeurs de l’émancipation et du développement. Un simple bilan de ce que les élections ont apporté à notre continent depuis 1960, permet de faire la balance. Qu’il y ait eu continuité ou alternance, coup d’État, guerre civile, émeutes urbaines suivies de transition ou pas, le niveau de vie des populations n’a même pas pris les escaliers et encore moins l’ascenseur, contrairement à ceux qui ont exercé le pouvoir ainsi que les élites politiques de tout bord. Nul ne pouvant nier que sur notre continent l’action politique rapporte à tous ces acteurs, ceux du pouvoir comme ceux de l’opposition.

Cela est donc trop facile de pointer toujours l’index vers l’étranger comme responsable de nos malheurs.

Les Africains sont les principaux acteurs du désastre africain. Oui ! Si aujourd’hui, Sonko est accusé de recevoir l’argent des Qataris comme hier d’autres l’ont été avec les Français et les Américains sans en être inquiétés. Ceux qui étaient dans la rue à partir de mars 2021 qui ont jeté des cocktails Molotov, attaqué des édifices publics et privés, détruit des écoles publiques ne viennent pas, eux, de l’étranger, même si l’argent qui aurait permis cela, lui, vient de l’étranger.

Abdoulaye Bamba DIALLO

 

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