Publié le 20 Feb 2024 - 11:50
DIVISION DE L’OPPOSITION SUR LA PROCHAINE DATE DE LA PRÉSIDENTIELLE

Un front républicain en pleine décomposition

 

La division semble de plus en plus prononcée, entre le camp des 20 candidats et de la société civile qui réclament la tenue d’une date de la présidentielle avant le 2 avril, alors que les candidats recalés veulent une reprise de tout le processus électoral. Macky Sall, qui multiplie les consultations, est tenté par diverses options pour essayer de tenir une nouvelle date de l’élection présidentielle.

 

C’est une guerre larvée qui ne dit pas son nom. Dans les rangs de l’opposition, les candidats recalés et les candidats déclarés admissibles ne s’accordent plus sur le processus électoral. Pour les premiers nommés, les consultations entamées par le pouvoir doivent servir à fixer la prochaine date de la Présidentielle, alors que le Front démocratique pour des élections inclusives (FDPEI), qui regroupe des candidats recalés et d’entités politiques, la décision du Conseil constitutionnel marque un coup d’arrêt au processus électoral.

En outre, pour Mamadou Diop Decroix et ses camarades, le dialogue national doit permettre de baliser le terrain pour élaborer un nouveau processus, nonobstant le deadline de la fin du mandat de Macky Sall.

Cette fracture entre ces deux camps de l’opposition risque de fragiliser le front républicain contre le report qui s’était dessiné au lendemain du discours du chef de l’État. Surtout que les organisations de la société civile réunies autour du collectif Aar Sunu Élection (protéger notre élection, en français) qui proposent les dates des 3 et 10 mars pour être dans les clous des délais imposés par le Conseil constitutionnel.

‘’Le Conseil constitutionnel, en actant très clairement le report de l’élection du 25 février, acte en même temps la reprise intégrale du processus électoral. Cette reprise intégrale du processus, en termes clairs, postule que toutes les décisions prises concernant l’élection présidentielle du 25 février 2024 sont caduques. Ainsi, les candidats spoliés, les candidats validés, tout comme le candidat injustement écarté pour prétendue binationalité sont aujourd’hui tous logés à la même enseigne’’, d’après le texte liminaire du Front démocratique pour des élections inclusives (FDPEI) lu par Mayoro Faye, responsable du Parti démocratique sénégalais (PDS) avant-hier en conférence de presse.

Le docteur Moussa Diaw, professeur de sciences politiques à l'université Gaston Berger de Saint-Louis, n’est pas de cet avis. ‘’Ce qui est important, c'est que Macky Sall propose une date après les consultations qu'il veut mener avec la classe politique. Cela va apaiser le climat politique. On ne peut pas revenir sur le processus électoral’’, a déclaré l’universitaire.

Et pour le leader du Parti républicain pour le progrès (PRP), ‘’la position républicaine que nous avons et qui a été déclinée par quinze candidats, c'est de tout faire pour que cette élection, ainsi que la passation de pouvoir, puisse se faire avant le 2 avril du second mandat de Macky Sall’’, explique Déthié Fall, un des signataires de cet appel.

Démission de Macky Sall : un coup politique à double tranchant ?

Le président qui a débuté ses consultations avec les acteurs politiques comme Thione Niang et Mamadou Lamine Diallo, leader du mouvement Tekki, doit les poursuivre aujourd’hui. Il devrait ensuite prendre sa décision sur la date de la Présidentielle.

Chez certains cercles proches du pouvoir, l’idée de reprendre le processus serait le meilleur moyen de remettre Karim Wade dans le jeu.

Ainsi, le candidat de Benno pourrait bénéficier d’un report de voix du PDS au nom de la nouvelle alliance BBY-PDS, en cas de second tour. Mais cette démarche ne pourra se réaliser qu’après la démission du chef de l’État, laissant la place au président de l’Assemblée nationale qui aura plus de 90 jours pour organiser le scrutin. Une perspective de plus en plus évoquée dans le camp présidentiel pour rebattre les cartes au sein de la majorité et permettre de retrouver une nouvelle dynamique.

Pourtant, l’analyste politique Mamadou Sy Albert est d’un autre avis. Pour lui, cette option pourrait au contraire entraîner le pays dans une vraie crise. ‘’Personnellement, je ne vois pas (Macky Sall) démissionner et remettre les clefs au président de l’Assemblée, d’autant plus que Macky Sall veut toujours rester maître du jeu. Son but, maintenant, sera de trouver un large consensus pour essayer de désavouer le Conseil constitutionnel qui lui a réclamé une date consensuelle avant le 2 avril’’, a-t-il déclaré.

La logique du dialogue dans la perspective de la fin du mandat

Pour plusieurs observateurs, le président de la République qui, à travers le processus d’apaisement avec l’ex-parti Pastef, pourrait aussi tenter de jouer la montre en poursuivant la libération des prisonniers politiques. Les médiateurs Alioune Tine et l’architecte Pierre Goudiaby Atépa sont à l’œuvre pour tenter d’arrondir les angles entre le régime et l’ex-parti Pastef. Des élargissements qui doivent servir de base à une large amnistie de détenus politiques. Ces intermédiaires travaillaient sur le projet d’amnistie générale pour les émeutes de mars 2021 et de juin 2023 qui ouvrirait la voie à une possible libération d’Ousmane Sonko, de Bassirou Diomaye Faye et des autres prisonniers dits politiques. L’idée d’une loi d’amnistie qui avait été avalisée par le Secrétariat exécutif national de l’Alliance pour la République (APR), mercredi dernier. Un dégel qui avait même poussé l’ancien patron de la Raddho a un brin d’optimisme en annonçant : ‘’Ousmane Sonko va être libéré dans les prochains jours’’.

 Néanmoins, pour Mamadou Sy Albert, le président Macky Sall ne doit pas trop jouer avec les délais, car le Conseil constitutionnel pourrait reprendre la main s’il constate que l’Exécutif tarde à mettre en œuvre l’organisation du scrutin. ‘’Si les sept sages constatent, au-delà du 10 mars, que le gouvernement n’est pas dans les dispositions d’organiser le scrutin à date échue, il peut indiquer une nouvelle date pour le scrutin. En outre, si Macky Sall venait aussi à chercher à se maintenir au-delà du 2 avril, il devrait faire face au Conseil constitutionnel qui s’est clairement prononcé contre le principe de la prolongation de tout mandat présidentiel’’, affirme Mamadou Sy Albert.

Mamadou Makhfouse NGOM

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