Diomaye, ambassadeur de la réconciliation
Lors de sa visite au Mali et au Burkina Faso, le président sénégalais Bassirou Diomaye Faye a entrepris une mission diplomatique cruciale visant à renforcer les liens avec les membres de l'Alliance des États du Sahel (AES) tout en explorant des voies de réconciliation avec la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO). Sa crédibilité et son approche panafricaniste sont perçues comme des atouts majeurs dans ce contexte politique complexe.
Après le Mali, le président sénégalais Bassirou Diomaye Faye s’est rendu, le jeudi 30 mai 2024 dans l'après-midi, au Burkina Faso, poursuivant ainsi son voyage dans l’espace de l’Alliance des États du Sahel (AES) qui inclut également le Niger. Ces trois pays avaient annoncé, en janvier, leur sortie de la CEDEAO, accusant cette dernière de dépendance excessive envers la France et de manque de soutien contre le djihadisme.
À l'issue de ses discussions avec les dirigeants putschistes Assimi Goïta du Mali et Ibrahim Traoré du Burkina Faso, Bassirou Diomaye Faye, investi en avril, a exprimé son optimisme quant à une réconciliation possible entre la CEDEAO et les trois pays du Sahel.
Au Mali et devant le président de la transition Assimi Goïta, le chef de l’État sénégalais a souligné que le Sénégal partage avec le Mali une histoire unique depuis l’indépendance, incluant la période de la Fédération du Mali. Ensuite, il a une fois de plus tendu la main aux autorités maliennes pour retourner dans le giron de la CEDEAO. Répondant à une question de la presse malienne, il a déclaré : ''Nous faisons face à des défis communs, notamment dans les domaines de la sécurité et des ressources en eau. Ces questions cruciales nécessitent une coopération renforcée entre nos deux nations pour trouver des solutions durables et bénéfiques pour nos populations respectives. La situation actuelle avec la CEDEAO est regrettable. Lors de mes échanges avec le colonel Assimi Goïta, j’ai pu comprendre que bien que la position malienne soit rigide, elle n’est pas totalement inflexible. Nous devons continuer à travailler avec toutes les parties prenantes et ne pas nous décourager dans notre quête de solutions pour renforcer l’intégration régionale.''
Ce faisant, le chef de l’État sénégalais n'a pas manqué de relever les blocages au sein de cette instance sous-régionale qui ont conduit aux incompréhensions avec États de l'AES. ''Il est impératif de corriger les erreurs que nous avons constatées dans notre coopération multilatérale, notamment au sein des instances régionales et sous-régionales. Ces erreurs ont conduit à la situation regrettable que nous vivons actuellement. Cependant, nous ne pouvons pas nous résigner à voir un outil d’intégration aussi formidable dans sa conception et dans les résultats qu’il a produits se détériorer’’.
Ainsi, malgré les critiques, le président Faye a relevé le bilan positif de la CEDEAO, précisant que cela ne doit pas être rangé dans les tiroirs aux oubliettes. ‘’La CEDEAO, malgré ses défis actuels, reste un outil précieux pour l’intégration régionale. Il est essentiel que nous trouvions des moyens de surmonter les obstacles et de renforcer cette institution pour le bien de nos peuples. Il s’agit de travailler ensemble, de dialoguer et de comprendre les positions de chacun pour bâtir un avenir commun’’.
Pour terminer, il a salué ‘’la résilience du peuple malien face aux difficultés liées aux sanctions’’. Une résilience, dit-il, source d’inspiration et qui démontre la force et la détermination du Mali à surmonter les défis.
En effet, les analystes jugent le président sénégalais crédible, car il partage les idéaux de panafricanisme et de souverainisme prônés par ces régimes militaires, bien qu'il ait été élu démocratiquement.
En outre, ces visites ont aussi un objectif économique concret. Le Sénégal partage une longue frontière avec le Mali et entretient avec lui des relations commerciales importantes, notamment via le port de Dakar. Il y a aussi la fête de la Tabaski qui approche, nécessitant des arrangements pour l'importation de moutons de ce pays. Le Sénégal, premier partenaire économique de Bamako, est également engagé dans des projets comme la restauration du chemin de fer Dakar - Bamako.
La sécurisation de cette frontière Sud-Est est aussi cruciale pour Dakar, afin d'éviter les infiltrations de groupes djihadistes.
Au Burkina Faso, le président Bassirou Diomaye Faye a exprimé des sentiments similaires, après ses échanges avec Ibrahim Traoré, indiquant que malgré des positions figées, il existe des opportunités pour un dialogue constructif.
Ainsi, sur le plan géopolitique, cette tentative de rapprochement avec les juntes de Guinée, du Mali, du Burkina Faso et du Niger peut permettre au Sénégal d’éviter d’être isolé du reste de la communauté de la CEDEAO, si les putschistes décident de faire sécession.
Cette tournée marque la 10e visite de Faye dans un pays africain depuis son investiture, témoignant de l'importance qu'il accorde au renforcement du panafricanisme et à l'intégration sous-régionale.
Bien qu'il ait assuré ne pas être un médiateur officiel de la CEDEAO, son rôle dans la résolution de la crise entre l'AES et la CEDEAO est encouragé par des dirigeants comme Nana Akufo-Addo du Ghana. La crise politique au Togo et les tensions entre le Niger et le Bénin semblent laisser le champ libre au président Diomaye Faye pour mener à bien sa mission de médiation entre la CEDEAO et l’AES.
Le président sénégalais continue de défendre la démocratie et l'intégration régionale, deux éléments essentiels pour l'avenir de l'Afrique de l'Ouest, en cette période de transformations majeures. Un moyen pour le président Faye de marquer une rupture avec les pouvoirs précédents au Sénégal avant de se rendre en France le 20 juin prochain pour aller à la rencontre d’Emmanuel Macron.
Amadou Camara Gueye