Le président Emmanuel Macron annonce la dissolution de l'Assemblée nationale
À l'issue du scrutin des élections européennes qui donnent en tête le Rassemblement national avec 31,5 % selon l'institut de sondage Ipsos, loin devant le score du camp présidentiel, Emmanuel Macron a annoncé, à la surprise générale, la dissolution l'Assemblée nationale ce 9 juin 2024.
Le président français Emmanuel Macron a annoncé dimanche soir la dissolution de l'Assemblée nationale et l'organisation de nouvelles élections législatives, après la victoire aux européennes de l'extrême droite française, loin devant le camp de la majorité présidentielle.
« Je signerai dans quelques instants le décret de convocation des élections législatives qui se tiendront le 30 juin pour le premier tour et le 7 juillet pour le second », a déclaré le chef de l'État dans une allocution télévisée après l'annonce des résultats aux européennes, dont l'issue « n'est pas un bon résultat pour les partis qui défendent l'Europe ».
Lors de son allocution, le président a rappelé qu'il a toujours « considéré qu'une Europe unie, forte, indépendante est bonne pour la France, c'est une situation à laquelle [il ne peut se] résoudre. La montée des nationalistes, des démagogues, est un danger pour [la Nation], mais aussi pour [l'Europe], pour la place de la France en Europe et dans le monde. »
Il a ajouté : « L'extrême droite, c'est à la fois l'appauvrissement des Français et le déclassement de notre pays. Je ne saurai donc, à l'issue de cette journée, faire comme si de rien n'était. À cette situation s'ajoute une fièvre qui s'est emparée ces dernières années du débat public et parlementaire dans notre pays. Un désordre qui, je le sais, vous inquiète, parfois vous choque et auquel je n'entends rien céder », a martelé Emmanuel Macron.
Annonce inattendue
Tous les signaux qu'on avait avant le scrutin d'aujourd'hui, de la part de l'entourage du président de la République, allaient plutôt dans le sens que des élections européennes ne nécessitent pas forcément, même si le score n'est pas bon pour la majorité, de faire des modifications, des changements, de le prendre en compte. Et le président lui-même avait dit, « je verrai bien », ne donnant pas l'impression qu'il allait faire des grands chambardements, rappelle Valérie Gas, cheffe du service politique de RFI.
Et puis en effet, c'est tombé. D'abord l'annonce d'une prise de parole du chef de l'État qui était inattendue. Et d'ailleurs, c'est inédit qu'un président de la République s'exprime au soir des élections européennes de cette manière. Donc, il y a eu un premier choc, et puis ensuite la rumeur de l'annonce d'une dissolution.
Cette annonce est bien tombée alors que c’est ce qu'avait demandé le Rassemblement national. Jordan Bardella l'avait encore redit. Il voulait pousser le président, mais c'était un peu comme un défi dont on disait qu'il ne le relèverait pas. Emmanuel Macron prend le Rassemblement national au mot et prend les Français à témoin. Il ne veut pas rester dans une situation où le Rassemblement national et les autres forces d'extrême droite représentent 40 % des voix et 40% des électeurs dans le pays. Et donc il veut repasser par le suffrage universel, par le peuple, et il fait confiance au peuple pour faire le bon choix. Cette fois-là donc, Emmanuel Macron tente le tout pour le tout.
Le Rassemblement national se dit prêt « à redresser le pays »
Les réactions suite à l’annonce de la dissolution de l’Assemblée nationale par le président ne se sont pas fait attendre. Marine Le Pen, députée du Rassemblement national, salue « cette décision qui s'inscrit dans la logique des institutions de la Ve République ». « Nous sommes prêts à redresser le pays, prêt à défendre la France », a-t-elle ajouté.
Réaction de Marine le Pen, après l'annonce de la dissolution de l'Assemblée nationale par Emmanuel Macron
La dissolution de l'Assemblée nationale a été « exigée par Jordan Bardella » et « restera une tache sur le quinquennat d'Emmanuel Macron, une de plus », estime le chef de file de la liste PS-Place publique Raphaël Glusckmann sur TF1. « La majorité présidentielle et le président de la République lui-même se sont avérés complètement incapables - et la décision de ce soir vient encore de le montrer - de faire face à leur responsabilité historique », selon Raphaël Glucksmann pour lequel « ce jeu-là est extrêmement dangereux ».
Raphaël Glucksmann: «Le Rassemblement national fixe le tempo»
François Bayrou, le président du Modem, a quant à lui salué une « prise de risque » d’Emmanuel Macron qui a pris la « décision courageuse » de dissoudre l’Assemblée nationale pour « sortir le pays du marasme », après la victoire du RN aux élections européennes. « Le président de la République prend ses responsabilités. Ça n’arrive pas souvent dans l’histoire de notre pays. Il prend ses responsabilités et il dit aux Français : je vous donne le choix pour l’avenir », a estimé le chef de l’un des partis de la majorité.
Jean-Luc Mélenchon, fondateur de La France insoumise, déclare que son parti « ne craint pas le peuple ». « Puisqu'il y a une élection, [c'est l'occasion] de réaffirmer très haut et très fort, que quand on est insoumis et insoumises, on ne craint pas le peuple. C'est le contraire », a-t-il ajouté devant les militants de son parti à Paris.
Six dissolutions sous la Vᵉ République Prérogative présidentielle dans la Constitution de 1958, la dissolution de l'Assemblée nationale, annoncée dimanche par Emmanuel Macron, est la sixième sous la Vᵉ République et ne s'est présentée que huit fois en plus de cent ans.
Le 9 octobre 1962, le général de Gaulle dissout l'Assemblée à la suite de l'adoption d'une motion de censure à l'initiative des socialistes, du MRP et des Indépendants, opposés à une révision constitutionnelle visant à instaurer l'élection du président de la République au suffrage universel direct. Les gaullistes sortent renforcés des élections de novembre 1962, qui permettent au président de constituer une véritable majorité autour de lui. Le 30 mai 1968, Charles de Gaulle dissout à nouveau l'Assemblée élue un an plus tôt au terme de la longue crise sociale - les « événements » de Mai 68 - qui a ébranlé le pouvoir. Les élections de juin se soldent par un raz de marée de droite, les gaullistes obtenant à eux seuls la majorité absolue.
Au lendemain de son investiture présidentielle, le socialiste François Mitterrand dissout, le 22 mai 1981, l'Assemblée nationale élue en mars 1978 où la droite disposait de la majorité absolue. Les socialistes obtiennent la majorité absolue au terme des élections de juin. Réélu en 1988, M. Mitterrand dissout le 14 mai l'Assemblée élue en mars 1986, où la droite détenait la majorité absolue. Les élections qui suivent ne donnent cette fois qu'une majorité relative aux socialistes.
« La dissolution n'a jamais été faite pour la convenance du président, mais pour trancher une crise politique », déclare encore Jacques Chirac en 1996. Mais à partir de mars 1997, quelques voix s'élèvent à droite, en particulier celle du secrétaire général de l'Élysée Dominique de Villepin, pour réclamer des législatives avant l'échéance normale de mars 1998. L'aggravation de la situation économique, alors prévue à tort par de nombreux experts, est leur principal argument : autant organiser des élections avant que les choses n'empirent. Le 21 avril, le chef de l'État annonce qu'il dissout l'Assemblée, arguant que la France a besoin « dès maintenant » d'un « nouvel élan ». La gauche se lance dans la campagne autour du nouveau concept de « gauche plurielle », regroupant PS, PCF, radicaux de gauche, Verts et Mouvement des citoyens. Au second tour, elle obtient en juin une majorité de 319 sièges, ouvrant la voie à une cohabitation jusqu'en 2002, la plus longue de la Vᵉ République. |
RFI.FR