Les constats et recommandations du Pr. Daouda Ndiaye
Pour lutter contre les maladies liées aux animaux, dont le mpox, le professeur Daouda Ndiaye révèle les précautions à prendre. D’autant que les systèmes sanitaires dans le continent, notamment au Sénégal, ne sont pas assez robustes et que les plans de réponse demandent beaucoup d'argent.
Ce mercredi, l’Association des journalistes sénégalais en santé, population et développement (AJSPD) a invité le professeur Daouda Ndiaye, parasitologue et président du Centre international de recherche appliquée et de formation en géomatique appliquée et de surveillance sanitaire (Cigass), qui s’est prononcé sur les agents pathogènes qui circulent en Afrique et qui sont à l'origine de pandémies ou d'anthropozoonoses.
Concernant le mpox, il a expliqué que c’est la variole simienne, nommée ainsi en référence au singe, et qui est en réalité une zoonose. ‘’Cette maladie est animale, mais par la force des choses, elle est devenue une zoo-anthroponose. Une zoo-anthroponose, parce qu'il s'agit d'une maladie animale qui a été transmise à l'homme. Nous avons eu la Covid-19, pour laquelle les animaux ont également été incriminés ainsi que le H5N1, qui a été prédominant en Europe, notamment en France. Il y a eu également la grippe porcine, isolée pour la première fois au Mexique, H1N1. D'autres virus circulent également. Nous avons récemment observé des cas de chikungunya au Sénégal et en Afrique. Sans oublier Ebola, qui a fait des ravages un peu partout en Afrique. D'autres virus constituent également un problème aujourd'hui...", prévient le Pr. Ndiaye. Il précise qu'il existe de nombreux virus avec lesquels l’être humain doit vivre.
Sur le plan des parasites, il y a également une maladie ancienne, mais toujours d'actualité, responsable de nombreux décès en Afrique subsaharienne : le paludisme, qui est une parasitose.
Le Pr. Ndiaye d’ajouter : ‘’De nombreux pathogènes ont circulé à travers le monde, mais malheureusement, nous devons vivre avec ces pathogènes de façon endémique, mais aussi sous forme d'épidémies, comme c'est le cas du mpox. Beaucoup de choses se passent aujourd'hui. Vous comprenez avec moi que nos vies ont évolué et que notre proximité avec les animaux a beaucoup changé. C'est tout l'enjeu, car l'homme et l'animal vivent dans le même environnement. Nous avons été très proches, mais maintenant, nous le sommes encore plus. Il y a une histoire démographique qui fait qu'aujourd'hui, l'homme s'est souvent rapproché des zones forestières, réservées autrefois uniquement aux animaux. Cela entraîne un contact étroit entre l'homme et l'animal.’’
Au Sénégal, il donne l’exemple de Singa où ce contact entre l'animal et l'homme saute immédiatement aux yeux. ‘’L'homme utilise désormais l'espace réservé à l'animal. Il y a également d'autres éléments, notamment les migrations. Nous voyons aujourd'hui que le monde bouge, ce qui favorise le partage de pathogènes, qu'il s'agisse de bactéries, de virus, de parasites ou de champignons. C'est ce que nous constatons, surtout avec l'avènement du réchauffement climatique qui entraîne la disparition de nombreux lacs", souligne le parasitologue.
En effet, ce dernier explique que les animaux sont contraints de sortir de leurs réserves pour chercher de la nourriture et de l'eau, souvent à proximité des humains. Malheureusement, ce contact étroit favorise l'émergence de pandémies de manière cyclique. ‘’Bien que nous ne le souhaitions pas, il faut, selon lui, nous préparer, car le contexte géographique présente des zones d'instabilité, comme entre la RDC et le Rwanda, où de nombreux conflits rendent difficile le contrôle des mouvements de populations’’.
"Au Sénégal ou ailleurs, les gens travaillent sur des plans de réponse, car nous n'attendons pas la maladie"
Pour lutter contre ces pathologies, il est nécessaire d'élaborer des plans de réponses efficaces et rapides, en ciblant les zones où les personnes sont les plus exposées, en mettant en place des outils de diagnostic performants et des systèmes de santé capables de prendre en charge les malades graves.
Le parasitologue prévient : ‘’Si l'écosystème est modifié, entraînant des changements dans la population, il y aura un déficit sur le plan des soins. Tout cela est lié au fait que nous vivons dans un monde en évolution, mais aussi aux réalités sociopolitiques de nos pays, qui rendent difficile l'anticipation de nombreux événements. Rien ne peut être figé dans la prise en charge sanitaire ou dans la lutte contre les maladies, car il y a toujours des imprévus.’’
Toutefois, indique le Pr. Daouda Ndiaye, des réseaux ont été mis en place par l'Organisation mondiale de la santé (OMS), notamment avec le Règlement sanitaire international, qui oblige les pays confrontés à des maladies internationales à déclarer la maladie en urgence et le plus rapidement possible, afin que les autres pays puissent élaborer des plans de réponse.
‘’Aujourd'hui, au Sénégal ou ailleurs, les gens travaillent sur ces plans, car nous n'attendons pas la maladie. Il faut anticiper son arrivée, car, comme je l'ai dit, lorsque la maladie arrive, il est souvent trop tard. Il faut s'organiser pour que non seulement la maladie n'arrive pas, mais que, si elle arrive, nous puissions la contrôler et mettre en place un système permettant aux populations d'accéder à des soins appropriés. Tout cela est lié à des enjeux globaux, économiques, sanitaires, mais aussi écologiques qui expliquent l'émergence de maladies nouvelles et réémergentes", renseigne le Pr. Ndiaye.
Il ajoute : "Très souvent, nous observons l'apparition de nouveaux virus. Heureusement ou malheureusement, il s'agit souvent de virus ou de pathogènes qui ont déjà existé. Cependant, avec les modifications de l'écosystème et le fait que ces virus, présents chez l'animal, passent à l'homme, des mutants apparaissent. Ce sont ces mutants qui sont aujourd'hui à l'origine de nombreux problèmes, car les virus anciens que nous connaissions étaient généralement tolérés, même s'il existe toujours des groupes cibles vulnérables, comme dans le cas du monkeypox où l'on trouve des femmes enceintes, des nourrissons et des enfants ainsi que des personnes immunodéprimées, qui ont un système immunitaire moins efficace pour contrer ces pathogènes, notamment ceux vivant avec le VIH/sida. Ce contexte fait que des maladies qui étaient considérées comme anodines, passant naturellement chez l'homme, deviennent malheureusement graves ou potentiellement graves, car les cibles humaines sont diversifiées et ne sont pas les mêmes. Il y a également ce que l'on appelle les maladies réémergentes, dans le cadre de nombreuses pathologies et nous n'avons plus le choix".
"L'enjeu premier, c'est de faire en sorte que ces maladies puissent être arrêtées le plus rapidement possible"
Ainsi, selon le Pr. Ndiaye, il faut mettre en place des systèmes performants. ‘’C'est toute l'importance des perspectives, car pour contrôler une maladie, il faut la connaître. Pour cela, il est nécessaire de comprendre l'agent pathogène afin d'élaborer un excellent système de réponse. C'est pourquoi aujourd'hui, on parle de ‘One Health’, d'une seule santé, englobant la santé animale et la santé humaine. C'est la raison pour laquelle j'ai parlé de zoo-anthroponose et d'anthropozoonose, des maladies humaines que l'on trouve maintenant chez l'animal. Grâce à un système vétérinaire performant, nous pouvons, comme pour l'homme, mettre en place un système de diagnostic et de dépistage des animaux, comme cela se fait dans les pays développés’’.
Le parasitologue fait remarquer, en effet, que dans les pays développés, les gens se consultent régulièrement pour connaître leur état de santé et il en va de même pour les animaux. L'enjeu premier est donc de faire en sorte que ces maladies puissent être arrêtées le plus rapidement possible. Il martèle : ‘’Dès leur arrivée, il faut pouvoir les stopper, afin qu'elles ne se propagent pas à travers le pays. Malheureusement, si elles se propagent, le taux de mortalité est réel.’’
‘’Dans le cas du mpox, renseigne le Pr. Daouda Ndiaye, on évoque un taux de mortalité de 0,1 à 10 %. C'est une réalité. Même s'il y a des groupes cibles plus vulnérables, comme je l'ai mentionné, nous devons viser la performance, mais nos systèmes ne sont pas suffisamment robustes. Pour un plan de réponse, il faut beaucoup d'argent. Est-ce que nos pays ont prévu cet argent pour les plans de réponse ? Je ne le pense pas. Sans la contribution des bailleurs de fonds internationaux, il sera très difficile pour le Sénégal et d'autres pays de mettre en place un plan de réponse, car cela coûte de l'argent".
Il insiste qu'il faut des fonds suffisants, car pour des plans de réponse en santé performants, il faut des structures de santé adéquates et une formation continue régulière du personnel de santé ainsi que des communicateurs. Il est essentiel d'aller, souligne-t-il, vers les populations, de leur fournir des informations précises pour limiter la propagation de ces pathologies. "Dans le cas du mpox, il existe des vaccins. Je pense qu'il y a trois vaccins : M-V-A-B-N, le premier vaccin, le vaccin L-C-C-S, et le M-V MVA-BN. L'OMS vous dira que ces vaccins ne sont utilisés que pour des groupes sensibles et dans des situations très précises, pour les personnes vulnérables et exposées. L'utilisation de masse n'est pas indiquée, car cela coûte cher et ces vaccins ne sont pas suffisants au niveau mondial. C'est pourquoi la vaccination à grande échelle n'est pas recommandée dans ce cas. Ce qui est indiqué, c'est un système de prévention performant et c'est là que la communication entre en jeu. Pour qu'une personne puisse éviter une maladie, il faut qu'elle puisse identifier les symptômes de celle-ci. Il faut lui expliquer les modes de contamination. En partant de cela, si vous leur expliquez les modes de prévention et les mesures barrières, cela sera plus efficace", indique le Pr. Ndiaye.
CHEIKH THIAM