Pourquoi Moustapha Diop et pas Farba Ngom
Le paysage politique sénégalais est en constante évolution, où les alliances se tissent et se défont au gré des événements. Récemment, le président de l'Assemblée nationale, El Hadj Malick Ndiaye, a tendu la main à Moustapha Diop, ancien ministre et actuel maire de Louga, pour rejoindre les rangs de la mouvance présidentielle. Cet appel a immédiatement suscité des controverses, notamment en raison des antécédents politiques de Diop et des enjeux de loyauté au sein des partis.
Dans une déclaration qui a surpris plus d'un, El Malick Ndiaye a qualifié Moustapha Diop d’’’ami’’ et de ‘’compagnon de génération’’, l'invitant à rejoindre le camp du pouvoir. Cette invitation pourrait sembler anodine, mais elle s'inscrit dans un contexte politique tendu où chaque geste est scruté à la loupe. Les déclarations passées de Diop sur le parti Pastef et son leader Ousmane Sonko, lorsqu'il se trouvait dans l'opposition, reviennent dans les discussions et alimentent les critiques, notamment de la part des militants du parti Pastef.
Cette main tendue a été mal accueillie par une partie des ‘’pastéfiens’’ qui y voient une apologie de la transhumance politique - un terme péjoratif désignant les changements de camp pour des raisons opportunistes. Certains observateurs de l’actualité politique notent des divisions internes croissantes au sein de Pastef, exacerbées par des affaires récentes comme celle de Raki Kane et Aoua Bocar Ly qui avait déjà mis à mal l’unité du parti. Des responsables comme Fadilou Keita ou le député Amadou Ba ont tenté de tempérer les ardeurs, mais la tension demeure palpable. Il a fallu la sortie de Sonko pour remettre certains à leur place et éviter un mélimélo et une confusion de genre. En effet, certains militants sont même allés jusqu’à remettre en cause la première institution du pays, le président de la République.
Une toile à tisser dans le Djolof
Le président de l'Assemblée nationale, El Malick Ndiaye, est en pleine opération de charme et de consolidation de son influence dans le Djolof, un bastion politique qui a longtemps été dominé par Aly Ngouye Ndiaye, candidat malheureux à la dernière élection présidentielle et maire de Linguère. Ce dernier, qui a soutenu tacitement Ndiaye à la Présidentielle de mars 2024, représente un acteur clé de cette dynamique.
Peu après sa nomination, l’actuel chef du perchoir a reçu des félicitations retentissantes de la part de l’ancien ministre de l’Intérieur. ‘’En mon nom et au nom du Parti pour la souveraineté et le développement (PSD)-Njariñ, j'exprime mes chaleureuses félicitations à Monsieur El Malick Ndiaye, élu nouveau Président de l'Assemblée nationale du Sénégal’’, a-t-il déclaré.
Ce message souligne non seulement l’ascension de Ndiaye, mais aussi la confiance que lui accorde son parti, renforçant ainsi son ancrage dans son terroir natal.
Malgré une histoire militante distincte, les relations entre El Malick et Aly Ngouye sont restées cordiales, défiant les tensions souvent évoquées entre l'APR et Pastef. Dans un autre tournant politique, Habib Sy, une figure politique emblématique du Djolof, a rejoint les rangs de Pastef, offrant au porte-parole du Pastef un soutien authentique. Ce taciturne soutien ne fait qu’accroître les enjeux politiques dans la région.
Cependant, la carrière politique d’Habib Sy semble se diriger vers un déclin, en raison de son âge et de ses motivations.
Par ailleurs, pour beaucoup, l'ancien ministre des Transports a toujours été perçu comme étant sous l'influence de personnalités politiques comme Sonko et Diomaye.
El Malick Ndiaye, maintenant au sommet de la pyramide politique, ambitionne de bâtir une base politique solide. Les prémices d'une lutte politique intense post-Sonko se dessinent déjà et les tensions entre les partisans de Pastef et leurs adversaires sont palpables.
Avec cette évolution, le Djolof se trouve à la croisée des chemins et le fils de Linguère est bien déterminé à jouer un rôle décisif dans cette bataille politique à venir.
Les enjeux sont clairs : l'avenir du Djolof et de la politique sénégalaise s'écrit ici, entre alliances stratégiques et rivalités historiques, tandis qu'il veut s'affirmer comme un acteur incontournable de cette saga politique.
Les ombres du passé
En dépit des relations apparemment cordiales entre El Malick Ndiaye et Moustapha Diop, ce dernier n'est pas sans tache. En décembre 2022, la Cour des comptes a dénoncé des irrégularités dans la gestion financière du ministère qu’il dirigeait, concernant les fonds alloués à la lutte contre les effets de la Covid-19. Les chiffres avancés sont alarmants et mettent en lumière une gestion douteuse, avec des retraits répétitifs de fonds atteignant 4,8 milliards de francs CFA.
De plus, la gestion de la commune de Louga, entre 2015 et 2018, a suscité de vives critiques, la Cour des comptes reprochant à ce membre de l’APR un manque de transparence et une incapacité à gérer adéquatement les dotations allouées. Ces révélations pèsent lourd sur son image et renforcent les doutes quant à sa légitimité à rejoindre les camps du pouvoir qui prône probité morale et don de soi.
Ce que ne comprennent pas beaucoup de militants de Pastef, c'est la posture d'El Malick Ndiaye, qui se trouve à la tête de l'Assemblée nationale, alors que le bureau et la conférence des présidents se sont réunis dans l’après-midi d’hier pour discuter de la levée de l'immunité parlementaire de Farba Ngom.
Ce dernier est accusé de transactions financières douteuses s'élevant à 125 milliards de francs CFA et la décision semble imminente.
En effet, le ministre de la Justice, Ousmane Diagne, a saisi le président de l'Assemblée nationale, El Malick Ndiaye, par le biais d'une correspondance datée du vendredi 10 janvier. Cette démarche souligne l'importance et l'urgence de la situation. La commission ad hoc sera constituée le jeudi 16 janvier. Elle devra être composée de 11 membres.
Dans ce contexte, le Pastef s'inscrit dans une logique de reddition des comptes et de gestion vertueuse, une posture qui correspond aux promesses faites durant la campagne électorale. Les militants, qui ont placé leur confiance dans cette vision de transparence et d'intégrité, peinent à comprendre comment El Malick Ndiaye, désormais en position de pouvoir, peut maintenir une relation avec quelqu'un qui cumule autant de gaffes.
Les tensions et les interrogations grandissent parmi les membres de Pastef, qui s'attendent à ce que leur leader défende fermement les valeurs qu'ils ont toujours prônées, plutôt que d'apparaître comme un complice des dérives du passé. Cette situation pourrait bien être un tournant décisif pour le parti et son image dans l'opinion publique.
En outre, l’issue de cette affaire pourrait avoir des répercussions importantes, non seulement sur la carrière politique du député de Takku Wallu, mais aussi sur les rapports de force entre l’opposition et le gouvernement.
Cette situation pourrait bien être un tournant décisif pour le Pastef et son image dans l'opinion publique. L'issue de l'affaire Farba Ngom pourrait avoir des répercussions importantes, non seulement sur la carrière politique de ce dernier, mais aussi sur les rapports de force entre l'opposition et le gouvernement. Les militants de Pastef attendent de leur leader une fermeté dans la défense des valeurs qu'ils ont toujours prônées, plutôt qu'une apparente complicité avec les dérives du passé.