Publié le 29 Jan 2025 - 14:27
CRISE DE L’APPRENTISSAGE

L’Afrique cherche la panacée à Dakar

 

Dans un contexte de crise de l’apprentissage sur le continent africain, le Forum sur l’amélioration des apprentissages au primaire en Afrique a été ouvert, ce mardi, à Dakar. Avec trois jours de travaux, il devra aboutir à des mises en œuvre concrètes pour faire progresser l’éducation.

 

En moyenne, 23,5 % seulement des élèves africains atteignent le niveau 4 (seuil de compétence internationale attendu en lecture) au début du primaire, en 2019. Au Sénégal, cette proportion est de 29,5 %. Ainsi, une crise de l’apprentissage a été notée par les résultats des deux évaluations : Programme d’analyse des systèmes éducatifs (Pasec) 2014 et Pasec 2019. C’est dans ce contexte que Dakar accueille, depuis hier, le Forum sur l’amélioration des apprentissages au primaire en Afrique, organisé par la Conférence des ministres de l’Éducation des États et des  gouvernements de la Francophonie (Cofemen), en partenariat avec la fondation Gates.

Rappelons, d’abord, que la situation s’est aggravée avec la survenue de nombreuses crises économiques, sanitaires, sécuritaires et sociales, dont particulièrement la crise de la Covid-19, qui a conduit à la fermeture d’écoles dans de nombreux pays.

Cependant, Abdel Rahamane Baba Moussa renseigne que des sources d’optimisme et des exemples prometteurs de progrès sont observés dans la région. Il a cité le cas du Sénégal : “Des progrès significatifs ont été faits à petites échelles sur les apprentissages fondamentaux grâce à l’enseignement explicite et le bilinguisme, avec les langues nationales.” En Côte d’Ivoire et au Bénin, le même constat a été fait, grâce à des projets pilotes d’enseignement explicite.

Il ne reste plus que cinq ans avant l’échéance 2030 pour le bilan des objectifs de développement durable (ODD), dont l’ODD 4 qui est d’“assurer l’accès de tous à une éducation de qualité, sur un pied d’égalité, et promouvoir les possibilités d’apprentissage tout au long de la vie”.

Abdel Rahamane Baba Moussa, se basant sur les données des Nations Unies sur le suivi de l’ODD 4, souligne : “Sans mesures supplémentaires, seul un pays sur six atteindra la cible d’achèvement universel du cycle secondaire d’ici à 2030. D'après les mêmes données, environ 84 millions d’enfants et de jeunes ne seront toujours pas scolarisés, et environ 300 millions d’élèves, en majorité en Afrique subsaharienne, n’auront pas les compétences de base en calcul, lecture et écriture nécessaires pour réussir dans la vie.”

Appel à l’action

Ainsi, le présent forum, qui se poursuit jusqu’au 30 janvier, se veut donc un appel à l’action effective pour la prise de mesures supplémentaires aux niveaux mondial, continental, sous-régional et national. Son objectif est de créer une dynamique de partage autour de stratégies, de réformes, de politiques et de pratiques pédagogiques efficaces qui ont fait leurs preuves pour l’amélioration des apprentissages au primaire en Afrique. Il s’agit de partager les succès et les innovations pour l’amélioration des apprentissages fondamentaux en menant une action basée sur l’utilisation des données fondées sur des preuves. Ce forum devra également servir à créer une plateforme d’échanges entre les principales parties prenantes dans les pays et sur le continent africain.

Le ministre de l'Éducation nationale du Sénégal, Moustapha Mamba Guirassy, étant hors du pays, le ministre de la Fonction publique et de la Réforme du service public du Sénégal, Olivier Boucal, a marqué sa présence lors de la journée d’ouverture. “Au vu du centre d'intérêt de ce forum relatif à l'éclairage scientifique sur la didactique de deux disciplines fondamentales que sont la lecture et les mathématiques, sur le potentiel de renforcement des performances de nos systèmes éducatifs, la présente session constitue une réponse scientifique aux défis pédagogiques persistants auxquels nos pays font face,” a-t-il déclaré.

“Ce fort potentiel est parfaitement illustré par la qualité des experts qui animent le forum et la diversité des pays participants. D'ailleurs, l'évaluation groupée du Pasec 2019 a montré des lacunes dans la maîtrise de ces deux disciplines instrumentales qui, sans mesures correctives adéquates, risquent de compromettre nos chances de réaliser nos engagements dans le cadre de l'ODD 4,” a-t-il ajouté.

À cet effet, il soutient que le Sénégal s'inscrit “fortement”, à l'image des pays membres, dans cette dynamique de remédiation afin de renforcer la contribution des systèmes éducatifs à la formation de ressources humaines de qualité. À son avis, l’actuel gouvernement du Sénégal place l'éducation et la formation d'un capital humain de qualité, adapté aux exigences de la société actuelle et future, comme levier de réalisation de la vision d'un “Sénégal juste et prospère” à l'horizon 2050.

“De nombreux défis liés aux crises multiformes continuent d’affecter les systèmes éducatifs”

Pour sa part, la présidente en exercice de la Confemen, par ailleurs ministre de l’Éducation nationale de Côte d’Ivoire, Mariatou Koné, souligne que l’Afrique a la responsabilité d’éduquer et de former qualitativement ses enfants et sa jeunesse afin qu’ils puissent participer pleinement à son développement. “De nombreux défis liés aux crises multiformes continuent d’affecter les systèmes éducatifs dans plusieurs pays africains, notamment ceux relatifs à l’équité et à l’inclusion, à la qualité des apprentissages et à la pertinence en lien avec l’accompagnement des nouvelles générations en termes de valeurs, de savoirs et de compétences pour aborder la complexité du monde”, a-t-elle regretté.

Pour elle, ces défis auxquels l’éducation est confrontée doivent justifier la mobilisation de la Confemen en tant qu’espace d’échanges, mais également en tant qu’institution. Cette contribution de la Confemen aux politiques éducatives est structurée autour de ses deux programmes que sont : le Pasec, créé depuis 1991, et le Programme d’appui au changement et à la transformation de l’éducation (Pacte), qui vient d’être créé en 2022. Mariatou Koné rassure qu’au sortir de la réunion du comité de pilotage du Pasec tenue les 23 et 24 janvier 2025, “le troisième cycle de l’évaluation Pasec, dénommé Pasec 2024, se déroule bien”.

Elle annonce que le lancement de la grande collecte est acté et que les résultats de cette importante évaluation seront attendus au quatrième trimestre de l’année 2026.

Les recommandations

La Confemen a partagé les recommandations du rapport “Pleins feux sur les apprentissages fondamentaux en Afrique”. En premier lieu, elle note qu’il faut donner à tous les enfants la possibilité d'apprendre à lire, d'abord, dans une langue qu'ils comprennent. La deuxième recommandation est qu’il faut permettre à tous les enfants de disposer au minimum des conditions élémentaires pour pouvoir apprendre.

Ensuite, la Confemen souligne la nécessité de s’assurer que tous les enseignants emploient efficacement le temps de classe en leur proposant des formations et des guides pédagogiques. Quatrièmement, il faut redynamiser les mécanismes permettant aux pays de mettre en commun leur expérience sur les compétences de base en matière de lecture, d'écriture et de calcul.

“C’est pourquoi les réflexions de ce forum ont été articulées autour de ces recommandations afin que chaque pays, une fois de retour, puisse établir un programme clair et efficace pour améliorer les apprentissages, en proposant une vision pour le changement et la transformation de l’éducation, en travaillant en étroite collaboration avec les principaux acteurs, notamment les enseignants et les praticiens, et en faisant un usage plus performant des ressources financières qui seront mobilisées,” a soutenu Mariatou Koné.

BABACAR SY SEYE

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