Mouhamadou Lamine Laye à la tête de la communauté du Mahdy

Suite au rappel à Dieu de Mouhamadou Makhtar Thiaw Laye, survenu dans la nuit du mardi au mercredi, son ancien porte-parole, Mouhamadou Lamine Laye, est devenu le nouveau khalife général des layènes. Qui est le 7e khalife du Mahdy ?
C’est au mois d’août 2021 que Mouhamadou Makhtar Thiaw Laye a remplacé Chérif Abdoulahi Thiaw Laye en tant que khalife général des layènes. Quatre années après, il a été rappelé à Dieu. Son décès a eu lieu dans la nuit du mardi au mercredi.
Né vers 1950, Mouhamadou Makhtar Laye a presque grandi à l’ombre de son grand frère qu’il a succédé. À un moment donné, il vivait chez Abdoulahi Thiaw Laye.
Mouhamadou Makhtar Laye, affectueusement appelé ‘’Doudou’’, était un intellectuel et un ingénieur en informatique qui a fait ses études en France, bien qu'il n'ait jamais exercé dans ce domaine. Il avait ses bureaux, mais ne s'y est jamais installé. Bien que vivant reclus, rien ne lui échappait de l’actualité nationale, qu’il suivait à partir de son ordinateur portable.
Au-delà de sa maîtrise de l’islam, Serigne Mouhamadou Makhtar Laye était décrit comme un homme cultivé et très discret. L’expert en télécommunications et en informatique a longtemps travaillé en France et au Maroc, après avoir obtenu son bac au lycée Blaise Diagne.
‘’Né sous les auspices d'une lignée spirituelle illustre, Seydina Mouhammadou Makhtar Lahi (RTA) a incarné toute sa vie la synthèse parfaite entre l'érudition religieuse traditionnelle, acquise auprès des plus grands maîtres de la communauté, et la maîtrise des sciences modernes, avec un parcours académique couronné par un diplôme d'ingénieur en informatique. Il entreprit une retraite spirituelle de plus de trente ans, période de maturation et d'approfondissement mystique. Son accession au califat fut marquée par une continuité historique avec ses prédécesseurs, avec une approche équilibrée entre tradition et modernité. Il a su gérer avec sagesse les défis contemporains grâce à un leadership discret, mais efficace. Son Éminence laisse derrière lui un patrimoine spirituel inestimable à travers une communauté unie et fidèle à ses enseignements, avec une vision claire entièrement dédiée au service de la religion de l’islam’’, témoigne Assane Niang du comité scientifique de l’Appel des layènes.
‘’Que Diamalaye soit convoité comme La Mecque et Médine. Ceci est mon rêve’’
Le nouveau khalife a été pendant longtemps le porte-parole du défunt khalife. Il est le fils de Mame Babacar Lahi. Il devient le 7e khalife de cette confrérie fondée en 1884 par Seydina Limamou Laye, qui s’est proclamé Mahdi, l’envoyé attendu.
Le nouvel homme fort de Cambérène n’a pas eu la chance de passer beaucoup de temps avec son père Seydina Babacar, car il est parti rejoindre le Seigneur alors qu’il avait à peine 8 ans. Durant cette période, il était pensionnaire de l’école française. ‘’Son choix pour l’école française avait étonné plus d’un, car nous étions des fils de marabouts. Ceci était anormal aux yeux de certains. Sa réponse fut : ‘Toutes vos requêtes en matière de cultes seront satisfaites, le moment venu, par ces derniers’.’’
Son père Seydina Babacar surprenait beaucoup par son habileté à bonifier la tradition prophétique. Ainsi, il donna le nom de ses enfants au Prophète et aux membres de sa famille : Mouhamadoul Bachir, Mouhamadoul Amine, Mouhamadoul Makhtar, Aminatou Binetou Wahbine, Alimatou Sahdiya, Achiya, etc. ‘’Il vivait en parfaite harmonie les deux missions de Seydina Limamou Lahi (PSL). Rappelons que dans le préau de la mosquée, il avait loué les services de Serigne Mor Mbaye, un non-layène, pour enseigner le Saint Coran à ses enfants. Il était un homme de foi accompli qui ne badinait pas avec la tradition prophétique. Il organisait des nuits de Gamou animées par El Hadj Ibrahima Sakho, grand moukhadam tidjiane. Je me rappelle parfois, dès que je lui rapportais les commissions de Serigne Mor Mbaye en l’appelant ‘Baye Mor’, c’était l’hilarité générale. Il ne pouvait retenir son sourire. Je me disais peut-être que c’était mon accent cadior-cadior qui le faisait rire. C’est une période qui m’a beaucoup marqué sur lui, rien qu’en l’invoquant. Il nous avait habitués à des rencontres rares, comme s’il nous sevrait progressivement de son bref passage sur terre’’, raconte le nouveau khalife dans une interview qu’il avait accordée au comité scientifique de l’Appel des layènes.
Le khalife Mouhamadou Lamine Laye a été élevé par son oncle Mandione Diop, après le décès de son vénéré père. Il a, par la suite, fait un passage chez le regretté El Hadj Momar Marième Diop, Grand Serigne de Dakar, à Yeumbeul. Après son passage à Yeumbeul, il a migré vers le Maroc, une étape très difficile, entre 1982 et 1987. ‘’J’ai même appris le décès de notre vénéré khalife Baye Seydi Thiaw à travers un journal marocain de l’époque. Ce dernier a beaucoup contribué à notre vie. Il est de coutume de rappeler que c’est lui-même qui baptisa mon fils aîné Libasse et choisit le nom de baptême. D’ailleurs, c’était le khalife qui s’attribuait ce rôle. Beaucoup de choses ont changé dans ce domaine. J’ai rendu grâce à Dieu en apprenant que mon fils fut dénommé Libasse, car c’était mon souhait avant de voyager au Maroc’’, renseigne-t-il.
À la question de savoir quels sont ses plus grands rêves pour la communauté layène, sa réponse est claire : ’’Je nourris de belles ambitions pour la communauté. Que Diamalaye soit convoité comme La Mecque et Médine. Ceci est mon rêve. La mission de Seydina Limamou Al Mahdiyou est une mission de paix. Il a éduqué par l’anecdote du chapelet (NDLR : Seydina Limamou recommande à ses disciples de ne pas céder à la violence comme réponse à la provocation et de cultiver l’amour et l’entraide entre les croyants). Il faudra que nous cultivions la patience et l’endurance dans nos relations. J’ironise en disant que ‘l’homme a tout inventé sauf la paix’. Et d’attendre que la mort nous vienne pour se souhaiter ‘Repose en paix’. Autant créer cette paix qui est essentielle. Les fabricants d’armes auront toujours préféré des situations chaotiques. Il est temps de nous conscientiser’’, exhorte le nouveau patriarche de Cambérène.
Très attentif à la situation de la jeunesse, il multiplie les messages à son endroit. ‘’J’attends de vous une jeunesse saine qui se distinguera par les qualités louables d’un vrai layène. Ces qualités, que nous envient beaucoup de compatriotes, sont notre comportement, l’amour pour les actions pieuses et la solidarité mutuelle, comme nous les suggérait tout le temps notre grand frère et khalife Baye Seydi Thiaw. D’ailleurs, Seydina Limamou l’a bien recommandé dans ses illustres sermons. Ne réveillons pas les démons de la division. À la place de l’unité nationale, je suggère la réconciliation nationale. Ces fondamentaux doivent guider toutes nos actions qui mènent à une vie paisible. Nous devons vivre la religion au quotidien. Je ne terminerai pas sans appeler les talibés à davantage se conformer aux recommandations sur les questions liées aux cultes et à nourrir beaucoup d’égards pour la vénérée famille de Seydina Limamou Lahi PSL.’’
En outre, le nouveau khalife porte une très grande estime à Seydina Issa Rohou Lahi. Il s’est confié à ce propos : ‘’Il est important de rappeler, disait-il lors de l’interview citée supra, que c’est Seydina Issa qui assura l’éducation de ma propre mère, Mame Fatou Diop, et la considérait comme sa propre fille. Permettez-moi de convoquer une vision que j’ai eue durant ma tendre enfance. J’ai rêvé que mon père, Seydina Mame Babacar, me disait : ‘Vulgarise la mission de Seydina Issa comme ce dernier l’a fait pour le Vénéré Seydina Limamou.’ Ce n’est point un hasard si un soir d’un 25 décembre, Chérif Ousseynou me désigna pour l’introduire dans ses causeries. J’ai en mémoire le dernier ‘Niaane’ de Seydina Issa Rohou Lahi que j’ai eu l’insigne honneur de diriger en présence de Seydi Rane, qui m’exhorta d’ailleurs à les reprendre en main. Il me confia que Seydina Issa est une faveur que Dieu m’a réservée. Il m’arrive de pleurer dans mon intimité pour l’amour que j’éprouve envers mon père Seydina Issa’’.
Il convient de rappeler que lors de la dernière cérémonie officielle de l’Appel de Seydina Limamou Laye, à Yoff, Mamadou Lamine Laye Thiaw avait fait une sortie remarquée pour s’émouvoir du manque de soutien de l’État. S’adressant aux fidèles venus nombreux au Yoor-Yoor, le porte-parole déclarait : ‘’Croyez en vous ; nous le disons chaque année. C’est parce que vous croyez en vous qu’à chaque fois que l’événement approche, vous n’attendez personne. L’État ne nous a rien apporté. Cela n’a pas empêché la tenue de l’Appel. Quand Baye Laye a fait l’Appel, Dieu lui a demandé de ne compter que sur Lui.’’
Maintenant qu’il préside aux destinées de la communauté layène, ses prochaines interactions avec les tenants du nouveau régime feront l’objet d’une grande attention.
CHEIKH THIAM