Publié le 15 Oct 2025 - 09:32
SITUATION FINANCES PUBLIQUES

Les limites de la solution endogène

 

Face au rejet des marchés internationaux, le Sénégal se contente du marché régional qui ne permet pas de régler la dette essentiellement libellée en monnaie étrangère.

 

Le Sénégal a mobilisé 450 milliards de francs CFA sur le marché régional. Le gouvernement et ses soutiens s’en réjouissent. Les plus téméraires n’ont pas manqué d’établir un parallèle avec la dégradation de la note du pays par l’agence de notation Moody’s. Pour eux, cela sonne comme un désaveu et montre que le Sénégal résiste bien aux contraintes imposées par les institutions internationales, comme le FMI et les agences de notation. Il faut toutefois noter que ces recours récurrents des gouvernements au marché sous-régional ne font pas que des heureux. Il y a quelques jours, lors du Forum international sur l’investissement, le président de la Commission de l’Uemoa, Abdoulaye Diop, mettait en garde contre le recours excessif des États à ce marché. “Si, au niveau des États, nous menons des politiques de surveillance multilatérale et de convergence budgétaire, l’objectif fondamental, c’est d’arriver à maîtriser les déficits budgétaires, à avoir des finances publiques saines et, en conséquence, à réduire le recours aux financements sur le marché financier sous-régional”, expliquait le président de la Commission.

L’alerte de l’Uemoa sur le recours excessif au marché sous-régional

De l’avis de M. Diop, cela est capital pour éviter le phénomène d’éviction. “Quand l’État réduit son recours au marché financier sous-régional grâce à des politiques de finances publiques saines, cela libère plus de ressources pour le secteur privé, pour les entreprises. Cela évite le phénomène d’éviction sous deux aspects”, met-il en garde.

Ce phénomène, analyse Monsieur Diop, peut être quantitatif ou lié aux taux. En effet, quand l’État emprunte sur le marché, c’est autant d’argent en moins pour les entreprises. L’éviction peut aussi se produire par les taux : avec le recours accru de l’État au marché, la liquidité diminue, entraînant une hausse possible des taux d’intérêt, ce qui réduit la rentabilité des entreprises, soutenait le spécialiste devant un parterre d’investisseurs au Centre international Abdou Diouf de Diamniadio.  Mais pour l’heure, le Sénégal ne semble pas disposer d’alternatives pour couvrir ses besoins de financement, estimés à plus de 5 700 milliards de francs CFA, dont 1 695 milliards au titre du déficit budgétaire et plus de 3 300 milliards pour l’amortissement de la dette. C’est d’ailleurs, en grande partie, à cause de ce poids important de la dette que la plupart des agences de notation ont dégradé la note du Sénégal. La dernière en date est celle de l’Agence Moody’s qui continue de défrayer la chronique.

Dans un communiqué, Moody’s informe que les risques sur la trajectoire de la dette et sur la liquidité publique se sont renforcés depuis sa précédente notation en début d’année. À en croire l’agence, le pays pourrait bel et bien être confronté à une difficulté d’honorer ses engagements. Une évaluation contestée par le gouvernement sénégalais.

La dette et le CFA : ces goulots qui étranglent le Sénégal

Malgré ces dénégations, ils sont nombreux les spécialistes à douter de la capacité du Sénégal à faire face à cette dette de plus de 119% du PIB. Interpellé en marge du sommet pré-G20 organisé récemment par l’International Development Economics Associates (IDEAs) à Johannesburg, le macroéconomiste Ali Zafar déclarait à propos de cette dette :

“Je pense que la dette du Sénégal est insoutenable, parce qu’une bonne partie est libellée en monnaie étrangère. La stratégie, pour moi, c’est de dialoguer avec les bailleurs de fonds. Le Sénégal a besoin d’une annulation partielle de sa dette ou, à défaut, négocier un allongement des délais.”

Parallèlement à cette démarche, l’économiste estime que le Sénégal doit aussi chercher des sources alternatives de financement. En plus de la mobilisation des ressources domestiques et de l’endettement sur le marché régional, il préconise la diversification des bailleurs et des partenaires.

Mais, à l’en croire, le principal problème pour des pays comme le Sénégal reste la monnaie : “Le système CFA est un véritable problème pour le Sénégal et les autres pays. Avec le franc CFA, il y a beaucoup de flux financiers illicites, parce qu’il n’y a pas de contrôle du capital. Une réforme est indispensable, si les pays veulent sortir de ces crises cycliques. Vous avez une monnaie qui taxe les exportations et qui subventionne les importations. C’est un vrai problème pour le développement des pays de cette zones”, souligne le spécialiste.

L’équation de la dette en monnaie étrangère

Dans une contribution publiée il y a quelques semaines par EnQuete Dr Ndongo Samba Sylla et Mahamadou Lamine Sagna alertaient aussi sur les perspectives difficiles des finances publiques sénégalaises. “L’annonce de ces « dettes cachées » a conduit à des dégradations successives de la note souveraine du Sénégal qui ont compromis pour le moment l’accès du gouvernement aux marchés internationaux des capitaux et rendu les créanciers multilatéraux plus frileux”, soulignaient les experts.

Pour eux, les financements pouvant être obtenus sur le marché financier de l’Uemoa ne règlent pas totalement le problème, car ils “ont généralement des échéances courtes, sont relativement onéreux et ne permettent en principe de rembourser que la dette en monnaie franc CFA (un peu moins de 30 % de la dette totale du gouvernement selon le dernier document  de programmation budgétaire et économique pluriannuelle).”

De l’avis de Sylla et Sagna, “le Sénégal n’a pas la capacité objective de rembourser les dettes dues, notamment celles en monnaies étrangères, sans porter un coup fatal à son développement économique et au bien-être chancelant des populations.”

MOR AMAR

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