Les grands ‘’battus’’ de la République
Le raz de marée de la coalition Yewwi Askan Wi dans la région de Dakar et d’autres localités du pays, n’aura pas épargné une dizaine de ministres qui ont vu leur volonté de consolider leur assise politique s'évaporer le temps d’un long dimanche électoral. Ainsi, Abdoulaye Diouf Sarr (Santé), Amadou Hott (Économie), Assome Diatta (Commerce), Yankhoba Diattara (Télécommunications) et Oumar Guèye (Collectivités territoriales) ont tous subi la dynamique de Yewwi Askan Wi. Des défaites qui pèseront lourd dans la nouvelle reconfiguration de la prochaine équipe gouvernementale qui doit être mise en place dans les prochaines semaines.
C’est une onde de choc qui risque de secouer toute la République. Au moins une dizaine de ministres sont descendus dans l'arène politique pour acquérir ou conforter une légitimité populaire à la base.
Ainsi, Abdoulaye Diouf Sarr (Santé), Amadou Hott (Économie), Assome Diatta (Commerce), Yankhoba Diattara (Télécommunications) et Oumar Guèye (Collectivités territoriales) ont tous subi la dynamique de Yewwi Askan Wi qui a submergé la ville de Dakar, Yeumbeul Sud, Keur Massar Rufisque et Thiès. D’autres membres du gouvernement, Abdou Karim Fofana, Mame Mbaye Niang (ministre-chef de cabinet du président), Zahra Iyane Thiam, Ismaïla Madior Fall (ministre d’État), Pape Amadou Ndiaye ont échoué dans leur tentative de légitimation de leur poste.
Ces ministres de la République soumis au révélateur de la représentativité politique se sont heurtés à l’hostilité d’une grande partie de l'électorat. Des électeurs opérant un certain dégagisme qui prend les allures de vote-sanction contre le régime de Macky Sall. Des revers qui risquent d’impacter la nouvelle configuration du prochain gouvernement chargé de conduire les destinées de la majorité lors des prochaines Législatives. Personne n’a oublié la jurisprudence Mimi Touré. Sa défaite, lors des Locales de 2014, a précipité sa chute quelques mois plus tard au profit de Mahammad Boun Abdallah Dionne. Benoit Sambou, Cheikh Bamba Dièye ont aussi vu le couperet tomber après leur défaite en 2014.
Macky Sall, qui ambitionne d'élargir au maximum sa base électorale, n'éprouve aucun remords à écarter tout ministre dépourvu de toute légitimité politique à la base. D’autant plus que le nouveau Premier ministre et son gouvernement auront pour mission de redonner des couleurs à la majorité bien sonnée par les coups de boutoir de Yewwi Askan Wi.
Abdoulaye Diouf Sarr, le mal-aimé des Dakarois
D’une architecture classique, l’Hôtel de ville de Dakar se refuse à l’ancien ministre des Collectivités territoriales. Le champion de la majorité qui devait mettre fin à la mainmise des “khalifistes” sur le fauteuil de maire de Dakar, n’aura pas tenu longtemps. Si son coup de Trafalgar pour les élections du Haut conseil des collectivités territoriales en 2016, dans le but de bousculer la majorité à la mairie de Dakar, l’avait propulsé comme un des leaders de l’Alliance pour la République dans la capitale, sa défaite dans son fief contre un ‘’néophyte’’ de la vie politique, Issa Laye Samb (Yaw) fait tache au sein de la majorité désarçonnée. Si ses principaux lieutenants, Moussa Sy (Parcelles), Cheikh Bakhoum (Grand-Yoff), Banda Diop (Patte d’Oie) ont aussi connu d’importants revers, l’ancien maire de Yoff devrait porter la responsabilité de cette déroute dans sa commune et pour la ville. Le maire sortant de Yoff, qui n’a pas pu bénéficier d’un fort soutien de la base ‘’apériste’’ de la capitale (NDLR : présence de la liste dissidente Sénégal 2035) voit ainsi s’assombrir son avenir, à l’heure des tractions pour une possible guerre de succession à Macky Sall. Son bilan salué dans la lutte contre la pandémie de la Covid-19 ne devrait pas peser lourd face à la volonté de la base ‘’apériste’’ de renouveler le personnel politique en place.
Amadou Hott, l’ascension brisée du technocrate
Les résultats provisoires dans la commune de Yeumbeul Sud ne laissent aucun doute sur la victoire de Yaw. Amadou Hott, technocrate qui a voulu franchir le Rubicon et asseoir son assise politique, s’est violemment heurté au mur de la réalité locale. L’absence de réseaux locaux, de relais à la base, ainsi que le parachutage dans une sociologie politique particulière en banlieue (luttes des tendances, clientélisme) ont semblé condamner d’avance le candidat de Benno Bokk Yaakaar. Sans surprise, l’ancien banquier d'affaires à subi la loi du maire sortant Bara Gaye (Yaw). Une situation qui semble aussi mettre une croix sur ses rêves de Premier ministre. Le ministre de l’Économie, du Plan et de la Coopération a longtemps figuré sur le short-list de Premiers ministrables en vue du remaniement gouvernemental qui se profile à l’horizon. Son profil de technocrate étant fortement apprécié par certains cercles du ‘’Macky’’ qui voudraient faire avancer un certain nombre de réformes structurantes avant la date fatidique de la Présidentielle de 2024.
Oumar Guèye, un porte-parole désormais sans attache
Oumar Guèye, Ministre des Collectivités territoriales, de la Décentralisation et de l’Aménagement du territoire, a-t-il subi le contrecoup du découpage administratif du département de Rufisque ? Tel Dr Frankenstein victime de sa propre créature, Oumar Guèye est accusé par ses détracteurs d’avoir phagocyté les localités de Keur Ndiaye Lô, Kounoune, Keur Daouda Sarr, entre autres pour les rattacher à la commune de Sangalkam. Cette décision a soulevé l’ire des populations qui réclament la communalisation de cette partie de Rufisque et, dans cette optique, elles ont décidé de le déboulonner, en portant leur choix sur Pape Sow (Yewwi Askan Wi).
Par ailleurs, le changement démographique (plus urbain) dans la commune de Sangalkam, avec l'érection de nombreuses cités, a aussi concouru à la défaite d’Oumar Guèye. Cette défaite peut sonner le glas de la domination politique de l’ancien président de la Communauté rurale de Sangalkam dans cette partie de Rufisque. Cette situation risque aussi d’affaiblir la position de l’ancien ministre de la Pêche dans la sphère politique de la majorité, à l’heure des grandes recompositions de la majorité présidentielle. Une situation qui ne doit pas empêcher le couperet de tomber sur l’ancien responsable de Rewmi dont la place au gouvernement est plus que jamais incertaine.
Assome Diatta, un revers si ‘’cher’’
Le nouveau découpage territorial, avec l’érection de Keur Massar en département (2021), devait permettre de renforcer l’ancrage de la majorité présidentielle dans la banlieue. En première ligne dans ce combat, Assome Diatta, Ministre du Commerce, des Petites et moyennes entreprises qui n’a pas résisté au raz de marée de Yaw dans le département de Keur Massar. En lice pour le poste de maire de Keur Massar Nord, elle a subi la loi d’Adama Sarr (Yewwi Askan Wi). Ses détracteurs lui reprochent d’avoir abandonné son électorat de Bignona, préférant ne pas s'opposer à Ousmane Sonko pour se réfugier à Keur Massar. Un parachutage qui passe mal auprès des responsables de la majorité dans la commune et d’une grande partie des populations de sa commune.
Par ailleurs, la hausse des prix de denrées de première nécessité et l’image d’inaction du gouvernement face à la demande sociale déteignent fortement sur son ministère. Une position inconfortable, dans la mesure où la non-prise en compte de la demande sociale peut expliquer la déroute de BBY.
Ainsi, la volonté de repartir avec une nouvelle dynamique devrait pousser le président Macky Sall à se séparer de l’ancienne directrice du Commerce extérieur lors du prochain remaniement gouvernemental.
Yankhoba Diattara, l’invalidation du ‘’Mbouro ak Soow’’
Le ministre de l'Economie numérique et des Télécommunications, Yankhoba Diattara, a vu ses rêves de revenir au poste de premier magistrat de la ville de Thiès s'évaporer le temps d’un long dimanche électoral (23 janvier). En effet, le spectre du vote-sanction contre la nouvelle alliance ‘’Mbouro ak Soow’’ a scellé le sort de l’ancien premier adjoint de la mairie de Thiès (2009-2014) face au Dr Babacar Diop, leader de FDS/Les guelwaars et candidat de Yaw pour la ville de Thiès. Yankhoba Diattara, qui a rejoint l’attelage gouvernemental en novembre 2020, voit aussi s’obscurcir son avenir dans le gouvernement de Macky Sall. Les réticences d’une partie de l'électorat ‘’apériste’’, la conjoncture économique et la pandémie ont aussi accentué ce sentiment d'échec de la liste de BBY conduite par Yankhoba Diattara. Les Thiessois, dans leur grande majorité, ont décidé d’invalider la sainte alliance Rewmi-APR.
Cette défaite risque, par ailleurs, de pousser Macky Sall à mettre fin à l'expérience de la majorité élargie (UCS, Rewmi, PLD/Suxali Sénégal...) pour enfin se concentrer sur un noyau dur constitué de l’APR et de ses alliés traditionnels. Pour beaucoup d’observateurs, un probable départ de Yankhoba Diattara signifierait aussi la fin de l’idylle entre Macky Sall et Idrissa Seck qui n’aura duré que le temps des cerises.
Makhfouz NGOM