Publié le 11 Sep 2023 - 16:19
ÉMIGRATION CLANDESTINE

Loupe sur les causes profondes du phénomène

 

L'émigration clandestine par voie maritime a refait surface au Sénégal, ces derniers mois. Mais qu'en est-il des causes directes et du retour accentué du phénomène ? ‘’EnQuête’’ a exploité un document produit par un groupe d'universitaires pour essayer de répondre à cette interrogation. 

 

Dans une étude intitulée ‘’Le système d’exploitation et de reproduction de l’émigration clandestine maritime (SERECM) : Barça wala Barsakh (L’Europe ou la mort)’’, le professeur Abdoulaye Niang de l’université Kocc Barma de Saint-Louis, le docteur Patrick Kabou de l’université de Toulouse Le Capitole 1, Mame Cheikh Mbaye, consultant en Espagne et le docteur Dioly Suzanne Niang de l’université Paris 8 analysent les causes profondes de la migration maritime. Selon eux, elles sont avant tout imputables aux accords de pêche.

"Les accords de pêche entre le Sénégal et l’UE, dont l’une des conséquences importantes est la surpêche des produits halieutiques au large des côtes sénégalaises, plongent dans la précarité les pêcheurs artisanaux sénégalais, lesquels, vivant principalement de la pêche, vont voir leurs prises s’amenuiser, dès lors, de jour en jour. Ceci crée chez eux, dont près de 90 % n’ont pas un niveau d’instruction qui dépasse celui du primaire, et pour qui, dans la plupart des cas, la seule activité connue et exercée jusque-là est la pêche", écrivent-ils.

Selon l’étude, la cause de la ruée vers la mer est aussi due à la dangerosité de la voie terrestre. "L'existence de Frontex 6 avait fini par décourager les tout premiers candidats à l’émigration clandestine maritime du début des années 2000. Dès lors, l’émigration clandestine par la voie du désert commença à prendre de l’ampleur jusqu’à ce que furent rendues publiques les nombreuses exactions de nature raciste, mais avec un soubassement financier très fort, que des Libyens faisaient subir aux migrants subsahariens qui observaient une halte en Libye sur leur long parcours migratoire terrestre : l’étape libyenne est marquée par des captures et des ventes d’esclaves faites dans les rangs des migrants subsahariens, lesquels, dans ce cas, ne peuvent être libérés que si leurs parents acceptent de payer la rançon qui leur est réclamée par les ravisseurs.

La mafia migratoire marocaine, algérienne, etc., participait aussi à ces exactions destinées à extorquer financièrement les candidats à l’émigration clandestine qui s’aventuraient sur leur territoire de chasse’’, renseigne le document.   

Or, "l’existence d’une pauvreté endémique qui touche plus de 50 % de la population sénégalaise rend peu favorable un épanouissement socio-matériel durable chez la majorité des Sénégalais constituée de personnes de moins de 45 ans d’âge, ce qui va évidemment pousser la plupart d’entre eux à rêver à un meilleur avenir pour eux-mêmes et les leurs et à trouver des moyens ou voies pour arriver à leurs fins le plus rapidement possible ; et le lieu et les moyens de réalisation de ce rêve ne pouvaient évidemment être, pour le premier, que l’Europe ou l’Occident".

Ainsi, selon les rédacteurs, "l'endoctrinement" y est aussi pour quelque chose. On l'explique à travers les termes suivants : "Il existe un schéma de pensées produit et entretenu dans certains milieux sociaux et dont la finalité est de définir et de renforcer une conscience collective nationale favorable à la perpétuation de l’émigration clandestine maritime. Il s’agit d’une idéologie pro-migratoire devenue prégnante et agressive".

En d'autres termes renseignent les chercheurs, il y a une sorte d'obsession de l'Occident d'une manière générale. "Chez les candidats à l’émigration clandestine maritime, il existe une forte croyance en la possibilité d’une réussite matérielle et sociale rapide en Europe ou en Occident, si on y émigre, parce qu’il y existe le respect protecteur des droits humains, une grande tolérance morale ainsi que des opportunités insoupçonnées de natures licites ou illicites, moralement condamnables ou non, pour s’enrichir vite".

"Il s’agit, explique-t-on, en l’occurrence, de l’exercice d’activités dans le pays d’accueil comme le commerce ambulant de rue, la vente de drogues, la prostitution clandestine ou légale, la plonge dans les restaurants, le travail au noir ou non dans les plantations ou à l’usine, etc. Là, la fin justifie, ici, les moyens".

Mamadou Diop 

 

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