Yahya Jammeh relance ses accusations contre le Sénégal, mêlant anciens et nouveaux dirigeants

Depuis son exil en Guinée équatoriale, l’ancien président gambien, Yahya Jammeh, a ressuscité un vieux refrain : l’accusation d’un “complot sénégalais” pour s’emparer des réserves pétrolières offshore de la Gambie. Cette fois, Jammeh ne se contente pas de pointer le gouvernement gambien ; il met aussi en cause plusieurs figures sénégalaises, d’Abdoulaye Wade à Ousmane Sonko, et dénonce un prétendu pacte régional visant à dépouiller la Gambie de ses richesses naturelles.
Jammeh affirme qu’Abdoulaye Wade, ancien président du Sénégal, aurait, par une blague, annoncé l’intention d’accaparer le pétrole gambien par un oléoduc – un propos que Jammeh présente désormais comme un plan secret mis à exécution. Il n’a toutefois fourni aucune preuve à l’appui de ces allégations.
Dans un autre volet, Jammeh critique l'actuel Premier ministre du Sénégal, Ousmane Sonko. Selon lui, Sonko ferait preuve d’un “silence flagrant” sur la question, un silence qu’il assimile à une complicité tacite. Ces accusations s’ajoutent à une vision conspirationniste qui postule une alliance sénégalo-gambienne pour détourner les ressources du pays voisin.
Le poids de la relation sénégalo-gambienne
Les propos de Jammeh s’inscrivent dans un contexte régional délicat. La Gambie et le Sénégal, liés par l’histoire et la géographie, partagent des relations marquées par la coopération et la méfiance. L’accusation de “mainmise sénégalaise” n’est pas nouvelle : sous le régime de Jammeh, la méfiance à l’égard de Dakar était un thème récurrent utilisé pour cimenter un nationalisme interne.
Le président Macky Sall en a pris pour son grade. Yahya Jammeh l'accuse d'avoir signé un pacte en vertu duquel Macky Sall accapare le pétrole gambien contre la protection d'Adama Barrow. Alors que le successeur de Macky Sall et son Premier ministre Sonko prônent une “rupture” et un regain de souveraineté, les accusations de Jammeh paraissent en décalage. Elles interviennent au moment même où Dakar affiche une volonté de renforcer ses partenariats économiques régionaux, y compris avec la Gambie.
Des accusations sans preuve, mais un message politique
Si Jammeh nomme spécifiquement le président gambien Adama Barrow et son ancien vice-président Ousainou Darboe comme “complices” du vol pétrolier, son discours s’étend bien au-delà de la Gambie. Il dénonce un vaste complot impliquant les dirigeants sénégalais, des compagnies étrangères et même les racines familiales de l’opposant gambien Halifa Sallah, qu’il accuse d’avoir “des origines sénégalaises” et de privilégier Dakar.
Ces propos incendiaires interviennent dans un climat économique fragile, où la Gambie peine à exploiter ses propres ressources pétrolières, encore largement inexplorées. La rhétorique de Jammeh – appelant les Gambiens à diffuser “massivement” son message et à se dresser contre le gouvernement actuel – semble avant tout viser à alimenter la discorde interne, plutôt qu’à fournir des informations vérifiables.
Un défi pour la stabilité régionale
Les allégations de Jammeh restent sans preuve et s’appuient sur des anecdotes, voire des “blagues” attribuées à d’anciens dirigeants sénégalais. Mais elles mettent en lumière la fragilité des perceptions de souveraineté en Afrique de l’Ouest, où les ressources naturelles attisent des fantasmes de convoitise régionale.
Pour le Sénégal, ces accusations n’ont pas de fondement concret, mais elles rappellent les vieilles suspicions transfrontalières qui peuvent ressurgir à tout moment. Les dirigeants de Dakar devront s'habituer à prendre à bras le corps ces perceptions pour maintenir une coopération constructive avec la Gambie et éviter que ce genre de discours ne mine la stabilité régionale.