50 ans après Mai 1968 ‘’Le combat continue’’
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Cinquante ans après Mai 68, les acteurs se sont réunis ce samedi à la maison d’édition L’Harmattan pour se pencher sur les enseignements à tirer de cet évènement-phare dans la marche de la jeune République du Sénégal. C’était à l’occasion de la cérémonie de dédicaces de la deuxième édition du livre ‘’Mai 1968 à Dakar ou la révolte des étudiants’’ écrit par Abdoulaye Bathily.
Mai 68 magnifié un 23 juin, tout un symbole. Ces deux dates ont, en effet, beaucoup marqué l’histoire contemporaine du Sénégal. La première a eu lieu en 1968, la deuxième en 2011. Ce samedi à L’Harmattan, à l’occasion de la cérémonie de dédicaces de la deuxième édition du livre ‘’Mai 68’’ écrit par le professeur Abdoulaye Bathily, les vétérans ont pris d’assaut la salle Amady Aly Dieng. Une rencontre de haute facture pour discuter : révolutions syndicale, étudiante, économique, sociale…
Mai 68, c’est il y a 50 ans. Un autre Mai 68 est-il possible ? Pendant que certains, comme Daba Dione Tall, soixante-huitard, ancienne amazone de Claudel, versent de plus en plus dans les méandres du scepticisme, d’autres préfèrent laisser du temps au temps qui, parfois, réserve bien des surprises. C’est le cas de l’éminent professeur, directeur de l’Institut des futurs Africains de Praia, Aliou Sall Paloma. Auteur du Postface, il déclare, après avoir constaté avec l’auteur que les enjeux de 1968 demeurent : ‘’Le combat pour lequel on s’était mobilisé est toujours d’actualité. Rien n’indique donc qu’on ne peut plus connaitre un autre Mai 68. C’est possible, même si ça doit se présenter sous d’autres formes. Il ne faut cependant pas être catégorique. Car ce n’est pas non plus quelque chose d’inévitable.’’
Au-delà de l’action immédiate menée par les étudiants à l’époque, il faut retenir avec le spécialiste de la Prospective que Mai 68 est, en fait, plus que des manifestations, c’est un esprit. En tant que tel, il transcende les générations et subsistera tant que les problématiques qui ont été à son origine perdureront.
Cependant, si l’esprit Mai 68 est encore vivace, c’est à se demander s’il y a des jeunes aussi engagés pour raviver la flamme de la révolution d’alors, qui n’a pas produit les résultats escomptés. Mme Tall ne se fait pas d’illusion. ‘’Parfois, se confesse-t-elle, le pessimisme m’envahit. Les raisons qui nous avaient poussés dans la rue sont toujours là, mais l’engagement et la conscience citoyenne, l’esprit du don de soi pour la République et l’intérêt général tendent à disparaitre. Il n’empêche, je continue d’espérer qu’il y aura bien un autre Mai 68’’. D’où l’intérêt, selon-t-elle, de l’ouvrage du Pr. Bathily. ‘’Les nouvelles générations, fort de ses enseignements, pourront réussir là où nous avons échoué’’, clame-t-elle avant de plonger dans un futur incertain. ‘’Un jour, dit l’amazone avec mélancolie, un soleil nouveau, peut-être, brillera sur notre continent où il fera bon vivre. Même si nous ne serons plus là’’.
Dans l’assistance, que des sommités ! Un Premier ministre (Mamadou Lamine Loum), des ministres, des universitaires, des personnalités venues de tous les horizons. Le professeur émérite, Iba Der Thiam, qui a été de tous les combats selon les intervenants, qui, en 1968, faisait partie de la cohorte de manifestants déportés à Dodji, n’a pas été en reste, malgré son âge avancé.
En ce jour marquant l’anniversaire d’un autre mouvement, tout aussi décisif - le M23 - Abdoulaye Bathily ne veut surtout pas parler d’échec de la révolte des étudiants. Selon lui, le mouvement enclenché en 1968 est un processus qui a posé les jalons de plusieurs autres mouvements populaires. ‘'Le 23 juin s’inscrit dans cette dynamique. C’est dans le même cadre qu’il faut inscrire les évènements de 1988, le combat de 2000 qui a débouché sur une première alternance... Et si vous regardez bien, tous les dirigeants des pôles de gauche qui ont activement contribué dans les victoires d’Abdoulaye Wade en 2000 et de Macky Sall en 2012 sont issus de ce mouvement’’.
Alors 50 ans après, quel regard sur le présent et le futur du Sénégal ? L’ancien président de l’Union démocratique des étudiants sénégalais explique : ‘’Les problèmes restent entiers. En 1968, on se battait pour mettre un terme à l’emprise française sur l’économie nationale, pour les questions éducatives… Malgré les multiples réformes, les fondamentaux de notre société n’ont pas changé. Les débats de l’époque sont les mêmes que ceux d’aujourd’hui.’’ Alors Professeur, que faire pour renverser la tendance ? ‘’Chaque génération doit mener son combat. Nous avons mené le nôtre. Le combat va continuer. Un mouvement populaire ne se termine pas. Ceux qui croient que c’est fini vont l’apprendre à leurs dépens. Il peut y avoir des ralentissements de temps à autre, mais c’est en apparence. Le mouvement finit toujours par réapparaitre’’, rétorque-t-il, optimiste.
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CEREMONIE DE DEDICACES
Abdoulaye Bathily met encore le pied dans le couscous de Macky
En marge de la cérémonie de dédicaces, le professeur Abdoulaye Bathily est revenu sur des questions brûlantes de l’actualité.
‘’Coalition ne veut pas dire parti unique’’. L’affirmation ne souffre d’aucune ambiguïté. Elle est du professeur Abdoulaye Bathily. Est-ce une pierre dans le jardin de la grande coalition présidentielle Benno Bokk Yaakaar ? En tout cas, ça en a tout l’air. Mais l’historien précise : ‘’Ce n’est pas valable seulement pour le Sénégal ; les coalitions apparaissent de plus en plus comme des partis uniques. Elles contrôlent aussi bien l’Exécutif que le Législatif. Elles décident de tout sans aucune concertation. C’est quelque chose qu’on doit revoir. En ce qui me concerne, depuis 1968, je me suis battu contre les partis uniques. En 2000, ‘’bi Abdoulaye Wade commencé tekk ay tankou bouki, je l’ai quitté et je l’ai dénoncé face à la presse’’.
L’ancien secrétaire général de la Ligue démocratique répondait ainsi à une question sur le parrainage. Se voulant plus concis, il dit : ‘’Le parrainage tel qu’il se présente est un recul démocratique, comme j’ai eu à le dire. Il y a d’autres moyens de renforcer la démocratie. Si leur (le régime, Ndlr) problème c’est le nombre de candidats qui entrainent des dépenses supplémentaires, ils n’ont qu’à mettre en place le bulletin unique. C’est ce qui se fait dans beaucoup d’Etats africains maintenant.’’
Ainsi, ce samedi, en marge la cérémonie de dédicaces de son livre, Abdoulaye Bathily, comme à l’accoutumée, n’a pas fait dans la langue de bois. Très en verve, il est aussi revenu sur le débat autour de la question du pétrole et du gaz. A ce propos, il affirme, le sourire en coin : ‘’C’est bien de se concerter, mais cela n’a de sens que si ces concertations doivent aboutir à une révision de tous les contrats qui ont été signés depuis le départ. Sinon, à quoi ça sert si on dit : ces contrats ont déjà été conclus, on n’y peut plus rien.’’
Mor Amar